Les constructeurs automobiles parviennent à créer des véhicules culturellement différents en faisant appel aux mêmes éléments. C'est exactement la philosophie poursuivie par les concepteurs des deux invités à notre match, qui sont des dérivés de berlines à succès, en l'occurrence l'Accord (Honda) et la Camry (Toyota).

Les deux constructeurs proposent en option un rouage à quatre roues motrices, mais seul Toyota offre un quatre-cylindres de série; Honda n'offre qu'un V6 et un seul niveau de finition (EX-L). Par souci d'équivalence, nous avons naturellement opté pour le Venza V6 à l'occasion de cette confrontation.

 

Plus long, plus haut, le Crosstour ne parvient pas à exploiter l'espace disponible avec autant d'habileté que le Venza. Ce dernier propose en effet un habitacle plus lumineux et mieux dégagé dans tous les domaines, à l'exception du dégagement pour les jambes à l'avant. Puisque la statistique est reine, autant s'en affranchir: le volume intérieur (coffre compris) du Venza équivaut à 3058 litres d'espace utile, comparativement à 2854 litres pour le Crosstour. Des questions? Ah oui! le coffre. Celui du Venza remporte là aussi une autre bataille, que la banquette arrière soit en place (870 litres comparativement à 728) ou non (1990 litres comparativement à 1453 litres). À ce chapitre, l'intrusion des chapelles de la suspension arrière pénalise grandement le Crosstour en largeur; de plus, sa garde au toit plus basse lui nuit en hauteur.

 

Si le Venza se révèle le plus spacieux dans l'absolu, il n'est pas le plus confortable. Ses sièges manquent de moelleux, à l'arrière surtout, et nos essayeurs ont unanimement préféré le Crosstour sur de longues distances, même si les places arrière sont plus difficilement accessibles en raison de l'arc du toit.

 

 

Le tour du propriétaire

 

Malgré son apparente austérité, le Crosstour marque des points grâce à la qualité de sa présentation et à sa finition. Quoi qu'il en soit, la multitude de commandes au beau milieu de la console centrale fait désordre et il faut plusieurs kilomètres pour s'y retrouver. Et ce design à grand renfort de matériaux en mousse a un soupçon de déjà vu. Quelle sera la longévité d'une telle présentation? Meilleure, on l'espère, que celle du Toyota, dans lequel les bruits parasites apparaissaient déjà (la voiture avait sans doute fait l'objet de nombreux essais, mais son habitacle se compose de trop nombreux plastiques durs). La bonne impression laissée l'an dernier, au lancement du Venza, se dissipe avec ces «rossignols», mais aussi dans l'épreuve cruelle de la comparaison directe. En revanche, du conducteur aux petits derniers en passant par les bagages, livres, lunettes, lecteur MP3 et autres canettes, chacun trouve plus aisément une place à bord du Venza que du Crosstour. Par exemple, le levier de la boîte semi-automatique placé sur la partie centrale du tableau de bord permet d'aménager une console-tiroir très pratique où tous les objets quotidiens trouveront une place. Sur le plan de l'ergonomie, aucune faute majeure, si ce n'est la taille «timbre-poste» de l'écran niché au sommet du tableau de bord qui reproduit les images captées par la caméra de recul.

 

Au chapitre des accessoires, le Crosstour fait une bouchée du Venza, qui offre trop de coûteux groupes d'options. En revanche, l'essentiel y est et notre attention se porte alors sur le Crosstour, à qui l'on reprochera de n'offrir la caméra de recul et surtout la connectivité sans fil (Bluetooth) que sur sa livrée la plus coûteuse. À revoir et vite.

 

Photo Martin Chamberland, La Presse

La Honda Crosstour.

Sur la route

 

Avant de mettre le contact, un petit rappel technique s'impose. Le Crosstour reprend sensiblement les mêmes caractéristiques que l'Accord alors que le Venza dérive, lui, de la Camry. Voilà qui nous rassure au chapitre de la fiabilité.

 

Le Crosstour n'offre donc qu'un six-cylindres, d'une cylindrée identique à celui du Venza; il ne comporte qu'un simple arbre à cames (le Toyota en a deux) et ne propose qu'une boîte automatique à cinq rapports des plus conventionnelles. Plus puissant et plus «coupleux» que le moteur du Venza, celui du Crosstour comporte un atout non négligeable: un dispositif de désactivation des cylindres. Dès que la vitesse est stabilisée, ce dispositif permet de couper l'alimentation à deux, voire trois cylindres, afin de réduire la consommation de carburant. Beaucoup plus sensible et encore plus précis qu'autrefois, ce système entre en fonction sans avoir à conduire avec un oeuf sous la pédale d'accélérateur. Il est plus simple de faire apparaître le voyant lumineux Eco au tableau de bord pour vous indiquer que le dispositif fonctionne, mais est-il vraiment utile de se le faire rappeler tant la fermeture des cylindres se ressent (surtout au moment des reprises où les cylindres endormis mettent quelques millisecondes de trop à se réveiller)? Rassurez-vous, cela ne compromet en rien la sécurité active du véhicule, mais cette particularité agace. Pour économiser le carburant, Toyota mise sur une autre solution: une boîte semi-automatique à six rapports. Et ça marche, à en juger par les consommations enregistrées lors de ce match (voir tableau technique). Pour de meilleures économies encore, Toyota propose également une version quatre-cylindres plus économique à la pompe et à l'achat. Une solution qu'envisage également Honda, sans révéler plus de détails.

 

Au chapitre des performances pures, le Crosstour prend une longueur d'avance. Les accélérations ne manquent pas de tonus et d'allant. De son côté, le V6 du Venza a la fougue nécessaire pour remuer ce multisegment, mais sa très grande douceur à bas régime disparaît dès que l'aiguille du compte-tours se met à grimper. Bref, il boude dès que l'on tente de le bousculer un peu et la transmission semi-automatique se cherche un peu, surtout si le véhicule roule sur un faux plat. Par ailleurs, regrettons l'absence de palettes au volant, nettement plus agréables que le sélecteur placé dans un curseur spécialement créé pour l'occasion.

 

Complètement révisées, les suspensions offrent le meilleur compromis entre tenue de route et confort. Équilibré, stable et virant bien à plat, le Crosstour est de loin celui qui offre le meilleur agrément de conduite. De plus, outre sa rapidité, la direction à assistance variable se montre d'une douceur et d'une précision exemplaires. En revanche, en ville, la conduite du Crosstour est beaucoup moins enthousiasmante en raison de la visibilité (où sont les capteurs pour les angles morts?) et du piètre diamètre de braquage du véhicule. À peine plus court, celui du Venza complique tout autant les manoeuvres à basses vitesses. Ouvrons ici une parenthèse sur les pneus qui, sur le modèle V6 AWD, font 20 pouces de diamètre. Visuellement, c'est joli, mais ce le sera moins quand il faudra les remplacer ($$$)... Cela dit, sa conduite est rassurante sur les grands axes routiers, mais elle est anesthésiante quand la roule se met à dessiner des lacets. Sa direction dosée avec beaucoup de légèreté permet certes de l'inscrire aisément dans les virages, mais retransmet très peu d'informations au conducteur. Les mouvements de la caisse sont contrôlés plus mollement sur le Venza.

 

Cela dit, mentionnons que même si le châssis du Venza n'apparaît pas aussi rigide et robuste que celui du Crosstour, celui du Toyota demeure néanmoins le plus robuste lorsqu'il faut tracter une charge.

 

Budget

 

Crosstour et Venza renouvellent ici avec brio l'offre de leur constructeur respectif, dont les berlines intermédiaires ont souvent été jugées trop convenues (Accord), voire ennuyeuses (Camry).

 

Dans l'absolu, malgré son prix, la Honda remporte de peu la partie avec la meilleure architecture, l'agrément de conduite le plus relevé et la plus grande qualité perçue. En revanche, le Crosstour est cher, dépourvu de certains accessoires en entrée de gamme et sacrifie beaucoup d'aspects pratiques, indispensables sur un multisegment de cette taille, au profit d'un profil flatteur. En revanche, l'homogénéité est bien là avec un superbe confort. Le Venza parie sur une autre dimension. Son habitacle et son coffre spacieux feront le bonheur des familles.

 

Consultez les tableaux comparatifs complets en cliquant ici.

Photo Martin Chamberland, La Presse

La Toyota Venza.