Le prisonnier Dean Hall, 38 ans, en prison pour avoir volé des voitures, s'approche doucement d'une mustang, dont le comportement montre à la fois sa puissance et sa nervosité. Cette mustang-là est une jument sauvage de l'Ouest américain et elle trotte nerveusement dans un enclos de dressage de la prison Northern Nevada Correctional Center.

Dans cette prison, les détenus enseignent aux chevaux sauvages récemment capturés ce qu'ils ont eux-mêmes appris à la dure : comment composer avec la captivité.

Les narines de l'animal sont dilatées et ses oreilles pointent vers le prisonnier qui s'approche et qu'elle regarde avec méfiance.

Derrière eux, on aperçoit un mirador de surveillance où veillent des gardiens de prison, et, au loin, les cimes enneigées des montagnes Sierra Nevada.

Le voleur est maintenant parvenu tout près de l'animal qui a donné son nom à la Mustang. La jument sauvage s'arrête et laisse Dean Hall avancer vers elle. D'un geste lent et calme, il lui brosse le cou durant un moment, avant de reculer.

«J'étais mort de peur la première fois que j'ai fait ça, et des fois, je le suis encore» dit M. Hall. «C'est extraordinaire de travailler avec un animal sauvage qui n'a jamais été touché par un être humain.»

C'est l'histoire récemment racontée dans un article publié par l'agence de presse Bloomberg, au sujet de cette prison qui jouxte le Stewart Conservation Camp, un ranch remarquable où captifs équins et humains se côtoient.

Environ 600 mustangs sauvages y sont réunis depuis leurs captures récentes, dans le cadre d'un programme fédéral controversé qui vise à réduire de 17 600 à 12 600 le nombre de chevaux sauvages qui vivent librement dans les grands espaces du Nevada.

Depuis 2008, raconte l'agence Bloomberg, les deux populations incarcérées hommes et chevaux - ont été mises en contact par une initiative carcérale appelée Saddle Horse Training Program.

Les détenus apprennent comment dresser les mustangs sans les méthodes «à la dure» d'antan, sans l'usage du lasso et du fouet, qui consistaient à «casser» un cheval. Après 90 jours, ils apprivoisent les mustangs et les transforment en montures disposées à porter un cavalier et prêtes à être vendues lors des trois encans annuels tenus au Stewart Conservation Camp. En moyenne, chaque mustang apprivoisé rapporte environ 850 $, qui sont réinvestis dans le ranch.

«C'est assez incroyable», dit Hank Curry, qui dirige le programme des détenus, en regardant travailler un prisonnier et un cheval sauvage. «Il y a deux jours, on ne pouvait même pas s'approcher de ce cheval. Il progresse vite», dit M. Curry, qui porte un vrai chapeau de cowboy et une ceinture ornée d'une grosse boucle d'argent.

Dans le fond, ce n'est pas seulement le détenu qui apprivoise le cheval. Le processus n'est pas à sens unique : «Ça améliore l'estime de soi des détenus et ça leur donne le goût de se lever le matin», dit Timothy Bryant, 52, qui dirige le ranch. «Travailler avec ces chevaux leur enseigne la patience et la compassion. Ces mustangs aussi sont emprisonnés, comme eux. Ça prend beaucoup de temps pour gagner leur confiance.»

La plupart des détenus - en prison pour vol, détournement de fonds, kidnapping, etc. sont des citadins qui n'ont jamais enfourché un cheval. M. Curry leur enseigne l'équitation, puis comment mériter la confiance de ces animaux de 400 kilos, lors d'un processus lent et parfois fastidieux qui implique de répéter, rassurer et de travailler la tolérance mutuelle.

Chuck Porter a 32 ans. C'est un ancien mécanicien de l'armée de l'air américaine, en prison depuis janvier 2008 pour avoir tué quelqu'un dans un accident de la route. Il avait bu.

«Je n'avais jamais vu un cheval autre qu'un cheval de bois, quand j'étais petit. Lors de mon premier jour ici, je suis tombé 10 fois en une demi-heure avant de tenir en selle. Mais travailler avec ces chevaux m'enseigne la patience. Je n'ai jamais autant aimé un job.»

Les prisonniers doivent postuler pour les 45 postes destinés aux détenus, au ranch. Ils ont 90 jours d'évaluation durant laquelle ils doivent montrer qu'ils peuvent faire l'affaire. Le ranch est une institution à sécurité minimum de 1000 acres. Les cowboys en habit rayés doivent aussi s'occuper de 100 vaches laitières et d'un troupeau de bétail.

Le programme de capture des mustangs du Nevada vise officiellement à équilibrer les besoins des chevaux avec ceux des éleveurs, mais il est dénoncé par les défenseurs du cheval sauvage, qui reprochent au gouvernement fédéral d'avoir brisé sa promesse d'allouer 56 millions d'acres à ces animaux sauvages symboles de la conquête de l'Ouest américain.

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