"Ils n'ont jamais regardé à long terme, ils ne se sont jamais inquiétés de savoir qui allait réparer (les voitures) quand elles tomberaient en panne", explique à l'AFP ce conducteur d'une Renault Alliance décapotable, qui attire selon lui la curiosité lors de rassemblements de voitures de collection.

En parallèle, et bien que le gouvernement dont il dépend compte des ministres communistes, Renault vend du "rêve américain" à ses clients français, avec les séries spéciales "Renault 9 Louisiane" et "Renault 18 American", photographiée sur fond de Maison Blanche, sans oublier la Jeep Cherokee équipée d'un moteur diesel "by Renault".

Mais AMC bat de plus en plus de l'aile et la Régie, prisonnière de sa stratégie, doit renflouer le groupe jusqu'à en prendre le contrôle, devenant de facto le quatrième constructeur américain derrière GM, Ford et Chrysler.

C'est le contre-choc pétrolier de 1985 qui sera fatal. Les Américains ne veulent plus de ces voitures, certes économiques, mais moins fiables que leurs concurrentes japonaises et desservies par un réseau déficient. Avec pertes et fracas, Renault cède AMC à Chrysler en 1987, rançon selon M. McFalls d'une stratégie à courte vue.

Inadaptées au réseau routier, les Dauphine tombent en panne et le service après-vente ne suit pas. En 1961, les ventes tombent à 28.000 et des dizaines de milliers de voitures invendues rouillent sur des aires de stockage.

Après de nouvelles tentatives en 1965 et 1969, Renault pense avoir une carte à jouer aux Etats-Unis dans la foulée du choc pétrolier de 1973: en 1979, la marque, toujours contrôlée par l'Etat français, prend 5% du groupe automobile American Motors Corporation (AMC), le fabricant des Jeep, en grave difficulté.

En contrepartie, AMC distribue des Renault dans son réseau, comme la 5, rebaptisée "Le Car". Les autos séduisent la presse spécialisée et la marque vendra jusqu'à 208.000 voitures en 1983, année où la gamme se complète avec l'"Alliance" et l'"Encore", issues des voitures moyennes Renault 9 et 11.

Les rues de New York sont déjà parcourues par des taxis Renault avant 1914, mais la marque de Billancourt ne repart à la conquête du plus grand marché mondial qu'au milieu des années 50, aux ordres d'un gouvernement avide de devises en pleine guerre d'Algérie.

De 1.500 exemplaires en 1955, les ventes de Renault outre-Atlantique passent à 118.000 en 1959, selon l'historien Jean-Louis Loubet, auteur d'une "Histoire de l'automobile française". C'est l'époque où la Dauphine conteste à la Volkswagen Coccinelle le titre de première voiture importée et où la Régie expédie 25% de sa production aux Etats-Unis.

Mais l'engouement des Américains pour les voitures françaises - Brigitte Bardot ira vanter le cabriolet Floride "made in France" au salon de New York en 1959 - est de courte durée.

Renault, qui avec son allié Nissan pourrait entamer des discussions sur un mariage à trois avec le géant automobile General Motors (GM), a déjà tenté à plusieurs reprises l'aventure américaine, essuyant des échecs cuisants.

Si le groupe franco-japonais détient aujourd'hui 5% du marché américain des véhicules neufs grâce aux marques Nissan et Infiniti, les voitures au losange en sont absentes depuis près de 20 ans malgré des percées ponctuelles à la fin des années 50 puis au début des années 80.

"On dirait que Renault, aux Etats-Unis, a passé son temps à rater des occasions", constate Marvin McFalls, président du Club Renault d'Amérique du nord, qui fédère un demi-millier d'irréductibles. Il estime que ces échecs "ont donné une image calamiteuse (à la marque) dans ce pays".