Vingt-trois ans. C'est le temps qu'il reste avant que la France et la Grande-Bretagne interdisent la vente de moteurs diesel ou à essence sur leur territoire. Ce qui ne manque pas de soulever la question : le Québec et le Canada devraient-ils les imiter ?

Du point de vue environnemental et technologique, 2040, c'est loin. Pour une industrie qui prend généralement une décennie à concevoir, développer puis commercialiser un nouveau modèle d'automobile, ça arrive somme toute plutôt vite. Surtout que, comme en témoignent les premières incursions à grand tirage dans la motorisation électrique, c'est toute la chaîne de vente et d'après-vente qu'il faudra revoir, des ingénieurs dans les studios de design des constructeurs aux représentants de leurs concessionnaires.

Sans parler des nouveaux modèles de mise en marché qui risquent d'émerger d'ici là, ce qui comprend les réseaux d'autopartage qui évitent d'avoir à acheter directement un véhicule, au profit de locations épisodiques et de courte durée...

Bref, c'est un petit séisme qu'a provoqué Nicolas Hulot, le ministre français de la Transition écologique, en annonçant au début de juillet que la France souhaitait mettre fin aux ventes de véhicules dotés d'un moteur thermique à partir de 2040.

Cette nouvelle fait écho à la volonté de l'Allemagne de bannir la vente de ces mêmes véhicules dès 2030. La semaine dernière, Londres a décidé d'emboîter le pas à ses deux homologues continentaux, avec 2040 comme objectif elle aussi, de quoi relancer les spéculations à propos d'une législation similaire englobant l'ensemble de l'Union européenne.

Et le Canada ?

Au Canada, le gouvernement fédéral s'est déjà positionné comme étant en faveur de l'électrification des transports, et même du développement d'une filière industrielle spécialisée dans ce secteur, mais aucun engagement concret n'a encore été pris. Jesse Caron, expert automobile de CAA-Québec, ne voit pas Ottawa aller beaucoup plus loin de ce côté non plus.

« Historiquement, en Amérique du Nord, c'est le marché qui dicte le ton. Et ce que le marché indique, c'est que nous ne sommes pas encore prêts pour un virage entièrement électrique », dit-il.

Le Québec non plus ne devrait pas trop espérer, ajoute M. Caron. Depuis des mois, la province tente d'imposer sa loi 104, surnommée « loi zéro émission » puisqu'elle impose des quotas de ventes de véhicules non polluants aux grands constructeurs présents dans la province. Des quotas assortis de pénalités s'ils ne sont pas respectés qui pourraient davantage nuire à l'essor de la technologie qu'autre chose.

« Au CAA, nous sommes en accord avec l'esprit de cette loi. Mais concrètement, les gens achètent de plus en plus de VUS, et un VUS électrique, ça n'existe pas encore. Dans ce contexte, et vu la petite taille du marché automobile québécois par rapport au Canada et aux États-Unis, l'idée de quotas et de pénalités est simplement inappropriée. »

Comme le précise M. Caron, le marché automobile nord-américain est fortement intégré, et si les États-Unis, ou même des régions comme New York ou la Californie, qui représentent le gros des ventes de véhicules sur le continent, ne décident pas eux aussi d'abolir le moteur thermique, la volonté du Québec ou du Canada ne pèsera pas lourd dans la balance.

Et l'effet des décisions prises en Europe sera bien mince. « En automobile, la France, c'est loin », conclut le porte-parole de CAA-Québec.