Conquête spatiale, avions de guerre, locomotives... les designers automobiles ont toujours trouvé une inspiration dans les avancées scientifiques et sociales de leur époque. Pour bien comprendre quelle est leur muse en 2017, un retour dans le temps s'impose.

2000-2018 - Évocation du camion

Dévoilée au Salon de New York au début du mois d'avril, l'édition 2018 du Navigator de Lincoln a une silhouette imposante, une calandre massive et des airs assumés de char d'assaut.

En raison de son nom aux connotations nautiques, plus d'un commentateur a tracé un parallèle avec les yachts privés que les acheteurs d'un tel véhicule sont également susceptibles de posséder. 

Même s'ils sont évoqués de temps à autre, les bateaux ne représentent pas une si grande inspiration en design automobile, observe toutefois Pascal Boissé, professeur de design d'équipement de transport à l'UQAM. Il ne faut pas chercher si loin pour résumer le design des deux dernières décennies. « L'auto a évolué vers une évocation du camion », dit-il. « On ne rêve plus de fusées supersoniques sur roues pouvant atteindre 200 km/h, mais de véhicules surélevés, massifs, ayant l'air plus sécuritaires. »

Le Lincoln Navigator 2018. Photo: Ford

1980-1999 - La guerre des étoiles

Un des véhicules résumant le mieux les années 90 est la Ford Taurus 1996. Un véhicule qui incarnait le futur, avec des formes exagérément arrondies, sur les traces de l'Audi 5000,

10 ans plus tôt, une des premières voitures aux surfaces entièrement lisses, qu'il s'agisse de la carrosserie, des phares ou des vitres.

Entre les deux, l'arrivée des premiers logiciels de design informatisés a permis d'élargir un peu plus les possibilités. Ces deux modèles incarnent donc une certaine tendance qui aura duré près d'une vingtaine d'années, et que M. Boissé associe aux premiers films de la série Star Wars. « La science-fiction a toujours inspiré l'automobile. Après la crise du pétrole et la panne d'inspiration du "Malaise Era" des années 70, on a vu un retour aux formes arrondies. »

La Ford Taurus 1996. Photo: Ford

1950-1970 - De la vitesse du son au syndrome de la page blanche

L'aviation a joué un rôle essentiel dans la résolution des deux guerres mondiales de la première moitié du XXe siècle.

Plus d'un designer automobile s'est inspiré des formes des avions pour ensuite améliorer l'aérodynamisme, et le look, de véhicules routiers allant de plus en plus vite. On ne défonçait pas le mur du son, mais ce n'est pas faute d'avoir essayé...

Avec une crise du pétrole et les premières normes de sécurité est survenue, à partir de 1973, ce que certains collectionneurs appellent « l'ère du malaise », période creuse du design automobile qui aura donné naissance à des modèles comme la Chevrolet Nova et la Ford Pinto.,

PublicitéŽ de Chevrolet Nova en 1973. Photo: General Motors

1920-1940 - Cheval de fer

Les premiers artisans de la construction d'automobiles provenant pour la plupart du monde de la voiture à cheval, il ne faut pas s'étonner si les premiers véhicules automobiles leur empruntaient le style général.

À l'époque, on clouait de la tôle sur une charpente en bois, et le tour était joué.

Avec l'industrialisation et l'expansion du transport ferroviaire, le design automobile est passé à l'ère du streamline, un style de design qui a aussi inspiré d'autres secteurs, comme l'architecture. Arêtes arrondies, surfaces chromées, bois exotiques... D'ailleurs, on trouve encore beaucoup de ces tendances dans les véhicules modernes. Le Lincoln Navigator 2018 peut en témoigner de belle façon.

Un concept du designer Norman Bel Geddes typique des annéŽes 30.

2020 - L'empire du Milieu

Que nous réserve le design automobile de demain ? Dur à dire. Chose certaine, conclut Pascal Boissé, la Chine comme premier marché automobile mondial aura son mot à dire sur son évolution.

Sa culture et ses habitudes ne sont pas celles des Nord-Américains, qui recevaient le gros de l'attention de l'industrie jusqu'ici.

« On le voit déjà avec certaines marques et certains modèles. Buick existe encore aujourd'hui grâce à sa popularité en Chine », dit-il. Là-bas, cette marque est perçue comme exotique et luxueuse. Dans le même ordre d'idées, alors qu'ici, une voiture sous-compacte laissera plus de place aux occupants à l'avant, en Chine, ce sont souvent les aînés qui s'assoient derrière, et les places y sont plus spacieuses. Pas sûr, par contre, que l'on retrouvera des petits jardins aménagés dans ces véhicules, comme on a pu en voir dans certains concepts de véhicules chinois ces derniers temps...

Le prototype de VUS EnSpirit et son bonsaï•. Photo : Guangzhou Auto Corp.