La Caliber SRT-4 a le don d'attirer l'oeil. Et pour bien marquer sa différence face à une Caliber «normale», elle revêt de nombreux artifices afin de paraître plus méchante: le gros embout d'échappement suggère la puissance, tout comme les immenses roues de 19 pouces.

À l'intérieur, c'est à peine plus discret. La SRT-4 propose un univers original: baquets sculptés, instrumentation exclusive (compteur gradué à plus de 300 km/h et jauge de suralimentation), appliques au fini titane et pédalier en aluminium. Sa finition demeure cependant conforme aux standards maison, c'est-à-dire inférieure à la moyenne.

Si tout ça ne vous dérange pas trop, vous avez là une proposition tout à fait attrayante à moins de 25 000$, qu'il faudra seulement soustraire aux conducteurs inexpérimentés. Il est bon, à ce propos, de souligner que la gamme SR-T (Street Road and Track) de Chrysler vise à satisfaire le «pilote» qui veut réellement se mesurer à sa machine, et non le frimeur qui compte sur des «béquilles» électroniques pour apprécier en toute quiétude la qualité de la chaîne audio.

Dopé au turbo, le moteur quatre cylindres de 2,4 litres fournit 285 chevaux et 265 livres-pied de couple. Mais il faut considérer le poids du véhicule: 1501 kg. C'est une centaine de kilos de plus que la Mazdaspeed3, qui affiche sensiblement la même puissance. Les performances sont tout de même au rendez-vous, à condition de savoir exploiter la boîte manuelle à six rapports qui l'accompagne et de maîtriser les ruades du train avant (sur lesquelles nous reviendrons).

Bien entendu, le châssis a suivi une évolution parallèle pour faire face à l'augmentation des performances. La géométrie des éléments suspenseurs a complètement été changée, la garde au sol abaissée, le rapport de démultiplication de la direction modifié et le système de freinage musclé. Cette SRT-4 compte également sur un différentiel autobloquant et un correcteur de stabilité électronique dont la gestion a été conçue expressément pour la (très) haute performance. Cependant, seules les roues avant sont motrices. Est-ce bien raisonnable?

La SRT-4 ne plaira donc pas aux clients «modernes», habitués à des sportives faciles à prendre en main et qui révèlent leur plein potentiel dès le premier virage. Vous voilà prévenus deux fois plutôt qu'une.

La scintillante sortie d'échappement gronde au premier tour de clé, avec ce son rauque des mécaniques qui en ont dans le ventre. Mais on n'a rien vu et, surtout, on n'a encore rien entendu tant que l'on n'a pas monté les premiers rapports. Les chronos spectaculaires signés par la SRT-4 ne sont guère compatibles avec un permis limité à 15 points d'inaptitude. Au petit jeu du feu vert, la SRT-4 ne déçoit pas et laisse toutes ses concurrentes derrière dans tous les domaines de comparaison (accélération et reprises).

À priori, la mécanique n'est pas mélodieuse (les sorties d'échappement le sont), mais son ardeur force le respect, et sa boîte de vitesses réveille bien des muscles. La commande de boîte est relativement précise, mais ne se plie pas toujours de bonne grâce aux passages rapides. De plus, l'embrayage n'est pas toujours facile à moduler.

Mais la SRT-4 n'a rien à voir avec les muscle cars des années 70, surtout avec sa traction avant. Elle tente de gérer ses problèmes d'adhérence à l'aide notamment de larges pneumatiques, mais ceux-ci sont en général catastrophiques sur une traction, sauf si la mise au point a été particulièrement soignée. Au vu du résultat, on peut dire que les ingénieurs du groupe SR-T n'ont pas fait les choses à moitié. D'accord, ils ne sont pas parvenus à limiter tous les effets de couple dans le volant, et cela ne dispense jamais le conducteur de doser l'accélération pour retrouver la motricité.

 

Mais, avec 285 chevaux, c'est la moindre des précautions. Il ne faudra pas se formaliser, du moins sur une chaussée mouillée, de l'effet de cisaillement du volant à l'accélération, rageuse et à peine mieux contenue que celle de la défunte 9-3 Viggen. DaimlerChrysler a partiellement limité les dégâts en adoptant un différentiel autobloquant précis et subtil, mais il est toujours plus sûr de garder ses deux mains sur le volant.

La direction très intuitive et directe obéit prestement. On lui reprochera cependant de braquer trop peu, rendant les manoeuvres de stationnement plutôt pénibles, et de préférer aussi suivre le profil de la route plutôt que la trajectoire commandée au volant. Ne jouant sur aucun compromis, la SRT-4 est du genre à «casser» les dos fragiles et à réagir très sèchement à la moindre irrégularité. Ressorts et amortisseurs adoptent des valeurs très fermes. Les réglages de trains sont beaucoup plus agressifs. La suspension arrière suit toujours et ne consent à dériver que dans les transferts de masse les plus brutaux. La SRT-4 fait très bien les choses, mais on pense aussi à ce qu'aurait donné une quatre roues motrices... Quant au freinage, assuré pour l'essentiel par de gros disques avec étriers à quatre pistons à l'avant, il ne laisse aucune place à l'incertitude.

Visuellement spectaculaire, cette SRT-4 est difficile à conduire et exige de son conducteur (ou de sa conductrice) une vigilance de tous les instants. Et c'est épuisant à la fin. Il existe sur le marché des véhicules plus équilibrés, plus homogènes et, il est vrai, un peu plus chers. Sûre, à défaut d'être totalement rassurante et amusante, cette Caliber n'est ni une grande sportive ni un rendez-vous avec le plaisir de conduire. Toutefois, compte tenu du prix demandé, peu de voitures incitent au genre de défoulement qu'elle procure; mais avez-vous envie d'enfiler votre casque et vos gants de conduite tous les jours et de vous aligner sur un «grille de départ» fictive pour vous élancer dès que le feu passe au vert? Pensez-y..