Malgré sa pompeuse appellation, son poids colossal, sa taille imposante et ses excès en tout genre, la Bentley Continental Flying Spur ne m'a pas impressionné outre mesure. Son ascendance est pourtant très digne, tant il est vrai qu'il s'agit plus ou moins d'une version berline du fastueux coupé Continental, l'une des plus belles automobiles sur terre. Les deux ont malgré tout des origines plus modestes, puisqu'ils héritent de la mécanique et de plusieurs composantes de la Volkswagen Phaeton, boudée par la clientèle et aujourd'hui disparue de notre marché.

Si VW et Bentley sont aussi près, c'est tout simplement que la firme allemande a racheté la marque agonisante qu'était Bentley pour l'ajouter à son portfolio. Du même coup, on a plus ou moins délaissé l'étroit créneau des limousines pour se consacrer à des modèles visant un public plus étendu.

Malgré tout, la BCFS n'est pas donnée, et quand une voiture coûte aussi cher qu'une maison de banlieue confortable, on est en droit de se montrer exigeant, sinon intransigeant envers cette anglaise naturalisée allemande.

UNE FINITION RELÂCHÉE

Au premier coup d'oeil, la Flying Spur n'est pas de celles qui font craquer. Comparativement au coupé Continental qui ne cesse de faire tourner les têtes, la berline arbore des lignes rabougries et, somme toute, assez banales. Heureusement que l'intérieur sauve la mise grâce à un amalgame de bois, de cuir, de chrome, qui dégage une opulence indiscutable.

S'il faut se montrer pointilleux, soulignons que la finition de ma voiture d'essai avait raté l'inspection ; une bande de caoutchouc était décollée sur la porte arrière droite tandis que la garniture de l'agrafe d'un des pare-soleils était mal arrimée. Ce genre de détail dérange dans une simple Volkswagen, alors essayez d'imaginer la déconvenue du propriétaire de cette Bentley qui vient d'aligner un quart de million de dollars pour rouler au sommet. Et ce n'est malheureusement pas tout ce qui n'allait pas dans ce palace roulant. Malgré un kilométrage peu élevé, les symboles sur la clé de contact (lock, unlock, etc.) étaient déjà effacés.

Bref, la Flying Spur a du Volkswagen dans les talons, comme on peut le constater. Si la finition mérite un peu plus de rigueur, la qualité des matériaux est quant à elle somptueuse, comme elle se doit de l'être. La panoplie d'accessoires est spectaculaire, surtout depuis qu'on a eu la bienséance d'y ajouter une caméra de recul. Si vous voulez faire appel à un chauffeur et vous prélasser à l'arrière, vous aurez tout le loisir de le faire en ayant l'assurance d'un maximum d'espace pour la tête et les jambes.

Sans oublier la petite tablette en bois qui ne vous servira sans doute à rien compte tenu de la dégradation de nos routes et de la dureté des pneus qui entraînent des secousses désagréables au passage de trous ou de bosses sur la chaussée.

IMPOSANTE, RIEN DE PLUS

Sur la route, là aussi, on est tantôt aux anges, tantôt désenchanté, selon les circonstances. Les deux palettes sous le volant sont quasiment de la fausse représentation tellement elles ne correspondent nullement aux commandes d'une vraie boîte de vitesses robotisée.

On a plutôt affaire à une vulgaire transmission automatique à six rapports avec un mode Tiptronic. Cette dernière est au service du fameux moteur W12 6 litres de Volkswagen qui est ici gavé par deux turbos haussant sa puissance à 552 chevaux. Un moteur encore plus expressif de 600 chevaux équipe la nouvelle version Speed, accompagné de freins plus puissants, d'une suspension revue et de tout ce qui sied à des voitures aussi extrêmes. Avec quatre roues motrices en permanence, la voiture n'est pas sujette aux queues de poisson ou autres déhanchements propres à un tel déferlement de puissance.

En tout temps, ce moteur plaît à l'oreille et dégage une force remarquable malgré le poids de la masse. Comme la Continental, la BCFS n'a rien d'écolo en raison d'une consommation qui dépasse aisément les 18 litres aux 100. Le comportement routier souffre d'abord d'une direction sans vie, peu communicative et derechef mal isolée des chocs de la route.

L'autre faille de cette Flying Spur tient à un châssis dont la rigidité peut être mise en doute à cause des bruits divers se manifestant sur mauvaise route. Le confort ne s'en trouve pas altéré, mais une voiture de ce rang ne devrait pas prêter le flanc à la critique sur ce plan.

Pour son prix et son standing, la Continental Flying Spur se doit d'être jugée sévèrement en raison même de la case spéciale qu'elle occupe dans le marché automobile. Vue sous cet angle, elle impressionne peu et il faudrait faire preuve d'une condescendance hypocrite pour se pâmer devant une telle réalisation.

Cet essai est tiré du livre L'auto 2009, disponible à La librairie.

Bentley Continental Flying Spur 2009

Couverture du livre L'Auto 2009 des éditions La Presse.