Il fut un temps où la loi américaine rejetait à la mer presque toutes les voitures qui venaient d'Europe, au premier rang desquelles les Citroën. Depuis, les "petites" voitures n'ont jamais été aussi populaires sur le marché nord-américain. Et n'ont donc jamais fait l'objet d'autant d'attention de la part des autorités et des organismes testant la sécurité. Ceux-ci n'ont pas toujours été tendres.

En février dernier, l'Insurance Institute for Highway Safety a conclu dans une nouvelle étude que les petites voitures ne sont pas le meilleur choix en matière de sécurité. "Les véhicules plus grands et plus lourds sont plus sûrs", disait-on. "Si vous voulez vraiment économiser de l'essence, achetez une plus grande voiture moins puissante plutôt qu'un petit véhicule léger qui sacrifie aussi la sécurité", a commenté son président, Adrian Lund.

 

L'institut américain a récidivé au printemps en évaluant des sous-compactes selon les dommages causés par une collision à moins de 10 km/h et selon le coût des réparations. La Yaris comme l'Accent ont entre autres été montrées du doigt. Mais sans qu'aucune comparaison ne soit faite avec des véhicules de catégories intermédiaire ou sport.

 

Selon des essais de collision latérale, l'institut évaluait en 2006 que les occupants des voitures les plus petites ont 51% plus de risques de mourir dans une collision que les occupants de grosses voitures ou d'intermédiaires.

 

Alors, parce que c'est petit, c'est nécessairement moins sûr?

 

"Ce n'est pas une certitude. Les gros véhicules dans les années 60 protégeaient moins bien les occupants", répond Claude Sauvageau, vice-président Essais de PMG Technologies, centre d'essais et de recherche mandaté par Transports Canada pour tester les véhicules.

 

La sécurité que procure une voiture à ses occupants en cas d'accident n'est pas nécessairement proportionnelle à son poids ou à sa taille. Dans les faits, la résistance à l'impact et le degré de protection sont certes déterminés par le poids, la conception et la hauteur du véhicule. Plus une voiture est lourde, plus elle va causer des dommages aux autres automobiles. Mais, à poids égal, entre une Mercedes et une Buick par exemple, il peut y avoir une différence en matière de sécurité. La structure en boule de la Smart, autre exemple, fait que cette minivoiture se comporte très bien dans les tests de collision. Une hauteur appréciable de l'habitacle est à double tranchant. Elle offre une meilleure protection en cas de collision latérale mais elle accroît le risque de tonneaux.

 

"En général, les grosses voitures offrent une meilleure sécurité que les petites. Si l'une d'elles heurte un plus petit véhicule, elle subit moins le changement de vitesse. Ses occupants sont soumis à de plus faibles décélérations et sont moins susceptibles d'être blessés. Bien sûr, si le parc de véhicules est d'une taille importante, comme c'est le cas aux États-Unis, cet avantage est perdu étant donné qu'une grosse voiture est susceptible de heurter une voiture de taille comparable", explique Aled Williams, gestionnaire de programme au European New Car Assessment Programm (EuroNCAP), organisme indépendant chargé de tester la sécurité des véhicules.

 

En clair, si l'on fait référence aux VUS, la taille n'est pas un gage de sécurité. "Si une grosse voiture n'a pas été bien conçue pour absorber l'énergie dans une collision, elle pliera et mettra ses occupants en danger", ajoute M. Williams.

 

"Dans un accident, un VUS transmet toute la puissance du choc aux occupants; il est trop rigide", ajoute Raynald Côté, agent de recherche au CAA Québec.

 

Les petites voitures se comportent très bien dans une collision et atteignent un degré de sécurité très élevé, témoigne Aled Williams, de l'EuroNCAP. Beaucoup de progrès ont été accomplis depuis 15 ans. Mais il faut admettre que les petites voitures ne font pas le poids dans certaines confrontations. Une Smart Fortwo d'à peine 820 kg n'en mène pas large face à un Chevrolet Tahoe de 2,5 tonnes.

 

Président de l'Association pour la protection des automobilistes (APA), George Iny considère que, en dessous de 1300 kg, le risque d'accident grave commence à augmenter, et que, en deçà de 1150 kg, ce risque est plus marqué. Cela correspond à des voitures du type Yaris, Echo ou Versa.

 

Ce rapport de force inégal illustre le manque de vision aux États-Unis dans les années 80, selon George Iny. Un déséquilibre entre véhicules et entre catégories est né dans le parc automobile nord-américain, surtout aux États-Unis. On a travaillé sur des véhicules de luxe. On a préféré la quantité à la qualité dans les modèles plus petits, et la sécurité n'y a pas échappé.

 

"Les véhicules ont grossi, ils sont plus hauts et réagissent moins bien dans les impacts, dit-il. Ce ne sont plus des voitures, ce sont des camions! Le poids et la conception des camions légers et des camionnettes aggravent le risque de décès pour les occupants d'une petite voiture."

 

Le président de l'APA croit que les nouvelles normes de sécurité obligeront à alléger les véhicules: "On n'a pas édicté de normes en fonction des véhicules que les grosses voitures et les VUS pouvaient heurter. Il faut réduire le poids, la taille et la puissance."

 

Sécurité doit rimer avec légèreté.

 

Photo Smart

Une Smart Fortwo d'à peine 820 kg n'en mène pas large face à une Mercedes.

Comparer ce qui est comparable

 

Pour beaucoup, faire le procès des petites voitures en matière de sécurité est acceptable pourvu que l'on compare ce qui est comparable. Une démarche élémentaire mais pas systématique.

 

"Il faut comparer des sous-compactes avec des sous-compactes; les tests de sécurité sont particuliers à chaque catégorie", estime Philippe St-Pierre, porte-parole de CAA Québec.

 

"On ne fait pas de mesure absolue, on compare la sécurité entre voitures de poids et de taille similaires", indique Aled Williams, gestionnaire du programme EuroNCAP.

 

Cette règle est incontournable lors des essais de collision frontale. Dans ce cas-ci, l'impact est déterminé par le véhicule qui est propulsé contre une barrière. Les véhicules projetés sont différents, l'objet heurté reste le même. On pourra alors constater qu'entre sous-compactes, par exemple, certains modèles sont plus sûrs que d'autres.

 

Lors d'essais de collision latérale, le même bélier heurte les véhicules avec la même force. L'impact est déterminé par le bélier propulsé contre les automobiles. On peut alors comparer des voitures de tailles différentes. Mais n'est-ce pas réducteur? Surtout quand on sait qu'il peut y avoir des surprises en comparant une voiture sous-compacte bien conçue avec une intermédiaire ou une berline de conception moins rigoureuse ou plus ancienne.

 

"C'est du cas par cas", pense Claude Sauvageau, vice-président Essais de PMG Technologies, centre d'essais et de recherche mandaté par Transports Canada pour tester les véhicules.

 

Photo AP

La structure en boule de la Smart ForTwo fait que cette minivoiture se comporte très bien dans les tests de collision.

Les véritables chiens de garde

 

Les tests de sécurité routière tendent à être uniformisés dans le monde. Les organismes, tels l'IIHS et l'EuroNCAP, sont des précurseurs en la matière. Les autorités, comme Transports Canada, sont par contre à la remorque.

 

Organisme international indépendant établi à Bruxelles, l'EuroNCAP est un véritable chien de garde qui, pour ses tests, va jusqu'à acheter anonymement des véhicules auprès de concessionnaires. "Il y a cependant beaucoup d'intérêt de la part de nos membres pour les tests faits sur les voitures neuves arrivant tout juste sur le marché. Nous testons alors seulement des voitures de production provenant directement des constructeurs", ajoute son gestionnaire Aled Williams.

 

L'EuroNCAP et l'Insurance Institute for Highway Safety (IIHS), aux États-Unis, ont fait progresser la recherche et les normes de sécurité routière. Ils sont même en avance sur les services gouvernementaux que sont la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) et Transports Canada, pour ne citer que ceux-là.

 

Aujourd'hui, ces deux organismes effectuent leurs tests de collision frontale à 64 km/h contre une barrière déformable sur 40% de la largeur de la carrosserie. Un test plus conforme à la réalité, plus juste et plus sévère que ceux des agences américaine et canadienne, qui le font sur 100% de la largeur. Transports Canada songe à calquer ses normes sur celle-ci.

Photo Sylvie Rainville, collaboration spéciale

Volvo peut recréer des accidents en situation réelle grâce à un couloir d'essais de collision pivotant qui permettent une variété de tests: impact frontal, choc arrière et tous les angles de collision entre les deux, ainsi que les retournements.

 

Au-delà des tests de collisions frontale et latérale menés par tous, l'EuroNCAP teste rigoureusement les collisions avec un piéton et les projections d'un véhicule sur le flanc contre un poteau. Pour celles-là, il n'existe pas de normes canadiennes à ce jour.

 

En matière de sécurité active, l'EuroNCAP évalue dorénavant le contrôle électronique de stabilité de chaque véhicule. Ce qui n'est pas fait systématiquement au Canada, où cet équipement ne sera pas obligatoire avant 2011.

 

Au Canada, les essais de sécurité routière sont officiellement menés chaque année pour chaque catégorie de véhicule. Dans la pratique, les nouveaux véhicules qui arrivent sur le marché canadien ne sont pas tous nécessairement testés. Transports Canada n'en a pas la capacité. Et il y a des limites budgétaires. On se fie aux tests américains, même si les différences de normes d'un pays à l'autre ne sont pas rares.

Photo Ministère des Transports

Au Canada, les essais de sécurité routière sont officiellement menés par Transports Canada chaque année pour chaque catégorie de véhicule. Dans la pratique, il en va autrement, faute de capacité et de budget.