En cette période de l'année, l'industrie de l'automobile croule sous les prix. Voiture de l'année par-ci, voiture de l'année par-là. Pas de panique chez les constructeurs, des prix, il y en a pour tout le monde. Au consommateur, ensuite, de démêler tout cela.

La pression des constructeurs et l'intégrité des journalistes... Ces deux thèmes reviennent toujours, dès qu'il est question de «la voiture de l'année ».

A-t-on déjà entendu quelqu'un demander à un juré du Festival de Cannes ou du prix Goncourt, si les maisons de production et les éditeurs cherchaient à les soudoyer? Alors, pourquoi toutes ces questions entourant la «voiture de l'année »?

Sans doute parce qu'on ne s'y retrouve plus. C'est dommage puisque ce prix devrait être un happening pour le consommateur et non pour l'industrie, comme c'est le cas aujourd'hui. C'est à se demander si les organisateurs et les électeurs de plusieurs de ces concours cherchent à se retrouver dans « les petits papiers » des constructeurs plutôt que d'informer adéquatement les consommateurs.

La perplexité des consommateurs face à ces multiples concours est parfaitement compréhensible? En 2009 par exemple, deux associations nord-américaines d'importance ont attribués le titre de la voiture de l'année à la Hyundai Genesis. Était-elle la voiture de l'année vis-à-vis les autres ou était-elle la meilleure nouveauté de l'année? Appréciez la nuance. La berline sud-coréenne a également obtenu la même accolade de Consumer Reports, mais la revue américaine ne la recommande pas pour autant en raison de «données insuffisantes» sur sa fiabilité. La meilleure ne devrait-elle pas aussi être la plus fiable?

Ces contradictions ne feront que s'amplifier avec les années. Dans un premier temps, en raison de l'explosion des nouveaux médias. Tout le monde a un prix à remettre: «voiture de l'année», «camion de l'année», «technologie de l'année», «moteur de l'année », «belle de l'année», etc. Dans un second temps, en raison de la multiplication des véhicules-niches qui ont pour effet de rendre totalement obsolète la segmentation habituelle. La Kia Soul? Est-ce une compacte ou un multisegment? Et les hybrides doivent-ils ou non être comparés véhicules traditionnels ou figurer dans une catégorie à part?

Que les prix, comme les catégories, se multiplient est une chose. Que la démarche qui a conduit à l'élection de telle ou telle voiture soit claire, en est une autre. C'est ici que le bât blesse. Que la voiture X soit élue «voiture de l'année» ou «meilleure nouveauté de l'année» plutôt que la voiture Y, on veut bien le croire, mais est-ce possible de savoir pourquoi. Et par qui? Sans quoi, comment chasser les nuages de malversation qui planent au-dessus des organisateurs de ce genre de concours?

Faute d'une transparence totale, aucun titre de «voiture de l'année» et autres prix du genre n'est et ne sera à l'abri de la controverse. D'ailleurs que connaissez-vous de la poignée de journalistes chargés de décerner pour le compte de l'Association des Journalistes Automobiles du Canada ou du North American Car of Year la meilleure automobile cette année? Rien. Pas plus que vous ne connaîtrez les choix individuels et les commentaires personnels de chacun des membres de ce distingué panel comme c'est le cas en Europe où les choix individuels des journalistes-électeurs sont publiés au grand jour, avec commentaires personnels sur lesdits choix (www.caroftheyear.org). Dommage, cela aurait notamment permis d'isoler les coups de coeur ou les préjugés (comme cet ancien juré qui ne voulait pas voter pour une américaine sous prétexte qu'elle était forcément bâclée) qui existeront toujours d'où l'importance d'une totale transparence, même si cela exige de la part des jurés une bonne dose de courage.