L'année automobile 2009 est paradoxale. D'un côté, cette industrie traverse l'une des pires crises de son histoire avec des fermetures d'usines, difficultés de trésorerie, l'assèchement des crédits, des résultats en berne, la valse des dirigeants.

De l'autre, ces «turbulences» sont vécues comme autant d'opportunités par toute une série de nouveaux entrants. On attend par exemple la voiture de demain chez des constructeurs qui, hier encore, campaient des rôles d'obscurs figurants. Des constructeurs venus d'un peu partout. De France (Bolloré), des États-Unis (Tesla) ou encore de Suisse (Rinspeed). Et du Québec? Vous rêvez, n'est-ce pas?

Les tentatives québécoises dans le secteur automobile ressemblent toutes à des histoires sans lendemain. Pourtant, dans le contexte actuel, nous devenons tous un peu naïfs et c'est pourquoi plusieurs se remettent (discrètement) à rêver de projets réalisés au Québec qui pourraient, cette fois, être réellement décisifs dans ce secteur, surtout avec l'arrivée imminente de la voiture électrique. Nos forces dans l'électrification, par exemple, ne rejoignent-elles pas la demande de cette industrie en quête de nouveaux modèles? On pense forcément à Hydro-Québec, mais aussi à Bombardier ou encore à la Chaire de recherche industrielle en stockage et en conversion de l'énergie de l'Université de Montréal pour se convaincre que nous savons faire.

Il est vrai que vue de l'extérieur, l'industrie de l'automobile se trouve à une étape charnière de son histoire. L'automobile n'a pas été épargnée par la crise financière et devrait encore être ébranlée pendant plusieurs années. Comme le reste de l'économie, elle doit s'adapter à des turbulences qui s'annoncent durables.

Dans ce contexte, l'absence de constructeur automobile sur nos terres représente une chance par les temps qui courent. Le Québec n'a pas l'héritage d'un outil industriel à restructurer, et cela lui donne, en théorie, une grande indépendance en matière de recherche de moyens de transport plus verts.

Toutefois, pour améliorer la situation sur son territoire, le Québec s'en remettra toujours aux grands constructeurs.

La voiture propre, le catalyseur

Pour décourageante qu'elle puisse paraître, cette situation est à tempérer pour deux raisons. La crise force les constructeurs automobiles à revoir leurs technologies et leur modèle économique. Pour tout le monde, le coût de mise au point d'un nouveau véhicule de série est de l'ordre de plusieurs milliards de dollars et prend en moyenne cinq ans.

Un candidat constructeur québécois a l'avantage de ne pas avoir à restructurer, mais il fait tout de même face à cette très haute barrière d'entrée. Or, personne au Québec ne semble vouloir reprendre le rôle qu'a pu jouer un Henry Ford. Preuve qu'imposer un bien de consommation comme une voiture est bien plus difficile qu'on ne le croit. Car ce n'est pas tout de la concevoir. Il faut avoir les moyens de l'assembler et de la distribuer.

Voilà sans doute pourquoi la voiture québécoise ne roulera jamais, mais qu'une Ferrari made in Québec, cela peut marcher. Disons plutôt que certains d'entre nous y ont rêvé. Rappelez-vous de la Manic, de la Renaissance ou de la Pléthore présentée à la une de ce cahier il y a un peu plus de deux ans maintenant.

Même si l'idée d'une automobile 100% québécoise ne tient pas la route, elle a des retombées dans ce qui constitue nos forces motrices: la commercialisation de technologies (le moteur TM4 mis au point par Hydro-Québec propulse le prototype Indicia de l'indienne Tata) et la sous-traitance.

Les sous-traitants que vous découvrirez dans ce cahier sont surtout des entreprises qui ont trouvé dans l'automobile un débouché d'avenir. Et les recherches sur l'automobile de demain enrichiront assurément ce secteur d'une nouvelle génération de PME.

Donc, faute d'un entrepreneur susceptible de rassembler le casse-tête des compétences, les idées québécoises pour la voiture de demain semblent destinées à prendre le chemin de traverse de la sous-traitance plutôt que celui de la création d'un constructeur au-delà d'un marché de créneau. Mais cela ne veut pas dire que ces savoir-faire ne pourront pas apporter des contributions décisives aux véhicules que conduiront nos enfants. Les talents sont là!