Comme un Hummer roule beaucoup, alors que les propriétaires de Prius se limitent généralement à une dizaine de milliers de kilomètres par année, et que les technologies sophistiquées de la Prius exigent des minerais coûteux et des allers-retours entre différentes usines, le mastodonte se révèle finalement plus écologique que la petite hybride.

Comme un Hummer roule beaucoup, alors que les propriétaires de Prius se limitent généralement à une dizaine de milliers de kilomètres par année, et que les technologies sophistiquées de la Prius exigent des minerais coûteux et des allers-retours entre différentes usines, le mastodonte se révèle finalement plus écologique que la petite hybride.

Ces conclusions ont été descendues en flammes par les experts des analyses de cycle de vie. Mais elles ont le mérite d'attirer l'attention sur trois points cruciaux. «Il est vrai que les voitures plus complexes nécessitent plus d'énergie à fabriquer et à entretenir, particulièrement aux débuts d'une technologie, explique Mark Delucchi, un écologiste qui travaille sur le sujet à l'Université de Californie à Davis. Plus une voiture est fabriquée en grande quantité, plus il y a des économies d'échelle au plan de l'énergie. Finalement, il est important de bien évaluer la durée de vie des voitures. Ce sont des choses que nous savions, et l'étude de CNW s'en sert à juste titre.»

De la mauvaise foi

Mais l'analyse de CNW Research pèche par exagération, selon M. Delucchi. Estimer le kilométrage total d'un Hummer à 450 000, contre 150 000 pour la Prius, frôle la mauvaise foi. De même, les coûts de conception et de fabrication des hybrides comme la Prius sont surévalués. «Je n'ai pas eu le temps de disséquer l'analyse de CNW, d'autant plus qu'il manque des équations, indique M. Delucchi. Mais il y a des fausses notes évidentes. Par exemple, la Xion À affiche 50% plus de coûts énergétiques que la Xion B, alors que les deux modèles ont la même plateforme et le même moteur.»

Joint en Oregon, l'auteur de l'article de CNW Research, Art Spinella, un journaliste, martèle l'argument principal de son rapport, nommé Dust to Dust: les coûts énergétiques de conception, de fabrication et de destruction d'une voiture sont grossièrement sous-évalués par ses confrères. Ils sont bien supérieurs à 50% pour le cycle de vie total d'une voiture, alors que les rapports citent généralement des chiffres allant de 10% à 30%.

Cette différence est cruciale: si les coûts de fabrication sont importants, l'énergie utilisée par le propriétaire - essentiellement l'essence - devient moins cruciale. Il peut donc être plus «vert» d'acheter une voiture moins sophistiquée, qui consomme beaucoup d'essence, pourvu qu'on la conserve longtemps. «Prenez l'industrie de la vente de voitures d'occasion: elle consomme une quantité phénoménale d'énergie, seulement pour les activités des 43 000 concessionnaires et le transport des voitures d'un État à l'autre, dit M. Spinella, qui est directeur de la recherche chez CNW. Se débarrasser d'une voiture peut constituer plus du tiers de son coût énergétique total.»

Soupçons

Les nombreux critiques de M. Spinella lui reprochent de ne pas avoir soumis son rapport à l'évaluation de ses pairs, et avancent qu'il pourrait être financé par l'industrie automobile américaine. «Foutaises, dit-il. Personne ne me finance. D'ailleurs, mon message est de garder sa voiture le plus longtemps possible. Ce n'est pas à l'avantage de l'industrie.»

Il ajoute qu'il n'a pas l'intention de soumettre son rapport à l'évaluation de ses pairs parce que ces derniers sont beaucoup moins calés que lui.

Cela fait une trentaine d'années que M. Spinella s'intéresse aux voitures hybrides. «Dans les années 70, j'ai publié un certain temps un bulletin sur les voitures électriques. Dernièrement, j'ai décidé de voir si les hybrides tenaient leurs promesses. Nous avons été les premiers à noter que la consommation d'essence des hybrides était 30% plus élevée que les chiffres des constructeurs. Cela dit, les choses s'améliorent: entre notre premier rapport et celui que nous avons publié ce printemps, les coûts de fabrication ont chuté assez pour améliorer de 10% le coût énergétique des hybrides durant tout leur cycle de vie.»

Le prochain rapport sera publié cet automne, et M. Spinella veut en faire des versions trimestrielles.