Il a fait beau ces derniers jours, il n'en faut pas beaucoup pour se mettre à songer aux vacances d'été. Si vous ne l'avez pas fait, dites-vous bien que les spéculateurs de Wall Street, les cheiks du pétrole et les raffineurs du Texas pensent à vous et qu'ils ont commencé à le faire à votre place.

Alors que le prix de l'essence a été relativement stable durant les derniers mois, on peut s'attendre à une hausse à la pompe juste à temps pour ce que le secteur financier américain appelle «the driving season» (la saison de la route) alors que nous, le monde ordinaire, utilisons un terme vieillot et folklorique, «l'été».

 

Le prix du pétrole a remonté de 22 % depuis le début de l'année --contre toute véritable logique économique, selon certains-et un resserrement dans l'approvisionnement d'essence pourrait se traduire par une pointe estivale du prix à la pompe, quand nombre de Québécois prendront la route des vacances vers les «États».

Cette semaine, on a vu les astres s'enligner ainsi: mercredi, le ministère américain de l'Énergie a indiqué que les stocks actuels de pétrole brut atteignent un sommet jamais vu depuis 1993. Les États-Unis nagent dans des réserves de 356,6 millions de barils de brut. Il n'y a pas de pénurie de pétrole en ce moment.

Le prix du brut aurait pu baisser.

Malgré l'annonce de cette nouvelle importante, le prix n'a que temporairement fléchi, perdant brièvement 1,21 $, à 52,77 $ le baril à la Bourse mercantile de New York mercredi. Ce petit creux était quand même 18 % de plus que le prix du 1er mars.

Jeudi, le baril a quand même terminé la journée à 54,34 $, en hausse de 1,54 $ le baril, toujours pour les livraisons en avril.

Ce qui augure des hausses à la pompe quand ce pétrole sera raffiné, ce printemps.

Mais en plus de tout cela, rappelons-nous que les raffineries américaines avaient réduit leur production d'essence, l'automne dernier, préférant consacrer leurs capacités vers des produits pétroliers plus payants.

Or, la consommation quotidienne de carburants a remonté de 2,2 % en février. C'est quand même 3,3 % de moins qu'à la même période en 2008, mais ça commence à réduire les stocks d'essence. La réserve américaine d'essence a baissé à 214,6 millions de barils le mois dernier, une baisse de 1,1 millions de barils par rapport au mois précédent.

Cela a deux effets sur les prix à la pompe, l'un immédiat, l'autre l'été prochain. D'abord, le prix du gallon américain d'essence ordinaire a passé jeudi le cap des 2 $ US, une hausse de 2,3 %, rapporte l'équivalent américain du CAA-Québec, l'AAA (Association automobile américaine).

L'effet différé qui concerne les vacanciers automobiles se voit dans les contrats à terme payés jeudi pour des livraisons d'essence au mois d'avril: ces contrats étaient en hausse de 2,4 %, à 1,53 $ le gallon. N'oubliez pas que c'est le prix payé par les spéculateurs, c'est bien moins que ce que Joe Blow paiera à la pompe en avril.

Et encore moins que ce que Joe Bleau paiera en juillet en route pour Ogunquit: « La demande de carburant va augmenter» même si elle demeure sous les niveaux de l'été 2008, prédit Rick Mueller, directeur des marchés pétroliers chez Energy Security Analysis, une firme du Massuchessets.

Il note que les raffineries vont finir par être obligées d'augmenter leur production. Mais cela ne fera rien de bon pour votre portefeuille, puisque la production accrue grignotera les réserves nationales de pétrole brut, qui déterminent en partie le prix à la pompe.

Les analystes prévoient d'ailleurs que les prix à la pompe vont monter durant les mois qui viennent. «Comme le prix de l'essence va être bien en deça des 3 $ le gallon, les vacances en auto seront plus populaires l'été prochain que depuis plusieurs années», dit Geoff Sundstrom, de l'AAA, qui s'attend à ce que le prix du gallon soit autour de 2,50 $ l'été prochain aux États-Unis.

Des décisions prises dans de lointaines capitales pourraient aussi avoir un impact sur le prix de l'essence durant votre voyage au Cape Cod ou Bar Harbor.

Quand le prix du pétrole a raclé le fond en septembre 2008, les pays exportateurs de pétrole se sont réunis en catastrophe et se sont entendus pour fermer d'un tour les robinets pour réduire la production de 4,2 million de barils par jour.

Cette réduction graduelle va tranquillement se faire sentir dans les stocks, qui pourraient commencer à baisser, dit Robert Ebel, du Centre d'études internationales et stratégiques, de Washington. Et comme les cheiks et les émirs voudraient que le baril se vende entre 60 $ et 70 $ le baril, «l'OPEC pourrait décréter de nouvelles coupes de production lors de leur rencontre du 28 mai», ajoute-t-il.

Bonne «driving season»!

Sources: Bloomberg, AP et New York Times