À force de vouloir assurer leur présence dans tous les infimes recoins des multiples segments du marché, les grands constructeurs automobiles risquent-ils à terme de voir leurs différents modèles s'entredéchirer devant des clients de plus en plus perplexes?

Pas si l'on en croit Nissan, qui a dévoilé à Detroit le concept Sport Sedan, une voiture aux formes triturées qui préfigure l'éventuelle remplaçante de la Maxima. Pourtant, la berline intermédiaire, qui a connu ses heures de gloire au tournant du siècle, a vu ses ventes invariablement baisser depuis, hormis un léger soubresaut lors du dévoilement de l'actuelle génération de la berline, en 2009-2010. Si bien qu'elle trouve aujourd'hui un peu moins de clients que l'Infiniti G35/37 - devenue Q50/60 -, une berline de gabarit semblable vendue exactement au même prix par la division haut de gamme de Nissan.

D'accord, la Maxima est en fin de vie alors que la Q50 vient d'être renouvelée, ce qui donne un quelconque nouveau souffle à l'Infiniti, mais n'empêche que le duo de berlines est aujourd'hui beaucoup moins populaire qu'il y a 10 ans. À tel point que le patron Carlos Ghosn a songé pas plus tard qu'en 2011 à fermer la branche «premium» de Nissan, avant de donner la mission à Johan de Nysschen, ancien patron d'Audi aux États-Unis, de tripler les ventes globales d'Infiniti pour atteindre 500 000 unités d'ici 2016.

Et la Maxima dans tout ça? «Elle reste un modèle pertinent, a affirmé à La Presse Pierre Loing, vice-président à planification stratégique chez Nissan Amérique. Sa notoriété est encore très bonne, si bien que les intentions d'achat se traduisent souvent en ventes. Pas besoin, ainsi, de mettre trop d'argent dans la mise en marché et le marketing.»

M. Loing reconnaît que les marques haut de gamme représentent une menace, mais soutient que ce n'est pas une raison d'abandonner la partie. «Les marques de luxe tendent à descendre en gamme, le risque pour les marques généralistes est ainsi de se retrouver à ne vendre que des petites voitures, qui n'ont pas de très grandes marges de profit, a-t-il illustré. On risque alors d'entrer dans un cercle pas très vertueux. On se bat donc bec et ongles pour garder notre place dans le marché des voitures vendues entre 40 000 et 55 000$.»

Mais alors, comment convaincre un client d'acheter une Maxima et non pas une G37, si la seule différence notable est que la première est à traction et la seconde à propulsion? «La Maxima s'adresse à une clientèle bien différente de celle de l'Infiniti, a affirmé Pierre Loing. L'acheteur de la Maxima a 50 ans, il a réussi et veut se faire plaisir, s'offrir une voiture plaisante à conduire, mais sans les coûts d'entretien élevés souvent associés aux marques haut de gamme. Pour lui, acheter une voiture de luxe peut revenir à flamber de l'argent. Il ne veut pas en imposer dans son voisinage, contrairement à l'acheteur d'une voiture "premium", qui tient à afficher son statut.»

Selon M. Loing, la cohabitation de modèles semblables chez Nissan et Infiniti peut tirer les deux vers le haut, en profitant au portefeuille global de Nissan. Tout en permettant au constructeur japonais de ne pas trop souffrir de la comparaison par rapport aux autres marques haut de gamme. Aux États-Unis, Infiniti est au bas de liste des marques haut de gamme, devançant seule la moribonde Lincoln...

Nissan Sport Sedan Concept

En attendant de dévoiler la Maxima 2015 au salon de l'auto de New York, Nissan a montré à Detroit son concept Sport Sedan, « qui évoque ce qui devrait se retrouver sur de futurs produits Nissan », a indiqué Pierre Loing, vice-président à la planification stratégique chez Nissan Amérique.

On devrait donc trouver sur la prochaine Maxima la calandre en V qui se prolonge sous le capot, de même que la ligne de toit flottante qui donne à la berline une allure de coupé quatre portes. Si le design est audacieux, on est en terrain connu côté mécanique, avec le V6 de 3,5 L de quelque 300 chevaux couplé à une transmission à variation continue.

Photo fournie par Nissan

La Nissan Sport Sedan Concept 

Le contre-exemple Volkswagen

Dans les mois précédant le salon de Detroit, la rumeur a voulu que Volkswagen ramène en Amérique du Nord son vaisseau amiral, la Phaeton, vendue chez nous de 2004 à 2006.

Mais on a finalement préféré attendre avant de relancer cette berline de grand luxe vendue au même prix qu'une Audi A8. Chez Volkswagen, on hésite à dire que la Phaeton viendrait jouer dans les platebandes de l'A8 ou de la Porsche Panamera, soutenant plutôt que le marché nord-américain n'était pas prêt.

On affirme néanmoins que VW pourrait réintroduire le modèle d'ici 5 à 10 ans, surtout si le constructeur allemand atteint son objectif - ambitieux (!) - de vendre 800 000 voitures par année d'ici 2018.

« Celui qui a toujours été fidèle à la marque devrait pouvoir le rester », a dit Thomas Tetzlaff, directeur des relations publiques chez Volkswagen Canada, tout en reconnaissant qu'il n'y a rien de mal à ce que quelqu'un qui a grandi chez VW décide un jour de passer chez Audi ou Porsche...

Photo fournie par Volkswagen

La Volkswagen Phaeton, une berline de grand luxe commercialisée en Amérique du Nord jusqu'en 2006.