Il y a fort à parier que vous vous trompez. L'énergie qu'a nécessité la construction de votre nouvelle voiture est probablement plus élevée que les économies d'essence -et d'émissions de CO2- que vous ferez avec votre nouvelle voiture «propre».

Il y a fort à parier que vous vous trompez. L'énergie qu'a nécessité la construction de votre nouvelle voiture est probablement plus élevée que les économies d'essence -et d'émissions de CO2- que vous ferez avec votre nouvelle voiture «propre».

Au Centre pour les systèmes durables de l'Université du Michigan, un groupe d'ingénieurs a étudié en profondeur le cycle de vie des véhicules automobiles. Son verdict : les progrès des systèmes antipollution sont beaucoup moins impressionnants qu'auparavant.

Jusqu'au début des années 90, si on voulait minimiser la quantité de smog qu'on produisait, il valait mieux changer de voiture à tous les trois à six ans (avec une utilisation de 20 000 km par année). Depuis l'an 2000, ce délai est passé à sept à 14 ans.

Pour ce qui est des émissions de dioxyde de carbone, on peut garder sa voiture 18 ans. Évidemment, cette analyse n'est pas directement applicable à notre climat nordique. Mais la différence est sûrement proportionnelle. Il faut donc choisir entre réduire le smog ou contrer l'effet de serre.

«Au plan environnemental, changer de voiture n'a de sens que s'il y a une révolution technologique, par exemple le moteur hybride, explique Hyung Chul Kim, qui a beaucoup travaillé sur le sujet durant son doctorat à l'Université du Michigan. Mais de telles avancées ne surviennent pas très souvent. Et à mon avis, seule les hybrides complètes, qui utilisent l'énergie du freinage, constituent une révolution suffisante pour justifier un changement rapide de voiture.»

Le problème, c'est que construire une voiture occasionne aussi des émissions, durant l'extraction des matières premières - fer, pétrole - et le montage. Il faut qu'une nouvelle voiture pollue beaucoup moins pour compenser les émissions durant sa construction.

Par une simple règle géométrique, les premières améliorations des systèmes antipollution étaient «rentables» plus rapidement. Si on part d'une situation où une voiture émet 10 unités de pollution, et qu'il faut cinq unités de pollution pour la produire (ce sont des chiffres complètement fantaisistes), la première réduction de 50 % des émissions vaut la peine, mais pas les suivantes.

Évidemment, les réductions des émissions durant la construction feront pencher la balance de l'autre côté, et permettront de changer de voiture plus vite.

À noter, l'équation ne tient que si on remplace une voiture de la même catégorie, par exemple si on change sa Tercel pour une Fit ou une Echo. Si on veut passer d'un véhicule utilitaire sport à une compacte, les émissions sont assez réduites pour compenser celles qui ont lieu durant la construction de la voiture.

Si on veut encore compliquer l'analyse, on peut inclure les voitures d'occasion. Changer de voiture n'implique généralement pas d'envoyer l'ancienne à la casse. Les acheteurs de voitures usagées font durer les voitures plus longtemps, jusqu'au moment où il est écologiquement rentable de les détruire. «On peut considérer qu'en changeant de voiture plus fréquemment, on augmente la demande en voitures neuves, et donc les émissions de l'industrie automobile», observe M. Kim, qui travaille maintenant sur les cellules photovoltaïques au laboratoire national Brookhaven du gouvernement américain, à Long Island. «Mais il faut aussi considérer l'impact à la baisse sur le prix des voitures usagées. Je pense qu'il vaut mieux changer de voiture le moins souvent possible. Mais c'est difficile de mesurer exactement l'amélioration de consommation d'essence qui justifie un changement. Ça varie pour chaque modèle.»

Il faut aussi tenir compte des frais de transaction (les taxes, par exemple), qui peuvent théoriquement diminuer l'argent disponible pour l'entretien. Selon M. Kim, on peut imaginer qu'un crédit de taxe de vente pourrait encourager l'achat de voitures plus âgées, afin de décourager les ventes de voitures presque neuves. Et qu'un programme similaire pourrait encourager la mise au rebut des voitures assez vieilles pour polluer, mais pas assez pour ne plus rouler. De telles «primes à la casse» sont assez populaires en Europe.

De tels programmes pourraient avoir un impact réel sur la pollution. Selon Frédéric Racine, ingénieur chez GM, une voiture construite avant 1987, année d'introduction de plusieurs normes et technologies, pollue autant que 37 voitures 2007 (la différence est moins grande pour ce qui est des gaz à effet de serre). Or, il y a au pays un million de voitures construites avant 1987, sur un total de 18,1 millions. En présumant qu'elles parcourent le même nombre de kilomètres, enlever ces voitures réduirait donc des deux tiers la pollution du parc automobile.

Au Québec, il y a 140 000 voitures construites avant 1987, sur un total de 4,2 millions, selon Statistique Canada. C'est une proportion inférieure à la moyenne canadienne (3,3 % par rapport à 5 %). En Ontario, cette proportion est de 4,3 %. Les provinces de l'Ouest sont celles où il y a le plus de «minounes», environ 10 % de tout le parc.