L'Allemagne a demandé à ses partenaires de différer à 2024 la réduction des émissions des nouvelles voitures à 95 g de CO2/km pour aider ses constructeurs à s'adapter à cette contrainte, a-t-on appris lundi de sources européennes à Bruxelles.

La demande, dont l'AFP a obtenu une copie, a été soumise vendredi dernier à Bruxelles lors d'une réunion des ministres de l'Industrie, et la négociation se déroule désormais au «plus haut niveau politique, avec des contacts directs entre les dirigeants», ont confié plusieurs sources à l'AFP.

La proposition initiale défendue par les grands pays avec une industrie automobile --France, Italie et Royaume-Uni-- et soutenue par la grande majorité des autres États impose aux constructeurs de réduire la moyenne des émissions de leurs nouvelles gammes de voitures de 130 g à 95 g de CO2/km d'ici 2020.

La proposition donne cependant la faculté aux constructeurs de dépasser ce plafond à hauteur de 2,5 g de CO2/km chaque année, pendant une période de transition de 2020 à 2023, en fonction du développement de leur parc de véhicules électriques non polluants.

Ce plafond de dépassement est jugé insuffisant par les constructeurs allemands qui veulent pouvoir «très largement dépasser l'objectif de 95 g jusqu'en 2023», a souligné un négociateur.

La demande présentée par l'Allemagne prévoit en effet de permettre aux constructeurs de ne réaliser que 80 % de l'objectif de réduction en 2020 et d'arriver par étapes à 100 % en 2024.

Selon un calcul de l'organisation Transport et Environnement, «cela aurait pour conséquence de limiter la réduction des émissions à 104 g de CO2/km en 2020».

Le dossier empoisonne les relations européennes depuis plusieurs mois. Berlin a déjà forcé la main de ses partenaires pour différer la prise de décision après les élections législatives en Allemagne et a fait reporter de mercredi à vendredi une réunion des représentants des États à Bruxelles au cours de laquelle devait être organisé un vote, a souligné une source européenne.

«Le dossier se traite directement entre l'Élysée et la Chancellerie, car la position de la France sur la demande allemande déterminera celle de nombreux autres pays, notamment le Royaume-Uni», a expliqué cette source.

La chancelière est intervenue personnellement début juillet avec pour conséquence de politiser une négociation très technique.

«Une réglementation qui pénaliserait à ce point les producteurs de grosses voitures, comme c'est le cas avec le projet actuel de Bruxelles, n'est, selon moi, pas raisonnable», a-t-elle déclaré.

«Certains de nos constructeurs, qui produisent majoritairement de grosses voitures, même s'il s'agit des plus efficaces et des plus innovantes dans leur segment, seraient très pénalisés par le projet européen actuel et des emplois en Allemagne seraient menacés», a-t-elle soutenu.