Pour bien des puristes de la conduite, les berlines sportives allemandes ont abandonné leur quête de l’intangible mais si chère interaction entre le conducteur et sa monture. Obnubilées par cette stérile guerre au chrono sur le Nürburgring Nordschleife, elles se sont fait progressivement outiller de rouages intégraux et de complexes béquilles électroniques tout en abandonnant leur boîte manuelle. Il reste néanmoins une rebelle dans le groupe. Dernière de l’illustre lignée V de Cadillac, la CT5-V Blackwing joue la sauveuse avec une formule qui est condamnée à disparaître.

Son design

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La Cadillac CT5-V Blackwing 2022

Embourbée dans une nomenclature pour le moins confuse, Cadillac a décidé de nommer ses fers de lance sportifs Blackwing, un nom brièvement utilisé sur un évanescent V8 biturbo. Il y a la CT4-V Blackwing qui concurrence la BMW M3 et la CT5-V Blackwing qui jette les gants devant la BMW M5. Sur le plan visuel, cette CT5-V prend ainsi essentiellement la suite de la CTS-V. Assurant son panache sur des modifications dictées par sa fonction, la berline reçoit l’apport d’éléments aérodynamiques fonctionnels. Ils peuvent être façonnés de fibre de carbone, pour ajouter de l’exotisme au rendu. Cette CT5-V ne succombe en outre pas à la mode des gigantesques jantes, enfilant des roues de 19 po dont la largeur manifeste assure l’adhérence (275 mm à l’avant, 305 mm à l’arrière). C’est évidemment son faciès qui révèle en préface ses intentions. Il est découpé à la serpe pour refroidir et faire respirer l’ardente mécanique placée en proue.

À bord

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L’habitacle de la Cadillac CT5-V Blackwing 2022

Sans réformer l’habitacle de la CT5 de série, cette Blackwing se contente plutôt de perfectionner l’assortiment là où c’est nécessaire pour appuyer ses aptitudes. Des baquets optionnels très soutenants et élégants avec leurs coques de fibre de carbone nous reçoivent dans un confort étonnant et bien paramétrable. C’est d’ailleurs sur ceux-ci qu’on voit la seule discrète étiquette « Blackwing ». Du reste, les moulures carbone renchérissent l’apparence, faisant contraste avec certains plastiques durs qui composent les commandes et le bas de la finition des portières. L’assemblage est néanmoins très soigné et le positionnement des diverses touches physiques est irréprochable. En ce qui a trait à l’espace en soi, cette CT5 bénéficie de son long empattement pour donner un volume fort convenable. À l’avant, c’est l’un des véhicules sportifs les plus confortables pour les grands conducteurs. À l’arrière, la ligne de toit fuyante limite beaucoup le dégagement pour la tête. Les genoux se frottent également aux épais dossiers des sièges avant.

Sous le capot 

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Le V8 de 6,2 L suralimenté de la CT5-V Blackwing est assemblé à la main par un seul technicien.

C’est incontestablement ici que cette CT5-V Blackwing ne peut nier son américanité. Reprenant la partition légèrement réécrite de la CTS-V, la CT5-V est mue par le V8 LT4 de 6,2 L suralimenté par compresseur de la Chevrolet Corvette Z06 précédente. Grâce à diverses retouches, dont l’optimisation de l’admission d’air, la puissance passe à un fabuleux 668 ch et le couple à 659 lb-pi. Cette mécanique à culbuteurs claironne sa présence au démarrage, laissant échapper un court aboiement caverneux suivi d’un ralenti rythmé et sourd. La suite se fait plus tempérée à basse vitesse, mais la moindre sollicitation d’un accélérateur, magnifiquement progressif, au demeurant, rappelle ses immenses moyens. C’est poignant, sans être inutilement tapageur. La boîte manuelle Tremec permet d’enchaîner ses six rapports promptement grâce à une course juste assez courte au toucher ferme et à un embrayage bien dosé. On sent une harmonie mécanique entre ces deux organes, témoignage de la grande éloquence de cette berline sportive.

Derrière le volant 

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La CT5-V Blackwing 2022

Malgré toute cette puissance conjuguée à une plateforme à roues motrices arrière, cette CT5-V Blackwing ne peut être étudiée uniquement sous l’angle de l’accélération pure. C’est plutôt un ensemble franchement homogène et accessible grâce aux améliorations constantes apportées à son châssis Alpha 2, une évolution du squelette de la Chevrolet Camaro. Pourvue de la quatrième génération d’amortisseurs électromagnétiques Magnetic Ride Control, elle séduit d’abord par sa capacité à isoler l’habitacle des aspérités grâce à des ajustements continuels. Les modes plus sportifs raffermissent ses interventions, donnant un ressenti un peu plus cru. La direction est aussi légèrement plus lourde et guide avec aisance et précision un train avant rigide à souhait qui plante ses griffes en courbe. Cette CT5-V est d’ailleurs très neutre, un comportement obtenu des interventions pondérées du différentiel arrière électronique. Il assure une prévisibilité bluffante et nécessaire à une cavalerie aussi imposante. Le freinage électronique et ajustable dans sa sensibilité appuie l’ensemble avec poigne.

Les technologies embarquées 

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La CT5-V Blackwing n’est pas trop portée sur la chose technologique.

Il y a peu d’éléments dignes de mention du côté de l’offre technologique de cette CT5-V Blackwing. La berline nous reçoit à notre entrée dans l’habitacle par une animation présentant de logo Blackwing sur l’écran d’instrumentation. Ce dernier n’a pas le niveau de définition extraordinaire de celui de l’Escalade, mais il demeure lisible quelle que soit la luminosité extérieure et est configurable de nombreuses manières. Il fait équipe avec un écran tactile de 10 po permettant d’accéder à un système d’infodivertissement simple et efficace dans sa disposition. Il ne repose toutefois pas sur la base Android des systèmes de dernière cuvée qui seront progressivement incorporés dans les modèles de General Motors. Soulignons que si vous optez pour la boîte manuelle, vous n’aurez pas droit à la molette de navigation ou au régulateur de vitesse adaptatif, de bien minces concessions. Du reste, notons la belle qualité sonore de la chaîne AKG.

Verdict

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La Cadillac CT5-V Blackwing 2022

Il va sans dire qu’il y a un côté excessif et résolument nostalgique à cette CT5-V Blackwing. Avec près de 700 ch et une consommation de carburant moyenne qu’on peut difficilement abaisser sous les 14 L/100 km, la berline fait une lecture de l’automobile américaine comme un objet culturel invariablement doté d’un V8 sous son capot. L’œuvre se veut néanmoins nettement plus aboutie et nuancée que cela. Son châssis est d’une virtuosité épatante et équilibre son côté sportif avec une sensibilité au roulement qui n’a rien à envier à bien des produits de luxe européens, sans doute moins authentiques dans leur approche. Son huit-cylindres et sa boîte manuelle assurent en parallèle l’émotivité, sans saturer nos sens. Alors que Cadillac amorce son virage électrique, la CT5-V Blackwing est un hommage sentimental à une époque mécanique. Juste assez rebelle, elle témoigne d’un savoir-faire qu’on souhaite voir transféré aux prochaines créations électriques de la marque.

Carnet de notes 

Des rapports longs

La boîte manuelle est dotée d’une démultiplication assurant des rapports plutôt longs. Ainsi, lorsqu’on atteint le rupteur en première vitesse, la berline circule déjà à 90 km/h. Une voiture conçue pour s’amuser sur piste, il va sans dire.

Une boîte automatique en option

Cadillac offre en option (3645 $) une boîte automatique à 10 rapports à convertisseur de couple. Selon les chiffres d’accélération du constructeur, elle permet de légèrement abaisser le 0-96 km/h à 3,4 s, contre 3,6 s pour la manuelle.

L’arme secrète

La CT5-V Blackwing est dotée du système PTM (Performance Traction Management), également vu sur la Chevrolet Corvette, qui permet de configurer l’intervention du système de contrôle de stabilité et de l’antipatinage selon divers modes.

Freinage carbone-céramique

Si vous voulez amener souvent cette Cadillac sur piste, le constructeur propose un système de freinage carbone-céramique plus endurant à des températures extrêmes. À 10 350 $, l’option est toutefois plutôt chère.

Rayon de braquage (presque) digne d’un semi-remorque

Chaussée de larges bottines avant qui n’affectent cependant pas la tenue de cap, la berline doit par conséquent négocier avec un rayon de braquage extraordinairement grand de 13 m.

Fiche technique 

  • Version à l’essai : CT5-V Blackwing
  • Prix (avec options, transport et préparation) : 112 753 $
  • Moteur : V8 ACC 6,2 L suralimenté par compresseur volumétrique
  • Puissance : 668 ch à 6500 tr/min
  • Couple : 659 lb-pi à 3600 tr/min
  • Transmission : Manuelle à six rapports avec synchronisation du régime
  • Architecture motrice : Moteur longitudinal avant, propulsion
  • Consommation (ÉnerGuide) : 15,2 L/100 km (super)
  • Concurrents : Audi RS 7, BMW M5, Mercedes-AMG E 63
  • Du nouveau en 2022 ? Nouvelle version (Blackwing)
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