Cette année, la catégorie des compactes bouillonne d'activité. On peut comprendre pourquoi: une automobile sur deux vendues au pays est une compacte. Et quand le prix de l'essence augmente, la popularité des compactes grimpe aussi. D'ailleurs, plusieurs prévisionnistes estiment que si le prix de l'or noir se maintient (on en doute) au niveau actuel, cette catégorie comptera pour près du tiers de tous les véhicules (en incluant les camions) vendus au Canada d'ici à 2013.

Désormais, les voitures destinées à une large diffusion ne peuvent plus se contenter de ne pas déplaire. Il faut qu'on les remarque. Pas de chance: la Civic passe totalement inaperçue. L'auto la plus diffusée au pays depuis 13 ans ne pouvait cependant s'éloigner d'une formule qui a fait ses preuves. La Civic joue la continuité à l'avant, avec ses phares effilés et son pare-brise plongeant (compte tenu des contraintes techniques héritées de l'ancienne version), mais sa partie arrière joliment arrondie exprime la modernité.

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À l'opposé, les concepteurs de la Focus sont partis d'une feuille pratiquement blanche à nos yeux puisque la génération antérieure voyageait sur la même plateforme depuis 2000. Aujourd'hui, elle klaxonne plus fort et propose à l'acheteur deux styles de carrosserie (quatre ou cinq portes). Voilà une voiture choisie; un coup de coeur. Ce style volontaire empreint de dynamisme témoigne d'une stratégie de conquête évidente. Mais il comporte quelques risques. Si la Focus, plus longue de trois centimètres que la Civic, fait racée, la virilité de ses lignes vieillira peut-être plus rapidement que les arrondis dépouillés de la Honda.



Bienvenue à bord

La Focus cultive le raffinement et l'élégance. Soucieux de ne pas engendrer un modèle sans saveur, le constructeur américain propose un design original dont la qualité de finition soignée vise à convaincre les plus sceptiques. Le résultat s'avère séduisant: joli tableau de bord avec compteurs parfaitement lisibles, plusieurs touches de chrome et confort appréciable des sièges avant. À cela s'ajoute une panoplie d'accessoires - souvent optionnels et dignes de certaines voitures de grand luxe -, dont le Park Assist qui permet à l'auto de se garer toute seule. Sans oublier bien sûr le dernier cri en matière de technologies de reconnaissance vocale - MyFord - ainsi que le système de divertissement et de connectivité sans fil - Sync - conçu en partenariat avec Microsoft. Dans ce domaine, la Civic se trouve à la traîne. Et ce n'est pas le seul point faible. Les plastiques utilisés à bord sont d'une tristesse désespérante. Le constructeur japonais nous a habitués à mieux.

La présentation intérieure de la Focus plaît beaucoup, mais c'est confus. On tâtonne. Parfois, on pousse aussi des soupirs d'exaspération. À vouloir agripper les petits boutons nickelés de la climatisation, par exemple. On peut toujours l'activer vocalement, mais cela demande aussi une certaine dose de patience. D'une simplicité désarmante, la Civic se prend plus aisément en main. Parfaitement identifiée, chaque commande à bord de la Honda tombe (au figuré) sous le sens. Même le tableau de bord avec répartition de l'instrumentation sur deux étages se consulte facilement.

Au chapitre de l'habitabilité, la Civic l'emporte. Une fois de plus, le constructeur japonais démontre son incomparable maestria dans l'art de bien utiliser l'espace. Ce n'est pas la plus spacieuse des compactes, mais assurément celle qui fait le meilleur usage du volume disponible. Parfaitement plat, le plancher permet aux occupants de se délasser les jambes sans gêner son voisin. Le dossier compte aussi un accoudoir central pour plus de confort. La Focus est plus étriquée et moins confortable à l'arrière. De plus, pas facile de s'extraire de ces places en raison de l'exiguïté de ses portières antérieures.

La Civic offre une surface de chargement plus vaste que la Focus qui pèche en hauteur. En revanche, l'américaine offre une modularité digne de ce nom. Venez voir! Il suffit de rabattre les dossiers de la banquette arrière pour comprendre. Le passage entre le coffre et l'habitacle de la Ford permet d'envisager le transport de longs objets encombrants.

Photo fournie par Ford

Tableau de bord de la Ford Focus 2012

Dynamiquement très près

Parce qu'elle a plus à perdre, la Civic pose ses jantes en terrain connu. Quelques kilogrammes épargnés ici, quelques points de Cx (coefficient de traînée aérodynamique) gagnés par là, la Civic évolue à doses homéopathiques. Seule nouveauté notable (et visible), l'apparition de la fonction Eco Mode jusque-là réservée aux modèles hybrides de la marque japonaise. Celle-ci permet, au toucher d'un bouton au tableau de bord, de modifier notamment le débit de la climatisation et l'étagement des rapports de la boîte de vitesses dans le but de favoriser la consommation.

La Focus joue une tout autre partition. Il suffit de consulter sa fiche technique pour s'en convaincre. Une paire d'arbres à came, l'injection directe et la boîte semi-automatique à double embrayage, cette Ford sonne le réveil de l'industrie automobile américaine dans ce segment.

Bien suspendues, agréables à conduire avec leur direction assistée électrique, les deux voitures sont étonnamment proches en ce qui concerne le comportement dynamique. Saines, on «sent» parfaitement leurs réactions sur la route. La Focus est plus sportive, la Civic plus confortable. Ses éléments suspenseurs lissent mieux les inégalités du revêtement, mais la Ford procure un agrément de conduite plus relevé.

En ville, on accordera une petite préférence à la Honda, dont l'agilité fait merveille. En revanche, la Focus dispose d'un moteur plus affûté sur le plan du couple et moins bruyant à l'effort que celui de sa rivale. De plus, la Ford offre une boîte semi-automatique à double embrayage d'une redoutable efficacité, surtout pendant les manoeuvres de dépassement. Honda lui oppose une transmission classique à cinq rapports qui a le mérite de se faire oublier. Ce que l'on ne peut effacer, cependant, est que l'automatique figure au catalogue des options de nos concurrentes. De série, on doit composer avec trois pédales et un levier de vitesses. Si tel est votre choix, sachez que la boîte manuelle de la Civic est supérieure à celle de la Focus, dont l'étagement trop long favorise la consommation au détriment des reprises.

Sur le plan des performances pures, la Civic paraît pourtant bien nerveuse. Son moteur 1,8 litre fait illusion, mais les temps enregistrés donnent la Focus gagnante. En revanche, en matière d'économie de carburant, la Civic fait mieux et plus longtemps. Non seulement consomme-t-elle plus sobrement, mais la capacité de son réservoir d'essence lui assure une meilleure autonomie.

Le moment est venu de payer

En entrée de gamme, la Civic s'affiche à un meilleur tarif que la Focus. La belle affaire, mais il faut en trouver une. Bonne chance! Ces versions économiques sont rares et se revendent difficilement. Cela dit, accordons tout de même quelques dixièmes de point à la Honda. Celle-ci conserve aussi un avantage à la pompe. Plus encore si vous optez pour sa version hybride (mi-essence, mi-électrique), la seule à offrir pareille motorisation dans cette catégorie.

La Civic tire également son épingle du jeu au chapitre de la valeur de revente, mais s'incline au chapitre de la garantie et de la qualité globale de son réseau.

Sortons la calculette. La Focus remporte deux des trois manches (vie à bord et performances générales), ce qui lui permet de se ménager une toute petite avance face à la Civic. Chez Honda, on a toutes les raisons du monde d'être nerveux. Une américaine devant une japonaise? Impensable, pensiez-vous?

L'auteur tient à remercier Jean-François Guay, Daniel Pronovost et Robert Laplante de leur participation à ce match.

Il fut une époque où l'on considérait qu'un véhicule «compact» ne dépassait pas une certaine taille. Par exemple, au-delà d'une longueur de quatre mètres, une voiture pouvait difficilement faire partie de la catégorie des modèles faciles à garer, destinés à un usage à la fois urbain et routier. En raison, notamment, du renforcement des normes de sécurité, cette époque est révolue.

Aujourd'hui, les «petites voitures» dépassent le seuil des quatre mètres et, ce faisant, elles ont entraîné les autres créneaux dans une course aux millimètres qui semble ne devoir jamais s'arrêter. C'est ainsi que les compactes n'ont cessé de grandir. En 1973, la Civic arrivait sur le marché avec une longueur de 3545 millimètres. Ce modèle confirme la tendance à l'inflation des dimensions. La 9e génération, lancée il y a quelques semaines, atteint 4504 millimètres.

La Focus a grandi aussi. Elle a gagné 101 millimètres en 10 ans. Ce phénomène étant, de l'aveu même des constructeurs, «irréversible», le terme «compact» perd quelque peu de son sens premier...

Photo: Éric Lefrançois

Intérieur de la Honda Civic 2012