Les artisans du deuil côtoient chaque jour la mort… ce qui en fait des fins observateurs de la vie. C’est autour de ces attachants personnages que Georges Hannan a tricoté son dernier documentaire, qui sera présenté dimanche aux Rendez-vous Québec Cinéma.

Guy Belliveau avait 13 ans lorsque son voisin, travailleur de l’industrie funèbre, lui a fait une offre qui allait tout changer : « Aimerais-tu tondre le gazon au cimetière ? » Du haut de son petit tracteur, il observait les mises en terre avec une fascination débordante. « Je voulais vraiment savoir comment ça se passait dans le salon funéraire. Après la première fois où j’ai assisté à un embaumement, ça ne m’est plus jamais sorti de l’idée », raconte-t-il.

Ça fait 34 ans que le directeur de funérailles pratique son métier dans un centre funéraire de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Avec autant d’années d’expérience vient son lot d’anecdotes et de réflexions sur la mort, ce qu’il nous sert généreusement dans le documentaire de Georges Hannan Croque-mort – C’est beau la vie !

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Cédric Gautreau, un des très attachants protagonistes de Croque-mort – C’est beau la vie !

C’est en entrevue Zoom, l’écran de nos interlocuteurs installé dans rien de moins qu’un cercueil, qu’on rencontre Georges Hannan et Guy Belliveau. « Êtes-vous confortable ? », nous lance le réalisateur en déplaçant les coussins, laissant présager l’humour dont le film est empreint. « Mais attention : je ne ris pas de la mort. Je ris de notre relation avec la mort », précise Georges Hannan.

Des rituels en voie de disparition

« Le mot deuil vient du latin de douleur. Cette douleur-là va t’arriver, que tu le veuilles ou non. Alors il faut bien apprendre à la gérer », lance Georges Hannan. Et c’est entre autres là qu’interviennent les protagonistes de son documentaire, que le réalisateur qualifie de « véritables philosophes ».

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Le réalisateur Georges Hannan

« Au départ, je voyais les thanatologues et les salons funéraires comme ceux qui prennent la relève quand le système de santé ne peut plus rien faire. J’ai finalement réalisé qu’ils font, en quelque sorte, partie intégrante du système. Ils s’occupent du deuil d’une famille, d’un village… ils s’occupent de ceux qui restent ! »

Alors que la religion a longtemps accompagné les endeuillés, ces corps de métier font aujourd’hui davantage office de ressource. Et font face à un grand défi, celui de réhabiliter le deuil.

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Les directeurs de funérailles coordonnent tous les aspects des services funéraires.

Pourquoi prenons-nous de moins en moins le temps de traverser cette épreuve ? « Prends-tu le temps de souper une heure chaque soir ? », nous lance Guy Belliveau, du tac au tac. « On ne prend plus le temps de grand-chose, dit-il. On repousse tout. Mais le deuil va tout le temps être en avant de nous, tant qu’on ne sera pas passé dedans. »

Le thanatologue est sans équivoque : la mort est taboue. Pour mieux vivre avec cette réalité, pourquoi ne pas l’accepter ? « On dit aux enfants que les morts dorment… après, les enfants ont peur de s’endormir parce qu’ils pensent qu’ils vont se ramasser dans un cercueil, eux autres aussi. »

Penser à la mort… pour mieux vivre !

Guy Belliveau se souvient d’une mort frappante, qui avait bouleversé le jeune professionnel de 18 ans qu’il était, dans les premiers mois de sa carrière. « Il y a eu le décès d’une petite fille de 7 ans… Je me suis dit ‟ouf, c’est jeune”. Mon patron m’avait fait remarquer : ‟Tu vas voir, il y a des mortalités de tout âge.” On ne sait jamais quand ça peut arriver, il faut profiter de la vie !” »

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Georges Hannan s’est amusé à parsemer son film de clins d’œil aux symboles de la mort.

« Pour bien vivre, il faut apprendre à mourir. » Cet adage résonnait fort en Georges Hannan pendant le tournage de son film. « C’est la seule façon d’apprécier la vie à sa juste valeur », s’exclame-t-il. Et ses intervenants en font la preuve en réfléchissant à voix haute à l’ultime voyage avec une réconfortante sagesse.

Croque-mort – C’est beau la vie ! sera présenté dans le cadre des Rendez-vous Québec Cinéma le dimanche 26 février à 20 h 45 au Cinéplex Odéon du Quartier latin.

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Croque-mort – C’est beau la vie !

Documentaire

Croque-mort – C’est beau la vie !

Georges Hannan

52 minutes