Ces prototypes réalisés en un seul exemplaire et sans la moindre contrainte industrielle avaient pour seul objectif de nous faire rêver. Les temps ont changé. Aujourd'hui, ils collent davantage à la réalité. Alors, à quoi servent-ils au juste? À nous faire rêver toujours, mais encore?

À n'en point douter, les prototypes font les délices des visiteurs de grands-messes automobiles. Peu importe qu'on les élève sur des plateformes ou qu'on les ceinture de barrières métalliques, les prototypes s'imposent en conjuguant au présent le futur des véhicules de série qui les entourent. En fait, chacun à sa manière ouvre une fenêtre sur l'avenir de l'automobile et nous laisse entrevoir le jour où elle deviendra aussi profilée qu'une goutte d'eau, aussi rassurante qu'une poignée de main et aussi verte que prétend l'être le chef du Parti libéral du Canada, Stéphane Dion.

 

Mais aujourd'hui, ils permettent surtout de tester des solutions techniques ou esthétiques, car une étude conceptuelle est à la voiture de série ce que la haute couture est au prêt-à-porter. En somme, un moyen de lancer de nouvelles idées et de provoquer l'émotion chez les automobilistes à l'égard de la marque et de ses produits existants, voire de soulever un pan du voile sur ses futurs produits.Assurément, dans la forme sous laquelle ils nous sont présentés parfois, les prototypes donnent matière à rêver. Toujours spectaculaires, ils se font cependant, au fil des années, plus terre-à-terre.

Cette tendance à concevoir des prototypes plus réalistes suscite des réactions variées chez les observateurs de l'industrie. Certains l'attribuent au fait que plusieurs constructeurs d'automobiles ont compris que, si les prototypes ont la faculté de faire oublier un moment la réalité, ils peuvent aussi la rendre bien terne par comparaison. En effet, le public n'accepte plus toujours de bon coeur qu'un prototype - surtout s'il plaît - n'obtienne pas le feu vert à une production de masse. Il accepte encore moins que ses concepteurs soient allés trop loin et fassent descendre dans la rue un produit qui n'a pratiquement plus rien à voir avec le prototype qui les a tant fait rêver.

D'autres avancent plutôt que les prototypes d'aujourd'hui se veulent beaucoup plus près de la production de masse que le laissent parfois supposer leurs concepteurs. C'est ce qui expliquerait pourquoi l'authentique dream car visionnaire, inédit, expérimental ou tout à la fois, est une espèce en voie de disparition. La très (trop) grande liberté prise par les stylistes impliqués sur ces projets-là - ils n'ont pas trop à se soucier de la faisabilité industrielle, des coûts de production ou de la conformité aux législations - amuse peut-être, mais ne fait plus rêver comme avant. Bien sûr, il y a toujours des exceptions.

Il fallait voir certaines créations japonaises au dernier Tokyo Motor Show pour se rappeler que toutes les études de style présentées dans un salon de l'automobile ne sont pas nécessairement drôles ou intéressantes. Elles sont parfois futiles aussi.

Voilà pourquoi les études conceptuelles visent maintenant à préparer le public à des changements déjà programmés et s'intègrent dans de savantes stratégies de communication. Il y a les «PreView» qui soulèvent le voile, un ou deux ans à l'avance, sur la direction technique ou esthétique d'un constructeur, et il y les «Advanced Design» ou «Advanced Technology» souvent très décalés et qui ne poseront vraisemblablement jamais une roue dans une salle d'exposition. Il y a enfin les « faux concepts », car ce ne sont que de vraies nouveautés dévoilées avec quelques mois d'avance afin de maintenir sous les feux de la rampe un constructeur pauvre en innovations... et d'adresser un discret message à la clientèle pour la convaincre de patienter encore quelques mois.

Une catégorie que vous ne retrouverez naturellement pas dans ces pages.

Vous avez le dernier mot

Fous ou raisonnables, les véhicules concepts ont tous un rôle à jouer. Si certains quittent la moquette des salons pour celle des concessionnaires, d'autres sont condamnés au musée ou, pire, sont destinés au fracas du pilon. Peu importe le sort qui leur est réservé, il arrive fréquemment que les prototypes prêtent aux modèles de série certains de leurs éléments ou annoncent une nouvelle direction. Il arrive même qu'on retienne leur nom.

Chose certaine, les prototypes continuent d'exercer leur fascination, et, entre le rêve et la réalité, il n'y a souvent qu'un pas. Au public de choisir, car l'accueil que celui-ci leur réserve conditionne en grande partie la décision du constructeur de les produire ou non. Donc, la prochaine fois que vous irez dans un salon de l'automobile, ne manquez pas de le leur dire...