Le principe paraît aujourd'hui immuable, mais peut-on imaginer un jour une Acura s'appelant autrement que par une série de trois lettres? Peut-être bien. Après tout, cette marque de prestige, fondée par Honda, n'a-t-elle pas démarré avec des produits baptisés Integra, Legend ou Vigor?

Cadillac a aussi fait quelques allers et retours entre les deux options. Autrefois, elles se nommaient Fleetwood, Eldorado ou encore Seville. Aujourd'hui, la désignation alphabétique a pris le pouvoir (DTS, CTS, STS). Porsche a également oscillé entre les deux axes avant de prendre le pari inverse. Seule la 911 s'accroche au principe des trois chiffres avec un neuf au début. Aujourd'hui, chaque produit de la marque adopte un vrai nom de baptême (Boxster, Cayman, Cayenne et Panamera).

 

Le principe des trois chiffres avec un zéro central demeure cependant d'actualité chez Peugeot. D'ailleurs, puisqu'il en était question, la Porsche 911 devait se nommer 901, mais Peugeot détient un brevet protégeant tous les nombres comportant un 0 entouré de deux chiffres. Le premier chiffre indique la gamme, le troisième la génération. Et pourquoi le zéro au milieu? La légende veut qu'à l'origine, le zéro masquait le trou de la manivelle visible sur les premiers modèles. Tiens, cela vous fera une histoire à raconter.

Le constructeur français Peugeot reconnaît aujourd'hui que ce système d'appellation a atteint ses limites, puisqu'il n'y aura bientôt plus de série de chiffres disponibles... Mais Peugeot se refuse à l'abandonner, car il comporte un avantage: il structure logiquement la gamme. Ainsi, tout le monde comprend par exemple qu'une 308, c'est plus gros qu'une 206 et plus petit qu'une 607. Mais la 1007, également commercialisée par Peugeot, est-elle plus grosse ou plus petite qu'une 107?

Si le système de chiffres a ses limites, que dire de celui qui fusionne des lettres? Le consommateur peut avoir quelques difficultés à identifier la catégorie de chaque voiture. Le néophyte peut raisonnablement se demander pourquoi la 13e lettre de l'alphabet est associée à un véhicule d'un gabarit plus important (MDX) qu'un véhicule adoptant la 18e (RDX) ou la 26e (ZDX). À cette méthode «décroissante», le concurrent d'en face - Infiniti en l'occurrence - oppose une démarche contraire. Une G appartient à une classe «inférieure» à la M.

Malgré ces écueils, les dénominations alphabétiques ou numériques permettent généralement d'établir une hiérarchie au sein d'une gamme de modèles et de faire du nom de la marque la seule vedette. Ainsi, on ne conduit pas une Série 1, mais une BMW. De plus, cette dénomination permet de forger une identité technologique plutôt qu'émotionnelle.

 

Ça veut dire quoi au juste?

En adoptant un nom, la notoriété qu'il peut avoir ne remonte pas systématiquement vers le constructeur. À preuve, on n'a qu'à penser à la Corvette. Un nom qui a une charge émotive élevée ne se trouve pas à tous les coins de rue. D'autant plus que ce nom doit être libre de droits et se prononcer dans toutes les langues où le véhicule sera distribué. Deux conditions - il y en a d'autres - difficiles à réunir.

À chaque modèle sa problématique. Il y a quelques années, Ford voulait ressusciter le nom Futura, qu'il exploitait déjà dans les années 50. Hélas, le constructeur américain s'est vu interdire l'emploi de ce nom par un juge sous prétexte qu'un détaillant d'articles d'autos, Pep Boys, employait déjà le label sur des pneus. Cet épisode était le second du genre pour le constructeur de Detroit: quelques mois plus tôt, il avait déjà été contraint d'abandonner le nom «GT40» pour la nouvelle version de son bolide des années 60 pour des raisons similaires.

Ford veut que tous ses produits débutent par la lettre F (Focus, Futura, Fusion, Flex, etc.), mais ce n'est pas le seul constructeur à vouloir créer son propre univers. Le constructeur espagnol Seat a un faible pour les noms de villes (Ibiza, Marbella, Toledo...), tandis que Volkswagen se réfère à des vents (Sirocco, vent saharien, Passat, nom allemand d'un système de vents, et Golf, traduction allemande de golfe), et Lamborghini à des races de taureaux (Gallardo, Murciélago).

Avant d'apposer un nom, il faut vérifier son degré de compréhension, sa facilité de prononciation, mais aussi sa signification dans les diverses cultures. Ce dernier point échappe parfois à la vigilance des constructeurs.

Lorsqu'il figure sur la liste des noms proposés au conseil d'administration de Nissan, le mot Moco ne veut apparemment rien dire. Mais il colle bien à la petite citadine que le constructeur japonais s'apprête à lancer. Un nom mignon, mais on ne s'aperçoit qu'après coup qu'en espagnol, «la moco» fait référence aux sécrétions nasales...

Même stupeur chez Mitsubishi avec le Pajero qui, en espagnol toujours, fait allusion «au plaisir solitaire».

Toyota a également connu ce genre de problème, mais en France cette fois, avec le MR2 («Merdeux»). Et, plus près de nous, pourquoi pensez-vous que Buick a renommé sa berline LaCrosse?