Voici quelque chose que vous saviez déjà au sujet des constructeurs automobiles qui vous offrent de financer une auto neuve sur 84 mois. Votre gérant de banque vous le dit, vos proches vous le disent, votre gros bon sens vous le dit, mais voici que même un grand patron de l'industrie automobile vous le dit: «C'est stupide», a déclaré John Mendel, le patron des ventes chez Honda USA.

Il a dénoncé les financements sur six et sept ans offerts par la concurrence lors de la grande fête de l'automobile américaine, au Salon de l'auto de Detroit, en entrevue avec l'agence de presse financière Bloomberg. M. Mendel a été un des seuls à casser le party durant ces 10 jours où les acteurs de l'industrie automobile célébraient 16,4 millions de ventes en 2014, la meilleure année depuis huit ans, et anticipaient des ventes de 16,7 millions cette année.

Quand une voiture est vendue grâce à un prêt étiré sur sept ans, «le vendeur célèbre la vente d'une auto neuve, mais le client sort de là criblé de dettes, ses finances sont tellement précaires», a dit Mendel, qui prévient que la pratique n'est pas soutenable à long terme et est «stupide pour toute l'industrie».

Les prêts sur sept ans permettent à des clients peu fortunés d'acheter une voiture à tempérament grâce à 84 mensualités basses, mais qui impliquent beaucoup d'intérêts au final, donc qui grèvent leurs finances à long terme. Mais surtout, sept ans, c'est long, et la dépréciation de la voiture est souvent plus rapide que le remboursement du prêt par l'emprunteur.

Le résultat prévisible que Mendel redoute? Une sous-caste de consommateurs qui n'auront jamais d'équité (ou, pire encore, une dette résiduelle sur le véhicule) quand le temps sera venu de changer d'auto à nouveau. «Ça va nuire au marché des autos neuves», a-t-il dit.

L'agence Bloomberg, qui tient des statistiques sur les prêts automobiles, rapporte que le pourcentage des acheteurs américains qui financent leur auto sur six ans et plus est passé de 10% en 2010 à 25% en 2014.

M. Mendel note aussi que même si les gens financent leur auto sur 84 mois et ont les moyens et le temps de rembourser, ils s'excluent du bassin d'acheteurs durant un cycle très long, ce qui nuit aussi à l'industrie.

Au contraire, un acheteur qui discipline ses dépenses de consommation et qui rembourse son emprunt-auto sur trois ou quatre ans a une voiture qui a de la valeur quand il retourne acheter une autre voiture neuve. «Cette auto usagée mais payée est un actif net, ils n'ont pas besoin de sortir d'autre argent pour acheter l'auto suivante. On appelle ça faire du clef-à-clef» et M. Mendel estime que cela crée une clientèle loyale.

Par contre, le problème dont M. Mendel ne parle pas est celui des salariés à faibles revenus, les gens qui n'ont pas les moyens d'avoir une auto neuve. Si 25% des emprunteurs américains optent pour le financement de sept ans, ce n'est pas seulement parce qu'ils veulent dépenser plus d'argent en biens de consommation non durables. C'est aussi parce que l'auto est nécessaire pour travailler, même si leur revenu disponible est bas. C'est un problème d'inégalité qui touche toute la société américaine et qui dépasse les considérations d'un constructeur qui essaie de vendre des autos, même des Honda Fit bon marché.

M. Mendel ajoute que Honda USA ne financera plus de voitures sur les longues périodes et s'en tiendra généralement aux financements sur 36 et 48 mois assortis d'un paiement de base obligatoire. Et ce, même si Honda est menacée d'être supplantée par Nissan au 5e rang des constructeurs automobiles actifs aux États-Unis.

M. Mendel a d'ailleurs dit à l'agence Bloomberg que certains concurrents «font des choses stupides» pour gagner des parts de marché.