Pendant que le Canada expérimente assez timidement avec les carburants alternatifs pour l'automobile, la Suède a déjà 23 000 véhicules fonctionnant au gaz naturel, carburant beaucoup plus propre que l'essence et le diesel. Il y a déjà un réseau de 104 stations qui ont pompé 67 millions de mètres cubes de gaz naturel dans des véhicules en 2009.

C'est ce que révèlent les statistiques de fin d'années publiées en Suède. Mais, note le pertinent blogue automobile français Moteur Nature, la statistique vraiment significative est la suivante : près des deux tiers du gaz naturel brûlé dans des voitures en Suède est maintenant du biogaz, c'est-à-dire du gaz issu de déchets organiques humains et animaux. Donc un carburant qui n'a aucune origine fossile. Pour le moment, en Suède, le biogaz est généralement coupé avec du gaz naturel ordinaire. Mais le pourcentage de biogaz dans le mélange vendu à la pompe s'élève à chaque année.

 

Cela n'est pas un accident. C'est un choix politique. Au lieu de se fier seulement à la filière pétrolière et gazière, le gouvernement suédois a financé un programme de valorisation qui traite le contenu des égouts et récupère le méthane qui s'en dégage.

Au Canada, il y a déjà eu d'ambitieux programmes fédéraux pour inciter les propriétaires de véhicules commerciaux (taxis, camions, etc.) à les convertir aux gaz naturel. C'était dans les années 80 et à peu près 20 000 véhicules ont ainsi été transformés. Mais ces programmes fédéraux ont graduellement disparu avec le retour du pétrole moins cher, et il reste moins de 9500 voitures converties au gaz maintenant, selon l'Alliance canadienne pour les véhicules au gaz naturel (12 000 en comptant les camions et les autobus).

 

Biogaz : de l'égout au bazou

En Suède, par contraste, on a poussé la logique gazière plus loin grâce à la construction d'installations de méthanisation : c'est ce qu'un documentaire de Télé-Québec appelait "l'énergie fécale" pour la voiture. Ce n'est pas très appétissant, mais c'est mieux que d'envoyer ça dans la nature.

 

Il y a des installations de traitement, surtout concentrées dans l'ouest de la Suède (où Volvo et Saab sont situés), dit à La Presse Kim Cornelissen, consultante en développement durable et présidente de Bebop et cie, qui a fait son mémoire de maîtrise sur cette expérience suédoise en recyclage extrême. Cette montréalaise retourne en Suède chaque année durant trois semaines pour suivre la progression du biogaz. Enthousiaste et impressionnée, elle affirme que ce modèle suédois est très compatible à la réalité québécoise.

 

Au Québec, pourtant, la filière des voitures au gaz naturel est presque vide. Le parc d'automobiles au gaz naturel construites à l'usine par des constructeurs automobiles totalise très probablement... une auto, dit Jean-Pierre Noël, directeur de la planification stratégique chez Gaz Métro. «Il s'agit d'une Honda Civic GX, un modèle qui fonctionne au gaz naturel et construit en usine. Nous l'avons acquise l'été dernier», dit-il.

Gaz Métro a pu l'acheter de Honda pour des fins de promotion et parce qu'elle a les infrastructures pour l'avitailler en gaz, mais la Civic GX n'est pas offerte au Canada. «Seulement dans certains marchés particuliers, aux États-Unis», dit-on chez Honda Canada.

Mais, souligne Mme Cornelissen, «il y a des efforts très importants qui se déploient au gouvernement du Québec». Elle pense qu'en très peu de temps, les planètes pourraient s'aligner pour la mise en valeur du gaz naturel comme carburant alternatif ici. «Gaz Métro a un réseau de distribution très étendu et il semble très intéressé à acheminer du gaz à des fins automobiles», dit Mme Cornelissen, qui cite des conversations privées avec des cadres de la société.



Transports Robert


 

Intérêt, peut-être. Mais pour le moment, Gaz Métro dit concentrer ses seuls efforts dans l'implantation du gaz naturel «dans le transport routier lourd, dans le couloir Québec-Toronto», souligne Marie-Noëlle Cano, porte-parole de Gaz Métro. Le distributeur gazier a des pourparlers avec le camionneur Transports Robert, de Rougemont.

Mme Cornelissen note que le gaz naturel, tellement plus propre que l'essence, est déjà un énorme pas en avant si on veut réduire la pollution atmosphérique.

Mais c'est avec le biogaz qu'une économie industrielle --et toute la société-- touche le gros lot, dit-elle. Produire du gaz à partir des déchets organiques n'est pas très appétissant, mais ça règle plusieurs problèmes de pollution en même temps tout en réduisant la dépendance énergétique face au pétrole, qu'il soit canadien ou étranger. Et c'est une énergie éternellement renouvelable, tant que les humains font ce qu'ils ont à faire au cabinet d'aisances.

«En fait, le gaz naturel d'origine fossile doit être envisagé comme un pont entre les carburants issus du pétrole et le biogaz», dit Mme Cornelissen.

Sept projets d'usines de méthanisation des déchets ont été présentés au gouvernement du Québec récemment, dit-elle. Celui de Rivière-du-Loup a reçu dernièrement du financement gouvernemental et l'usine sera construite.

Si on répétait ici l'expérience suédoise, les usines à biogaz pourraient être liées au réseau de Gaz Métro et alimenter ainsi, partiellement, de futurs véhicules au gaz naturel au Québec.

 



LE MONDE DES VÉHICULES AU GAZ NATUREL

(Statistiques de 2008; camions inclus)

Pays         Nombre de véhicules

Pakistan     2 000 000

Argentine    1 745 677

Brésil          1 588 331

Iran            1 000 000

Inde              650 000

Italie              580 000

Chine             400 000

États-Unis       110 000

Allemagne        65 000

Suède              17 000

Canada            12 000

Source : Association internationale des véhicules au gaz naturel