Contrairement aux filiales canadiennes de GM et Chrysler, Ford Canada ne quête pas l'aide directe de l'État, mais demande au gouvernement canadien d'offrir aux consommateurs une «prime à la casse» de 3500 $ pour envoyer à la ferraille leur vieille auto et en acheter une neuve. Ce programme, qui coûterait 350 millions aux contribuables canadiens, aiderait à contrer la chute brutale des ventes d'autos en 2009.

Le président de Ford Canada, David Mondragon, pense qu'offrir ces 3500 $ aux acheteurs de nouvelles voitures en échange de leur vieux bazou est la meilleure façon d'aider l'industrie automobile ontarienne à sortir du pétrin. M. Mondragon a fait cette demande lundi soir devant un sous-comité parlementaire à Ottawa.

M. Mondragon n'a pas critiqué les plans de sauvetages de GM et de Chrysler envisagés par le gouvernement canadien. Mais il a affirmé que la façon la plus efficace d'aider les constructeurs automobiles est d'encourager les Canadiens à acheter leurs produits. Pour ce faire, Ottawa peut faire deux choses : 1) s'assurer que le consommateur canadien a accès au crédit et peut emprunter pour acheter une auto; 2) offrir à court terme la «subvention à la casse».

Actuellement, le programme fédéral de subvention à la casse n'est que de 300 $ par vieux véhicule. Un montant tellement minuscule que personne ne s'en prévaut, affirme M. Mondragon.

Le programme fédéral actuel a une enveloppe de 85 millions de dollars et ne vise que les voitures de 12 ans et plus, affirmait ce matin le réputé analyste Dennis DesRosiers, de DesRosiers Automotive. En retour d'un tacot qui vaut 1000 $ ou 2000 $, l'automobiliste obtient un certificat de 300 $ qu'il peut utiliser pour acheter une passe d'autobus ou un vélo, une mesure ridicule, affirme M. DesRosiers, qui a donné ce matin son appui au programme bonifié à 3500 $ par voiture de 10 ans et plus, tel que demandé lundi par M. Mondragon.

L'idée d'une subvention à la casse a aussi reçu l'appui de Mark Nantais, de la Canadian Vehicle Manufacturers' Association, qui a lui aussi témoigné lors des audiences de lundi. Il a noté que le gouvernement allemand a stimulé de 20% les ventes de voitures neuves en février, grâce à un généreux programme (2500 euros, ou 4500 huards, par minoune) visant à retirer des routes les vieilles voitures. «En plus de l'effet économique immédiat, on gagne sur trois autres plans: des autos de 12 à 18 fois moins polluantes, qui consomment moins et qui sont plus sécuritaires.»

Selon M. Mondragon, la subvention à la casse pourrait susciter des ventes de 100 000 autos neuves de plus en 2009.

Cela étant, tous les témoins aux audiences de lundi - cadres de compagnies et représentants syndicaux - ont dit aux députés que la crise qui frappe le secteur automobile est grave.

Selon M. Mondargon, les ventes de voitures neuves devraient baisser de 13% par rapport à 2008, soit 250 000 unités en moins, donc 20 milliards de revenus en moins pour les constructeurs et un trou de 3 milliards en taxes pour les gouvernements. Il a prévenu que cela sera bien pire si le pourcentage de baisse canadien atteint celui des États-Unis. Selon M. Nantais, la production est en baisse de 60% cette année, ce qui mènerait à une baisse de 1,6 million de voitures si la tendance continue.

M. Mondragon a aussi indiqué que les prêts de 12 milliards de dollars prévus dans le budget fédéral 2009 pour aider le secteur automobile ontarien sont «probablement bien moins que ce qui est nécessaire».

Il a comparé l'industrie automobile à un navire battu par la tempête, dans une mer démontée: «Nous avons besoin d'une ancre à laquelle accrocher notre navire. Et en ce moment, nous n'en avons pas.» a dit M. Mondragon.

Les députés ont surtout mis en question l'efficacité des coûteuses propositions d'aide d'Ottawa et de l'Ontario. À l'opposé, les représentants de l'industrie ont affirmé que les problèmes dépassent largement les difficultés des entreprises; ils ont particulièrement montré du doigt la chute de la confiance des consommateurs et le gel du marché de la location-bail. Ainsi, la part du location-bail dans les transactions sur les nouveaux véhicules est passée de 43% à 19% du marché, pour un total de seulement 390 000 unités.

Le gouvernement a créé un programme de 12 milliards pour soutenir la location-bail, mais c'est trop peu, affirme le président de Ford Canada, puisque ce marché vaut normalement 60 milliards.

«Il est urgent d'accorder cet incitatif au consommateur, afin de stimuler les ventes d'autos, ce qui aidera l'activité économique et la production en usine de tous les constructeurs au Canada», a dit M. Mondragon aux élus. «Un Canadien sur sept compte sur l'industrie automobile pour gagner sa vie, alors je n'ai pas besoin de vous dire la nécessité d'agir pour stimuler notre industrie.»

Ford, contrairement à General Motors et Chrysler, ne demande pas pour le moment l'aide des gouvernements américain et canadien. Cette position n'a pas changé, a dit lundi M. Mondragon.