Dans le désert minéral de San Luis Potosi se dressent d'immenses squelettes blancs, comme figés sur fond de montagnes. Ce sont les structures métalliques de l'usine que Ford a cessé de construire.

Avec un investissement de 1,6 milliard de dollars, le constructeur automobile américain devait créer des milliers d'emplois dans cette région pauvre du nord du Mexique.

Mais le président américain élu Donald Trump «nous a retiré Ford pour le garder pour lui», déplore Concepción Segura, 54 ans. Elle et son mari, ainsi que quatre de leurs six enfants, travaillaient sur ce chantier lorsque la nouvelle est tombée.

Teresa Contreras, qui a perdu son emploi quand Ford annulé son projet d'usine. Photo: AFP

A côté de l'usine Ford désormais moribonde, une trentaine de maisons modestes. C'est là que vit Teresa Contreras, une femme de ménage de 34 ans qui travaillait également sur ce chantier avant l'arrêt des travaux.

«Ils m'ont dit que ça allait durer quatre ans et finalement ça n'a duré que quatre mois», regrette-t-elle. Elle ignore désormais où elle va trouver un emploi.

Ces petites maisons du quartier Esperanza (L'Espérance) sont habitées par des employés de Ford et de General Motors. Photo: AP

La moitié de la population de San Luis Potosi vit sous le seuil de pauvreté selon des chiffres officiels de 2014. Un niveau élevé qui a toutefois diminué au cours des récentes années avec l'arrivée de l'industrie automobile.

Mais «la même vieille rengaine pourrait à nouveau se produire», s'inquiète Segura, «beaucoup de pénuries et peu d'emplois».

Universités, hôtels et zones résidentielles

General Motors s'est installé à San Luis Potosi en 2008. Ce constructeur américain et des centaines d'autres entreprises ont transformé l'aspect de la région qui vivait jusqu'alors de l'exploitation minière et de la production de tequila.

Les universités se sont adaptées et ont développé des cursus adaptés pour former une main-d'oeuvre qualifiée d'ingénieurs ou d'administratifs.

Des hôtels pour hommes d'affaires ont poussé le long de la route qui longe les usines d'assemblage et de larges zones résidentielles ont été construites pour accueillir les ouvriers et leurs familles.

L'agrandissement de l'aéroport local est aujourd'hui programmée.

L'usine Ford, qui devait démarrer ses activités en 2018, aurait généré 2800 emplois directs et 10 000 indirects. «Nous avions une bonne croissance mais avec Ford cette croissance devait s'accélérer encore davantage», explique Gustavo Puente, secrétaire en charge du développement économique de la ville.

Ford avait certifié à plusieurs reprises qu'il ne changerait pas ses plans en dépit des menaces du président élu américain. Mais finalement le constructeur a cédé et promis à la place d'étendre son site historique du Michigan pour y produire des véhicules électriques ou sans chauffeur.

L'usine General Motors de Villa de Reyes, en banlieue de San Luis Potosi, où les Chevrolet Avéo et Trax sont assemblés depuis 2008. Photo: AP

Futur incertain

À quelques jours de l'investiture de Donald Trump, l'inquiétude augmente au Mexique.

Le milliardaire new-yorkais a promis de sauver les emplois américains en renégociant ou en abrogeant le traité de libre-échange Alena et en imposant des taxes d'importation à hauteur de 35%.

En 1994, année de l'entrée en vigueur du traité, un peu plus d'un million de véhicules étaient produits au Mexique dont 52% étaient exportés. En 2016, le pays en produisait trois plus, à 3 768 268 unités, dont quasiment 80% à destination de l'étranger.

La décision de Ford pourrait par ailleurs avoir un effet d'entraînement sur un secteur clé qui représente 3% du PIB mexicain.

À San Luis Potosi, les chefs d'entreprises ne sont toutefois pas tous inquiets à l'aube de l'ère Trump.

«Il est encore trop tôt» pour faire des pronostics, souligne Gunter Daut, vice-président de la marque allemande Bosch au Mexique.

Luis Caballero, responsable de l'usine TI Automotive, une marque américaine qui fabrique des pièces détachées, se montre même plutôt optimiste.

«Il ne faut pas trop s'alarmer. Il faut avoir confiance en nos affaires et nos plans d'expansion», assure-t-il.

Son principal client, le constructeur allemand BMW, a prévu de construire une usine dans cette ville qui démarrera sa production en 2019.

Mais dans un entretien au journal populaire Bild dimanche, Donald Trump a affirmé que les Etats-Unis imposeraient une taxe de 35% sur toute voiture qui en sortirait et serait importée sur le sol américain.

Interrogé par l'AFP, BMW a simplement indiqué lundi que la construction de l'usine «se poursuit comme prévu et doit être terminée en 2019».

Des travailleurs à l'oueuvre à l'usine de composantes autombiles Bosch de San Luis Potosi. Photo: AFP