Billet Serez-vous bientôt viré?

Aujourd'hui, les technologies embarquées sont devenues un argument commercial pour convaincre les automobilistes de changer de véhicule. Dommage pour ceux et celles qui éprouvaient encore du plaisir à conduire.

Propre et sûre, sans doute, l'automobile 2010 devient plus contraignante et plus ennuyeuse aussi. Au rythme où vont les choses, Québec pourra bientôt ranger "sa" table québécoise de la sécurité routière, démanteler ses radars photo et même jeter une partie du Code de la route au panier. La voiture se conduira seule. En d'autres mots, vous êtes viré.

 

La voiture de demain résistera mieux en cas de choc, consommera peu d'énergie; elle sera également mieux insonorisée, plus lumineuse. Le régulateur bloquera la vitesse sur autoroute et freinera à l'approche de la (bonne) sortie. Durant les longs embouteillages, on pourra recevoir et envoyer des courriels, écouter les bulletins de nouvelles à la télé, faire la sieste ou rêvasser en regardant le déplacement des nuages.

 

La conduite sera détendue. Finies les paumes rougies à force de taper sur le klaxon. Finies les marques d'ongles incrustées dans le tableau de bord. Détendez-vous donc un peu. La conduite elle-même sera standardisée, le conducteur aura de moins en moins d'influence. Bref, la conduite risque d'être aussi amusante que l'utilisation d'un lave-vaisselle.

 

Pour le meilleur et pour le pire

 

Tout cela ressemble à de la fiction, mais ce n'en est pas. Plus que jamais, nos véhicules placent notre conduite sous haute surveillance. Déjà, plusieurs véhicules proposent de nous prêter assistance (aide au stationnement, au freinage et aux angles morts, etc.). Bientôt, qui sait, votre véhicule vous communiquera de petits rappels amicaux: "Attention, vous avancez", "Attention, vous avez enclenché la marche arrière, vous reculez", "Attention, votre lacet est défait..."

 

D'ici là, pas de risque de s'endormir. Des bips-bips permanents vous préviennent déjà que vous suivez de trop près le véhicule qui vous précède, qu'un motocycliste se trouve dans l'angle mort du rétroviseur, qu'il y a risque de gel au sol, que vos mains sur le volant deviennent trop molles, ou que vous chevauchez la ligne blanche. Au fait, est-elle pleine ou pointillée?

 

Un mot de votre part et votre véhicule augmente la température à bord, syntonise une autre chaîne et allume votre baquet chauffant. Un obstacle se dresse sur la route, il resserre votre ceinture de sécurité et appuie sur la pédale de frein à votre place et donne, en cas de besoin, un coup de volant. Certaines caméras de recul vont jusqu'à filmer le paysage dès que la marche arrière est enclenchée pour ensuite tracer à l'écran des lignes directrices pour faciliter la manoeuvre.

 

Vous n'êtes plus concentré sur votre conduite

 

Si la technologie existante permet déjà de gérer sans intervention humaine la conduite automobile, de nombreuses raisons plaident pour ne pas déresponsabiliser les conducteurs. D'autant que, en cas de dysfonctionnement, ces technologies, loin d'être une aide, deviendraient surtout un handicap, même un danger. Et les constructeurs veulent éviter à tout prix de se retrouver sur le banc des accusés. Pas question pour un constructeur d'être tenu responsable d'un accident.

 

L'objectif poursuivi par les constructeurs vise plutôt à informer le conducteur et lui envoyer des signaux (sonores, visuels ou tactiles) en cas de danger. Le principe directeur est: attendre de connaître l'intention du conducteur avant de lui prêter assistance.

 

Le problème (de taille) pour les constructeurs est de concevoir des capteurs fiables et performants capables d'anticiper une situation de danger. Ce n'est pas demain la veille. Et puis il y a toute une éducation à faire.

 

Quelles sont les limites de ce système (s'il neige, il fonctionne correctement?) et surtout comment fonctionne-t-il? Mais avant toute chose, ne vaut-il pas mieux apprendre à l'automobiliste les filets de sécurité existants? Comme de ne pas retirer son pied de la pédale de freinage lorsqu'il ressent des vibrations liées au déclenchement de l'ABS.

 

Aujourd'hui, lorsque l'on est concentré sur sa conduite, on oublie vite cette débauche de technologies. Et c'est tant mieux! Votre véhicule n'a pas de permis de conduire. Pas encore!