Baptiser une voiture est un travail d'orfèvre: il mobilise pendant des mois les «cerveaux» des constructeurs chargés de dénicher des noms vendeurs, sans toujours leur épargner l'écueil du tribunal comme Renault, poursuivi pour avoir nommé un modèle «Zoé», comme 35 000 Françaises.

«C'est un processus relativement long qui est réalisé parfois deux, trois ou quatre ans avant la sortie d'un modèle», explique à l'AFP Marcel Botton, PDG de l'agence française Nomen spécialisée dans la création de noms de marque et à l'origine de la «Clio» de Renault ou de la «Yaris» du japonais Toyota.

Certains constructeurs possèdent en interne des «concepteurs» chargés d'inventer de nouvelles appellations, d'autres préfèrent recourir à des agences externes. Dans les deux cas, il s'agit «de se mettre dans la peau du futur client» pour coller au plus près à ses attentes, raconte M. Botton, sans qu'il existe pour cela une recette miracle.

Une fois un nom retenu - de deux ou trois syllabes maximum -, il est passé à la moulinette par des juristes et des linguistes pour s'assurer qu'il est libre de droits, prononçable dans toutes les langues des pays où le véhicule sera vendu et qu'il n'a pas de connotations négatives.

Un travail de plus en plus ardu à l'heure où les marchés automobiles s'internationalisent mais indispensable pour éviter des mésaventures similaires à celles du japonais Mitsubishi Motors, obligé de transformer son 4x4 «Pajero» en «Montero» pour les pays hispanophones, «pajero» signifiant «branleur» en espagnol.

Deux systèmes de dénomination distincts

Deux grandes écoles se distinguent parmi les constructeurs. La première, comme Peugeot, a recours à des numéros. «C'est le système d'appelation le plus ancien du marché, initié en 1929 avec la Peugeot 201», rappelle Olivier Mathieu, cadre marketing de Peugeot.

La marque au lion est toujours restée fidèle à cette organisation, avec «le premier chiffre qui désigne la taille de la voiture, le deuxième qui est un zéro - la marque de fabrique de Peugeot - et le troisième qui est un marqueur de temps», décrit-il.

«Cela renvoie à une idée de rigueur», fait-il valoir, et Peugeot s'est assuré l'usage des chiffres avec un zéro central pour ses modèles à venir.

Une méthode qui a toutefois atteint ses limites avec l'apparition de nouvelles catégories de voitures comme les multisegments, à mi-chemin entre une berline et un VUS, et qui a obligé Peugeot à introduire le «double zéro».

Citroën a opté pour un système similaire, après avoir mélangé depuis sa création les noms, avec la «Traction» par exemple, les numéros et les lettres, avec la 2 CV ou la DS. «Nous avons décidé il y a cinq ans environ d'avoir une plus grande cohérence, avec un système de lettre et de chiffres», indique Xavier Duchemin, directeur marketing de la marque aux chevrons.

Ceci offre une plus grande lisibilité, «même dans les pays où la marque est moins connue», le C renvoyant à Citroën et le numéro à la taille de la voiture, détaille-t-il. Citroën n'a toutefois pas renoncé complètement aux noms, gardant la dénomination «Picasso» acquise à la fin des années 1990 pour ses monospaces.

D'autres groupes automobiles ont opté pour des noms, comme l'allemand Volkswagen ou Renault. C'est en 1987 que le français a sauté le pas, abandonnant les simples numéros pour attribuer à ses nouveaux modèles des noms dédiés, jugés plus évocateurs, mais pas sans risques, comme le révèle le cas de la «Zoe».

«Aujourd'hui la liste des prénoms n'est plus fermée car on peut donner à peu près n'importe quel prénom à un enfant», souligne M. Botton, ce qui brouille un peu plus la frontière entre prénoms et noms de marque.