Le prix du baril de pétrole grimpe, c'est un fait. Il pourrait même, d'ici la fin de la nouvelle année, atteindre la barre des 200$, selon plusieurs spéculateurs financiers.

L'effet dissuasif d'une telle hausse n'a pas d'égal. Les moteurs à forte efficacité énergétique auront de plus en plus la cote auprès des consommateurs désireux de ne pas trop dégarnir leurs portefeuilles. Tous les ingrédients sont réunis pour qu'une nouvelle technologie prometteuse prenne son élan: l'air comprimé. Guy Nègre a décelé assez tôt cette tendance et le constructeur automobile indien Tata est aujourd'hui embarqué dans l'aventure.

 

M. Nègre, ingénieur français, a mis au point un moteur à air comprimé appelé CAT 34 (dernière génération de moteur issue du développement). Ce mode de propulsion plutôt révolutionnaire est d'une ingéniosité fascinante.

 

Une série de réservoirs d'air comprimé est installée sous l'auto. Ces réceptacles contiennent 100 litres d'air comprimé à environ 300 bars (4351 livres/pouce carré). À titre de comparaison, la pression moyenne des pneus d'une voiture se situe aux alentours de 1,4 et 3,5 bars (20 et 50 livres/pouce carré). Les réservoirs sont faits de thermoplastique recouvert de fibre de carbone, ce qui leur confère une étanchéité complète et un poids plume (à peine 35 kilogrammes chacun). On peut faire le plein d'air en trois minutes dans des stations de remplissage.

 

Un compresseur installé à même le véhicule fait un travail identique lorsqu'il est branché sur une prise électrique (115-230-380 volts), mais prend plus de temps (entre trois et cinq heures). L'air ambiant passe bien évidemment dans un filtre à particules pour éliminer toutes les impuretés. Ainsi, l'air éjecté après son utilisation est plus propre que lors de son admission.

 

Ce compresseur de cinq kilowatts, appelé «moto-alternateur», est multifonctionnel: il produit l'énergie nécessaire au freinage de l'automobile, fait office de démarreur, est une source de puissance pour le moteur principal en cas de besoin, et recharge la batterie pour le système électronique. Cette batterie jouit également d'un apport en électricité émanant de l'énergie dissipée au freinage. Un dispositif positionné dans les freins du véhicule récupère cette énergie. Ce principe est employé dans les voitures hybrides depuis quelques années.

 

L'air est ensuite acheminé à travers un circuit de tuyaux vers le moteur. Ce dernier a pratiquement la même architecture qu'un moteur à combustion. Cette mécanique est composée de deux séries de deux cylindres à plat. Ces deux séries ont toutes deux des dimensions différentes. Deux pistons opposés sont reliés au vilebrequin par une bielle ordinaire et reçoivent l'air comprimé à 30 bars (435 livres/pouce carré). Deux autres pistons, aussi opposés mais de plus grande dimension, reçoivent la même pression d'air, mais bénéficient de bielles articulées.

 

Ce principe de bielle articulée permet l'inertie du piston sur 70 degrés de rotation du vilebrequin. Pendant ce temps, il y a réajustement de la pression dans ces deux cylindres spécifiques. Ce même principe permet l'augmentation du régime moteur et, par conséquent, de la puissance. Les soupapes d'admission et de sortie d'air s'ouvrent et se ferment par électromagnétisme, et bénéficient d'un ajustement (calage) variable. Une boîte de vitesses automatique transmet la puissance aux roues avant.

Résultants concluants

Les résultats sont tout de même impressionnants. Avec 800 centimètres cubes de cylindrée, ce petit quatre cylindres produit 25 chevaux à 4000 tours/minute. Son autonomie se situe entre 200 et 300 kilomètres, et sa vitesse de pointe se chiffre à 110 km/h. Bien évidemment, des vidanges d'huile sont à prévoir à tous les 55 000 kilomètres! Pour accroître l'autonomie et la vitesse maximale, l'équipe de Guy Nègre travaille à mettre au point un engin hybride pouvant bénéficier d'un deuxième moteur de faible cylindrée capable de carburer aux combustibles fossiles, par exemple.

 

Bien entendu, l'ingénieur français s'est inspiré de la philosophie de Colin Chapman (fondateur de Lotus) pour l'élaboration du combiné châssis-carrosserie. Dans le but d'atteindre une très grande légèreté, la carrosserie est fabriquée en fibre de verre injectée de mousse. Ce matériau est, de plus, peu coûteux à produire à grande échelle.

 

Le châssis, quant à lui, est façonné de tringles d'aluminium collées ensemble, s'inspirant des techniques utilisées en aéronautique. Toujours dans une optique de réduction de poids, la majorité des câbles faisant fonctionner les dispositifs électroniques ont été supprimés pour laisser place à un système d'émetteurs-récepteurs. Chaque composante électronique reçoit un signal d'un microcontrôleur. Grâce à cette approche, un seul câble est nécessaire, une économie de 22 kilogrammes. La masse atteinte est donc surprenante: 550 kilogrammes (pour la MiniCat's, la voiture de milieu de gamme), soit 45 de plus qu'une Formule Un avec un pilote à son bord.

 

Selon le modèle choisi, la bagnole peut accueillir entre trois et six occupants. La climatisation de l'habitacle est obtenue à l'aide de l'air comprimé (très froid, entre -15° et 0° C) rejeté par le moteur.

Partenariat prometteur

L'association avec le constructeur automobile indien Tata aura des effets bénéfiques sur la démocratisation de cette auto. Ce contrat de transfert de technologie, chiffré à 20 millions de dollars, aidera bien évidemment le déroulement des recherches. De plus gros moteurs, que pourraient notamment recevoir des autobus, sont à l'essai.

 

Fiche technique (CityCat's)

Longueur: 3,84 mètres

Largeur: 1,72 mètre

Hauteur: 1,75 mètre

Poids: 750 kg

Autonomie: entre 200 et 300 kilomètres

Moteur: quatre cylindres, 800cc, "carburant" à l'air

Vitesse maximale: 110 km/h

Nombre de places assises: six

Échelle de prix projetée pour les trois modèles: 3500 à 9460 euros (environ 5445$ à 14 309$)