Bientôt, tout le monde conduira une Rolls-Royce. Enfin presque !
L’ADN de la voiture de demain
Le critique musical du Real Paper de Boston, Jon Landau, a écrit en 1974 : « J’ai vu l’avenir du rock, et il s’appelle Bruce Springsteen. » Après s’être prélassé au volant d’une Rolls-Royce, on est tenté de formuler le même genre d’opinion. Voici pourquoi.
Le propriétaire d’une Rolls-Royce n’en a sans doute pas la moindre idée, mais son véhicule reflète, plus qu’aucun autre, les valeurs automobiles de demain : cher, ouaté, silencieux. Et – c’est pour bientôt – électrique.
Mais avant d’aller plus loin, évacuons sans plus tarder la question qui choque : la facture à acquitter. D’une Rolls-Royce, le public retient qu’elle est hors de prix. Incidemment, c’est le commentaire le plus fréquemment évoqué de nos jours à l’égard tout spécialement des véhicules électriques. Une situation peu susceptible de s’inverser, si l’on prête foi à certains analystes. D’ailleurs, au cours de la période pandémique, le coût moyen d’un modèle neuf, toutes motorisations confondues, a dépassé les 50 000 $ au Canada. Pris en étau entre l’inflation continue et la crise des matières premières, les revenus des ménages ne suivent pas, ce qui les contraint à se rabattre massivement sur le marché de l’occasion. De préférence les modèles pas tout à fait jeunes.
Des problèmes auxquels le propriétaire d’une Rolls n’est pas confronté de toute évidence. Avec une facture qui, toutes taxes comprises, flirte avec le demi-million de dollars, la clientèle – âgée en moyenne de 43 ans – ne se préoccupe vraisemblablement pas (souhaitons-le) des fins de mois. Et elle est plus nombreuse que vous ne le croyez. L’année dernière, une année record, plus du tiers de l’allocation canadienne de Rolls-Royce était destinée au seul marché québécois.
Silence
À sa manière, mais tout de même bien avant la renaissance du véhicule électrique, Rolls-Royce a introduit un rapport différent à l’automobile. Si elle ne jouit pas encore d’un tel propulseur, la clientèle d’une Rolls vante depuis toujours les vertus de la conduite apaisée.
Forte de ses suspensions pneumatiques – un luxe que bon nombre de véhicules électriques proposent pour masquer leur poids –, une Rolls donne l’impression de glisser sur la route, comme un aéroglisseur.
Nids-de-poule, crevasses et ondulations de la chaussée (même québécoise) se lustrent au passage de ses roues. Sans effort. Et sans bruit puisque les jantes se doublent d’un isolant de mousse. Ce sont les petites attentions comme celles-là qui font d’une Rolls-Royce une marque à part. Rien ne trouble la quiétude des occupants. Même le tic-tac de la montre au tableau de bord a été réduit au silence. Aujourd’hui, son mouvement d’horlogerie n’est plus mécanique, mais au quartz.
L’avenir au bout du fil
Ici, pas d’écrans d’infodivertissement surdimensionnés pour meubler le décor. La Ghost, comme toutes les Rolls, n’excite pas que la vue, mais aussi l’odorat, le toucher et l’ouïe. Elle préfère envelopper ses occupants de cuir, de laine, de bois et d’autres matériaux nobles et précieux. Cela apparaîtra contre-révolutionnaire à l’ère végan et minimaliste que nous traversons sans doute, mais là n’est pas le point. En créant une filiale appelée Bespoke (« sur-mesure »), Rolls-Royce s’assure de réaliser les rêves les plus fous de son estimée clientèle et celle-ci le lui rend bien. Celle-ci consacre en moyenne un peu plus de 100 000 $ à la personnalisation de son « carrosse ». Selon les exigences et demandes, il faut compter de 6 à 24 mois avant d’en prendre livraison. Un délai auquel fait face actuellement tout acheteur de véhicule neuf, n’est-ce pas ? En outre, l’approche commerciale de Rolls-Royce trouve écho ces jours-ci chez d’autres constructeurs. Ceux-ci estiment que, face aux mutations en cours, la meilleure stratégie consiste à produire moins et à vendre plus cher. Dès lors, l’auto n’est-elle pas en train de redevenir un bien de luxe ? La question se pose.
Pour l’heure, la mascotte Spirit of Ecstasy qui déploie ses ailes à l’extrémité du capot fend l’air sur le souffle d’un – rare – moteur V12. Une motorisation souple, énergique, insonore et condamnable sur le plan environnemental. Celui-ci est appelé à disparaître, à très court terme, pour faire place à un propulseur électrique. Celui-là même qui propulsera la Spectre que Rolls-Royce entend commercialiser à l’automne (voir nos encadrés à l’onglet « Fiche technique »), non sans fierté. Le carnet se trouve déjà noirci de commandes. « Nous avons sous-estimé la demande, reconnaît Martin Fritsches, président de Rolls-Royce des Amériques, et nous avons un beau problème à gérer sur les bras. » En effet, quelque 6000 Rolls-Royce sont produites chaque année et il n’y a aucune intention de relever la production. « Pour des raisons d’exclusivité bien sûr, mais aussi en raison des limitations de l’usine d’assemblage [celle-ci ne peut être agrandie] et des difficultés à recruter des artisans qualifiés, poursuit M. Fritsches. Nous devons donc moduler notre production en conséquence. »
La Spectre, dont le prototype a accumulé plus de 2 millions de kilomètres de roulage, se présentera sous la forme d’un coupé. Celui-ci offrira une autonomie potentielle de 426 km, selon l’Agence américaine pour la protection de l’environnement (EPA). « Cela va vous paraître curieux, mais ce critère [autonomie] n’est pas une préoccupation de nos futurs acheteurs », précise M. Fritsches. On peut comprendre pourquoi, ceux-ci étant, en moyenne, propriétaires de... six modèles. Tous des Rolls-Royce.
Rolls-Royce Ghost
Prix
À partir de 411 250 $
Visible dans les concessions
Sur commande
Consommation
15,2 L/100 km (conditions hivernales)
On aime
Suspensions prévenantes
Personnalisation à l’excès
Confort de roulement
On aime moins
Prix pharaonique
Consommation
Système d’infodivertissement d’un autre âge
Notre verdict
Le plaisir croît avec l’usage.
Fiche technique
Moteur
- V12 DACT 6,7 L turbo
- 563 ch à 1600 tr/min
- 627 lb-pi de couple à 1600 tr/min
Performances
- Poids à vide : 2435 kg
- Accélération (0-100 km/h) : 4,9 s
- Vitesse de pointe : 249 km/h (limitée électroniquement)
Boîte de vitesses
- De série : automatique à 8 rapports
- Optionnelle : aucune
- Mode d’entraînement : rouage intégral
Pneus
- 255/50ZR19
Capacité du réservoir et essence recommandée
- 83 L
- Super
Dimensions
- Empattement : 3277 mm
- Longueur : 5537 mm / Hauteur : 1549 mm
- Largeur : 1955 mm (rétroviseurs extérieurs exclus)
La prophétie de Charles
Dans une entrevue qu’il accordait en 1901 au MotorCar Journal, Charles Royce confiait que « la voiture électrique est parfaitement silencieuse et propre. Il n’y a ni odeur ni vibration, et elle devrait devenir très utile lorsque des stations de recharge fixes pourront être aménagées. Mais pour l’instant, je ne pense pas qu’elle sera très utile, du moins pendant de nombreuses années ». Cette prophétie est sur le point de se réaliser avec la commercialisation de la Spectre à la fin de l’automne. Ce majestueux coupé sera le premier d’une série de véhicules électriques, la marque britannique ayant déjà indiqué que, dès 2030, l’ensemble de ses produits auraient un fil à la roue.
Des goûts comme des couleurs
Les teintes primaires comme le bleu cobalt, le vert menthe, le jaune citron, l’orangé, le rose fuchsia et le rouge coquelicot n’égaient pas que les défilés de mode. Elles émoustillent aussi les voitures et les Rolls-Royce tout particulièrement. Pour peu que l’acheteur signe un chèque en blanc, celui-ci peut compter sur des artisans spécialisés pour mettre en formes (et en couleurs) toutes ses lubies. Et contrairement à Ferrari par exemple, personne chez Rolls-Royce ne discutera de vos goûts. « Le mauvais goût a son droit tout comme le bon », disait Friedrich Nietzsche.
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