Le juge des référés du Conseil d'État a ordonné mardi à la France de reprendre les immatriculations de modèles Mercedes qu'elle bloquait depuis la mi-juin, en attendant que la plus haute juridiction administrative se prononce sur le fond.

Le ministère de l'Écologie avait cessé à la mi-juin de délivrer les codes d'identification (CNIT) des classes A, B, CLA et SL de la marque allemande, sous prétexte que ces véhicules n'utilisaient pas un nouveau fluide réfrigérant pour la climatisation, dit R1234yf, et contrevenaient par conséquent à une directive européenne entrée pleinement en vigueur au 1er janvier 2013.

Cette décision, qui revenait à bloquer leurs immatriculations, avait été retoquée par le tribunal administratif de Versailles. L'État a réagi le 26 juillet en faisant jouer la clause de sauvegarde qui autorise un État membre de l'UE à ne pas immatriculer des véhicules pendant six mois maximum s'ils représentent un danger pour la santé, l'environnement ou la sécurité routière.

Dans son ordonnance, le juge des référés demande au ministre de l'Écologie de délivrer les codes d'identification des voitures concernées « afin de permettre leur immatriculation en France dans les deux jours ». De même, la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde « est suspendue ». L'État devra aussi verser 3000 euros (4214 dollars) à Mercedes-Benz-France.

« Il n'apparaît pas que la mise en circulation en France des véhicules concernés (...) puisse être regardée comme étant de nature, par elle-même, à nuire gravement à l'environnement », a fait valoir le juge des référés.

Il a estimé en revanche que Mercedes subissait un préjudice car les modèles bloqués représentent 60% des ventes et 40% du chiffre d'affaires de ses activités françaises. La marque à l'étoile, filiale du constructeur allemand Daimler, avait expliqué avoir 4500 voitures bloquées, dont environ 2700 avaient déjà trouvé preneurs.

Le risque d'un « grave préjudice »

« Il n'était pas douteux que la persistance du blocage ne pouvait qu'exposer la société ainsi que le réseau de ses distributeurs à des annulations de commandes ainsi que des pertes de ventes et de clients » pouvant entraîner « un grave préjudice commercial, financier et d'image », selon l'ordonnance.

« Nous nous réjouissons de la décision du Conseil d'État qui reconnaît notre bon droit », a immédiatement réagi Mercedes France dans un communiqué.

« Cette décision rétablit ainsi l'équilibre dans la situation concurrentielle entre tous les constructeurs automobiles en Europe », ajoute-t-il.

Les ministères de l'Écologie et des Transports, de leur côté, « prennent acte » de la décision du juge des référés, tout en soulignant qu'elle n'est que provisoire. Le Conseil d'État doit encore se pencher sur le fond de l'affaire, ce qu'il devrait faire dans les mois qui viennent.

Une autre procédure est en cours à Bruxelles. La Commission européenne a peu apprécié que Daimler, qui avait dans un premier temps accepté d'utiliser le R1234yf, revienne sur sa décision, sous prétexte qu'il présente un danger d'inflammation en cas de collision. La Commission menace donc de lancer une procédure d'infraction contre l'Allemagne.

La France a été le seul pays de l'UE à recourir à cette procédure. De son côté Daimler, qui avait été isolé dans un premier temps, a été rejoint la semaine dernière par le Japonais Toyota. Ce dernier a renoncé à utiliser le nouveau fluide pour ses modèles Prius Plus, Lexus GS et GT86 commercialisés en Europe.

L'affaire a éclaté sur fond de contentieux franco-allemand sur la réduction des émissions de CO2 des voitures à 95 g/km: Paris soupçonne la chancelière allemande Angela Merkel, en campagne pour un troisième mandat, de vouloir torpiller ce projet européen défavorable aux grosses cylindrées des constructeurs allemands, mais pas aux petites voitures produites par les Français.