Après des mois de chamailleries, d'outrages, de colères et de maquignonnage en public, les familles qui contrôlent la compagnie Porsche semblaient ce week-end s'être enfin entendues entre elles et avec Volkswagen, pour accepter l'offre de Volkswagen, qui est prête à payer environ 8 milliards d'euros (12,6 milliards de dollars canadiens) pour 100% des actions du constructeur d'autos sport.

C'est la nouvelle qu'avait rapporté durant la fin de semaine l'agence de presse DPA. Le magazine Der Spiegel ajoutait même que l'affaire pourrait être conclue jeudi prochain.

 

Mais l'entente semble ne pas avoir survécu à la fin de semaine: selon le quotidien Süddeutsche Zeitung de lundi matin, Volks s'est aperçue qu'elle aurait à payer des taxes de 3 milliards d'euros dues par Porsche.

Pendant que les avocats fiscalistes ont été chargés de trouver une façon de contourner ces taxes, les actionnaires de Porsche et de Volks auraient recommencé à manoeuvrer afin d'avoir la suprématie les uns sur les autres.

Les rebondissements dans cette saga multi-familiale sont tellement nombreux que les commentateurs allemands ne cachent pas qu'ils commencent à trouver ça gênant.

Le Süddeutsche Zeitung affirme que les chances de la transaction sont minces si Volks ne trouve pas une échappatoire pour ne pas payer les milliards en taxes. Au lie de ratifier l'entente jeudi, tel que prévu, toute signature serait remise à la fin du mois.

La grenouille et le boeuf

Rappelons que Porsche, longtemps une des firmes automobiles les plus rentables au monde, s'est peu à peu mise dans le pétrin à partir de 2005, en échafaudant une tentative risquée d'acheter Volkswagen, une firme dix fois plus grosse.

Porsche est un spécialiste qui fabrique avec soin 100 000 voitures de luxe par année; Volks est un des meilleurs producteurs de grande série au monde et vend 6,3 millions de véhicule par année.

Un édifice d'emprunts compliqués s'est effondré sur Porsche quand ses liquidités se sont subitement taries avec la crise financière. Porsche, étranglé, est passée à un cheveu de se déclarer insolvable au début de 2009.

Volks a renversé les rôles et tente maintenant d'acquérir Porsche. L'entente rapportée le week-end dernier prévoyait que Volks achèterait d'abord la moitié des actions de Porsche, puis, plus tard dans l'année, la deuxième moitié.

Porsche serait alors une filiale de Volkswagen, qui a comme ambition publique de devenir le No 1 mondial de l'automobile, une position récemment obtenue par Toyota, après avoir longtemps l'apanage de General Motors.

L'acquisition de Porsche, si elle se fait, ressemblerait à une fusion. Porsche recevrait 8 milliards d'euros, assez pour rembourser une bonne partie de ses dettes. Les familles Porsche et Piëch, actuels actionnaires de Porsche, auraient 50% des actions de la nouvelle Volkswagen incluant Porsche, La province allemande de Basse-Saxonie conserverait les 20% qu'elle détient déjà aujourd'hui dans Volkswagen.

L'Émirat du Qatar, un petit pétro-royaume du golfe Persique, serait accueilli (ainsi que ses milliards en capitaux frais) au conseil d'administration et prendrait entre 14,9% et 19,9% des actions de la nouvelle firme.

Les salariés de Porsche s'opposent à la vente. Quant aux politiciens provinciaux, ils sont furieux de l'imbroglio fiscal. Christian Wulff, le gouverneur de la Basse-Saxonie, dit qu'il veut que l'affaire se règle d'une façon ou d'une autre afin que Volks retourne à la normale. Le problème, c'est qu'il s'adonne à siéger au conseil d'administration de Volkswagen!

Ses adversaires politiques le préviennent qu'il serait non-éthique de sa part de se mettre les doigts dans ce dossier à ce stade-ci, et ils s'opposent encore plus à tout scénario où il ferait quelque «cadeau fiscal» que ce soit à Volkswagen.

Rivalités profondes

Ajoutez à cela la haine qu'ont l'un pour l'autre certaines protagonistes de l'affaire, et vous avez une histoire qui pourrait durer encore longtemps.

Les journaux allemands ont également rapporté que le grand patron actuel de Porsche Wendelin Wiedeking, semble avoir finalement lancé la serviette devant les intrigues faites par certains actionnaires pour le chasser de son poste.

Le magazine Der Spiegel rapport qu'il négocie (en parallèle du reste) son parachute doré qui pourrait atteindre 100 millions d'euros. Dans l'intérim de sa succession, le responsable de la production, Michael Macht, le remplacerait à la tête de Porsche. (M. Wiedeking a nié).

Sources: Süddeutsche Zeitung, Der Spiegel, Automotive News Europe