Obliger les automobilistes reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies à avoir une plaque d'immatriculation les identifiant formellement comme un danger public. Telle est la nouvelle tendance aux États-Unis dans la lutte contre la conduite en état d'ébriété.

Le Minnesota a lancé le bal en 1998. Le signe distinctif est un W au début du numéro d'immatriculation. W comme «whisky», ce qui a donné lieu au surnom générique de «plaques whisky» pour désigner cette stratégie. L'Ohio a aussi une telle mesure. Celle-ci a été envisagée l'an dernier - sans succès - par l'Iowa et l'État de Washington.

«C'est seulement appliqué à ceux qui ont une alcoolémie deux fois supérieure à la limite», explique Jean Ryan, responsable du dossier de la conduite en état d'ébriété au ministère des Transports du Minnesota. «Et ça ne dure qu'un temps limité, en général un an. Mais nous pensons que c'est un élément essentiel de notre politique de sanctions administratives sur les plaques d'immatriculation. Une étude du gouvernement fédéral a montré que le risque de récidive est réduit d'environ 20%.»

L'inventeur de cette mesure est un professeur de droit de l'Université du Minnesota, Stephen Simon. Me Simon a fondé en 1980 un groupe de travail sur la conduite en état d'ébriété relevant du ministère de la Justice du Minnesota et l'a dirigé jusqu'à tout récemment. On peut le comparer, dans ce secteur restreint, au mathématicien de l'Université Laval, Jean-Marie de Koninck, qui a une grande influence dans le dossier de la sécurité routière. Dans son discours d'adieu au groupe de travail, Me Simon a dit avoir bon espoir de voir, d'ici 2020, toutes les voitures aux États-Unis munies d'un alcootest lié au démarreur qui interdira à tous les automobilistes de prendre le volant après avoir trop bu.

Les organismes de défense des droits de la personne sont contre les plaques whisky. «Normalement, quand on a terminé de purger sa peine pour un crime, la punition s'arrête», explique Vanita Gupta, conseillère juridique chez l'Union américaine pour les droits civiques (ACLU) au Minnesota. «Avec ce stratagème, on est identifié comme criminel même quand on a fini de payer sa dette à la société. On ne peut pas repartir à neuf. C'est très non américain.»

Vanita Gupta fait une comparaison avec la «lettre écarlate», le A rouge que devaient porter sur leurs vêtements les femmes adultères dans les colonies puritaines américaines du XVIIe siècle. Cette référence au titre d'un roman de 1850 de Nathaniel Hawthorne dont ont été tirés plusieurs films, dont le récent Easy A, est un code culturel puissant dans les milieux de gauche américains.

De plus, les «plaques whisky» peuvent punir la mauvaise personne. «Une femme qui conduit l'auto de son mari reconnu coupable d'alcool au volant peut être injustement soupçonnée d'être une criminelle, dit Mme Gupta. Ou alors, un homme qui ne veut pas d'une plaque whisky peut tout simplement immatriculer sa voiture au nom de son épouse.»

Jean Ryan, du ministère des Transports du Minnesota, affirme que la loi a passé les tests constitutionnels devant les tribunaux. «C'est une disposition qui permet de diminuer la durée de la suspension d'une plaque d'immatriculation, pas une prolongation. Et nous sommes flexibles quand on peut démontrer hors de tout doute une atteinte à la réputation d'une autre personne.»

De son côté, Mothers Against Drunk Driving (MADD) ne milite pas activement en faveur des plaques whisky. «Nous sommes pour toutes les mesures de lutte contre la conduite en état d'ébriété et certaines études montrent que les plaques spéciales peuvent aider, dit Jan Withers, présidente de MADD aux États-Unis. Mais nous concentrons en ce moment nos efforts sur l'obligation pour tous les conducteurs reconnus coupables de ce délit d'installer un alcootest lié au démarreur de leur voiture.» La section canadienne de MADD ne fait pas non plus campagne pour les plaques whisky.