Quand le vendeur de voitures usagées vous jure que la Porsche 911 rouge presque neuve appartenait à un vieil évêque muté à Rome ou une professeure de maternelle à la retraite, c'est peut-être vrai. Mais si on se fie à une étude sur le marché canadien des voitures haut de gamme usagées, l'enseignante ou l'évêque était peut-être américain. (Et c'est mieux de vérifier si la filiale canadienne honorera la garantie américaine.)

Il y a un nombre appréciable de voitures importées des États-Unis sur le marché canadien des voitures de luxe d'occasion, dit une étude de marché de Desrosiers Automotive, un cabinet d'analyse marketing canadien. Au point où les filiales canadiennes de marques de luxe perdent des ventes appréciables en raison de la concurrence des acheteurs de voitures usagées qui trouvent des aubaines d'un, deux ou trois ans sur le marché de la revente américain.

Le luxe (un peu) moins cher

Dans un résumé du Vehicle Import Study 2012 auquel La Presse a accès, Desrosiers Automotive souligne qu'en 2012, plus de la moitié de tous les véhicules usagés importés au Canada étaient récents (modèles 2012 à 2010).

Les voitures de luxe sont très surreprésentées dans ces importations de véhicules d'occasion : «On trouvait (en 2012) 7 fois plus de BMW que de Hyundai et 6 fois plus de Porsche que de Kia», écrit l'analyste Charles Zhou, de Desrosiers Automotive.

C'est une tendance lourde depuis que le huard et le billet vert valent à peu près la même chose, dit le rapport. Mais on observe un certain déclin dans ces importations. Dans les modèles de grand luxe, l'importation de voitures usagées américaines équivalait en 2012 à un tiers des ventes de voitures neuves sur le marché canadien, une proportion énorme. Autant de ventes soustraites aux revenus des filiales canadiennes.

Marché gris

Ce «marché gris», comme l'appelle Desrosiers Automotive, a un impact économique petit mais mesurable sur les activités canadiennes de tous les constructeurs automobiles et pas seulement pour les marques haut de gamme, même si ces dernières sont plus concernées : «Bien que les marques de luxe sont certainement surreprésentées dans les importations d'occasion, les véhicules usagés GM, Ford et Toyota (des constructeurs généralistes) étaient les trois plus importés des États-Unis.»

Il est vraisemblable que les prix des voitures neuves de luxe - notoirement plus élevés au Canada qu'aux États-Unis pour un même modèle - encourage les importations d'usagées au Canada, a indiqué l'analyste Charles Zhou à La Presse, qui donne Porsche en exemple. Il note que les importations de voitures d'occasion de luxe se font pour l'essentiel une à la fois (pas d'achats de masse), souvent par un particulier, et impliquent des courtiers des deux côtés de la frontière qui facilitent ces transactions.

Cela désavantage les filiales canadiennes des marques de luxe. Pour les maisons-mères, qu'elles soient en Allemagne, au Japon ou à Detroit, la différence dans les profits mondiaux est de la petite monnaie. Mais les concessionnaires et les employés canadiens (et les percepteurs de taxes) voient moins d'argent passer.

Pour le particulier qui magasine une auto, c'est tentant. Les consommateurs canadiens ont toujours eu en travers de la gorge les prix plus élevés au Canada qu'aux États-Unis, et ces importations de voitures légèrement usagées permettent de contourner la stratégie de prix canadiens des constructeurs automobiles. Reste juste cette histoire de garantie à vérifier...