L'industrie automobile n'échappe évidemment pas à la mondialisation. Les constructeurs délocalisent, construisent, assemblent aux quatre coins de la planète des véhicules à qui l'on fait traverser les océans, de la sortie de l'usine japonaise au concessionnaire américain. Bon nombre de voitures naissent pourtant là où elles sont destinées à être vendues. Alors, locale ou mondiale, notre voiture?

Honda est peut-être le constructeur automobile qui résume le mieux cette dualité à l'heure actuelle. Ses Civic et Fit ont ceci de commun qu'elles figurent parmi les modèles les plus populaires du marché canadien. Leur similitude s'arrête là. Car au-delà de leurs ventes respectives, elles ont pour grande différence de provenir de lieux de production diamétralement opposés.

En décembre 2011, 6400 Honda Fit ont été déchargées au port de Vancouver, en provenance directe de la Chine où elles ont été assemblées. À Guangzhou, très exactement, dans le sud-est du pays. Honda a alors décidé de ne plus livrer au Canada de Fit construites au Japon, où les coûts de main-d'oeuvre sont 20 fois plus élevés qu'en Chine. Ce ballet maritime devrait durer jusqu'en 2014, jusqu'à ce que Honda ouvre une nouvelle usine de petites voitures... au Mexique.

Trois ans plus tôt, ce même constructeur japonais a inauguré à Alliston, en Ontario, une usine de moteurs destinés à propulser la Civic vendue en Amérique du Nord. Dans cette installation ontarienne, Honda fait presque tout lui-même pour sa voiture porte-étendard: l'emboutissage (la tôlerie), le soudage, la peinture, l'assemblage final et la motorisation. Et c'est sans compter les fournisseurs canadiens de pièces auxquels il a recours.

D'où viennent alors nos voitures? D'un peu partout sur la planète? Ou de la province voisine?

«C'est difficile à déterminer, cela dépend des constructeurs et des voitures. Je n'ai pas de bonne définition d'une voiture mondiale. Tout est mondial aujourd'hui», affirme Frank DuBois, professeur spécialisé en gestion des chaînes d'approvisionnement à la Kogod School of Business de Washington, D.C.

«Beaucoup d'assemblage se fait en Amérique du Nord. Mais sur le continent, l'industrie automobile est plus mondiale que nord-américaine pour les pièces détachées. Le produit est de plus en plus mondialisé», ose avancer Yan Cimon, professeur au département de management de l'Université Laval et spécialiste de l'industrie automobile.

«Dans l'absolu, une voiture est vraiment mondiale si elle comprend des pièces d'un peu partout sur la planète. Elle est vraiment locale si tout provient des États-Unis, par exemple. Dans un cas comme dans l'autre, c'est impossible», renchérit Frank DuBois.

Il est extrêmement difficile de savoir dans quelle proportion une voiture est made in America. Les constructeurs automobiles comme leurs fournisseurs sont très discrets sur le sujet. Pour ne pas dire muets. Et dans les déclarations officielles, est considéré comme production «locale» tout ce qui est fait aux États-Unis et au Canada... On sait par exemple que 40% du contenu de la Volkswagen Passat, assemblée au Tennessee, est américain et canadien. On ignore la proportion de pièces uniquement fabriquées aux États-Unis.

On observe néanmoins un mouvement significatif depuis plusieurs années: un rapprochement physique entre les usines d'assemblage et les fournisseurs.

«On s'efforce de tenir compte du coût total des livraisons des pièces qui, idéalement, doit inclure à la fois le coût du transport et le coût du risque de problèmes de la chaîne d'approvisionnement. Vous dépensez moins en transport de marchandises et en gestion des risques lorsque le fournisseur est plus proche du lieu d'assemblage. De cette façon, les fournisseurs nord-américains ont un avantage sur leurs concurrents qui sont à l'étranger», explique Tor Hough, directeur fondateur d'ELM Analytics, cabinet américain de données et d'analyses de la chaîne d'approvisionnement automobile.

Cela signifie-t-il que ce sont les constructeurs automobiles qui vont vers les fournisseurs?

«Ce sont les fournisseurs qui, généralement, vont vendre leur savoir-faire auprès des constructeurs, répond M. Hough. Un constructeur peut aller chercher et sonder un fournisseur en particulier pour des raisons stratégiques, mais en général, il est de la responsabilité des fournisseurs de convaincre les constructeurs automobiles qu'ils sont la solution la plus avantageuse économiquement. Et accomplir cela peut nécessiter l'établissement d'installations à proximité de l'usine d'assemblage d'un constructeur.»

Cette tendance des fournisseurs à s'installer autour des noyaux que sont les usines d'assemblage permet également de diminuer les coûts d'inventaire.

L'autre tendance observée sur le marché nord-américain est le déplacement des activités d'assemblage vers le sud. Les États de la Georgie et du Tennessee offrent des avantages fiscaux parfois «énormes».

Tout aussi généreux, le Mexique a la particularité d'avoir des coûts de main-d'oeuvre plus compétitifs que le Canada. Résultat, ce dernier ne concentre que 15,9% de la production automobile nord-américaine aujourd'hui, alors que 20% de cette production provient du Mexique, qui produit à lui seul presque 90% des véhicules sous-compacts en Amérique du Nord.

Marché en plein essor et territoire sud-américain de prédilection pour les constructeurs européens surtout, le Brésil accueille de plus en plus de fournisseurs qui se rapprochent des constructeurs.

Tout comme les constructeurs automobiles, tous les grands fournisseurs de la planète, qu'ils se nomment ThyssenKrupp, Faurecia, Magna, Delphi ou Bosch, délocalisent leur production, parfois dans une quinzaine de pays.

Pour reprendre les mots de Yan Cimon, «le produit est de plus en plus mondialisé».

15,9%

Le Canada concentre 15,9% de la production automobile nord-américaine, contre 20% pour le Mexique.

40%

À titre d'exemple, 40% du contenu de la Volkswagen Passat, assemblée au Tennessee, est américain et canadien.

6560

C'est le nombre de pièces qui constituent un véhicule comme la Dodge Grand Caravan.