Cette politique protectionniste a pour résultat que l'on compte maintenant sur les cinq doigts de la main les constructeurs automobiles qui acceptent encore de vendre à des Canadiens, au grand dam des concessionnaires américains, pour qui un client est un client, peut importe d'où il vient.

Cette politique protectionniste a pour résultat que l'on compte maintenant sur les cinq doigts de la main les constructeurs automobiles qui acceptent encore de vendre à des Canadiens, au grand dam des concessionnaires américains, pour qui un client est un client, peut importe d'où il vient.

À mot couvert, les fabricants disent qu'ils agissent ainsi afin de protéger le marché canadien de l'automobile, qu'ils qualifient de différent de celui de nos voisins du Sud. Ils ajoutent que les équipements de base et les groupes d'options sont diffèrents des deux côtés de la frontière pour un même modèle et que par conséquent, on ne peut pas vraiment comparer un modèle vendu au Canada à un modèle équivalent vendu aux États-Unis, mais dont les groupes d'options sont différents.

À titre d'exemple, le multisegment Edge fabriqué au Canada à l'usine de Ford à Oakville, en Ontario, se vend près de 5000$ de moins aux États-Unis. Toutefois, le modèle destiné au marché américain est différent de celui qui est construit dans la même usine, mais destiné au marché canadien.

Comme les groupes d'options diffèrent d'un véhicule à l'autre, qu'il s'agisse d'un modèle SE ou SEL, deux roues motrices ou à traction intégrale, le prix de détail suggéré par le fabricant (PDSF) varie lui aussi. Il devient donc impossible de comparer des pommes avec des pommes. Néanmoins, si on compare l'équipement de série sur un modèle donné et les groupes d'options offerts d'un côté comme de l'autre de la frontière, il est possible, en faisant certains compromis, d'économiser plusieurs milliers de dollars en achetant aux États-Unis.

Les exceptions: Ford et Subaru

Présentement, seuls Ford et Subaru, ainsi que quelques marques de prestige, acceptent encore de vendre à des non résidents américains. Chez Ford, la garantie d'un véhicule acheté aux États-Unis est applicable au Canada sans aucune restriction, tandis que chez Subaru, le consommateur qui fait réparer son véhicule sous garantie ici doit défrayer le coût de la réparation et faire parvenir la facture à Subaru USA pour remboursement.

Depuis la parution au début du mois, dans le cahier L'Auto, de plusieurs articles traitant de l'achat d'un véhicule outre-frontière, plusieurs concessionnaires américains de Plattsburgh, de St-Albans et de Burlington ont été littéralement pris d'assaut par des Québécois, désireux de se procurer un véhicule à meilleur compte.

Brian J. McBride, directeur général de Bill McBride Inc, concessionnaire Subaru et Chevrolet à Plattsburgh, a indiqué que les demandes d'information de la part de Québécois pour des véhicules de marque Subaru avaient doublé et qu'il vendait de plus en plus de véhicules à des clients québécois.

«Samedi, le 20 octobre dernier, j'ai vendu cinq Subaru, dont quatre à des Québécois. Pour un commerce de la taille du mien, c'est excellent et j'apprécie beaucoup la clientèle du Québec. Nous avons même un client québécois qui revient aujourd'hui avec un membre de sa famille pour prendre livraison d'une deuxième Subaru», explique M. McBride.

Le concessionnaire américain a installé une caméra web sur son site Internet afin de permettre à ses clients canadiens de voir à qui ils parlent au téléphone, un peu comme s'ils étaient sur place, puisque les négociations pour l'achat d'un nouveau véhicule se font fréquemment par téléphone et par Internet. «Je tente de joindre le mieux possible mes clients et de me rapprocher d'eux, surtout lorsqu'ils sont loin», ajoute M. McBride.

Le concessionnaire aimerait bien pouvoir vendre des produits Chevrolet à ses clients canadiens, mais General Motors l'interdit. D'ailleurs, un concessionnaire Hummer du Connecticut se serait vu imposer une amende de quelque 300 000$ par GM pour avoir vendu des véhicules à des Canadiens.

Les clients sont mécontents

Mais les consommateurs canadiens ne semblent pas vouloir s'en laisser imposer par les constructeurs qui désirent protéger leur marché au Canada. Un recours collectif a été entrepris contre les fabricants et leurs concessionnaires au Canada et une plainte a été logée par un couple de Terre-Neuve à la Commission des droits de l'homme du Maine.

Au Canada, un recours collectif de 2 milliards$ a été inscrit devant la Cour supérieure de l'Ontario par l'étude légale Juroviesky &Ricci de Toronto, au nom de quatre consommateurs qui prétendent avoir été lésés par quatre fabricants automobiles et leurs concessionnaires. Il s'agit de Chrysler, General Motors, Nissan et Honda. Le recours vise tant les divisions canadiennes qu'américaines de ces fabricants. Les poursuivants prétendent que les constructeurs tentent, par leurs actions, de contrôler et limiter les achats outre-frontière en ne respectant pas les garanties, en interdisant à leurs concessionnaires de vendre à des Canadiens et en pénalisant les concessionnaires qui enfreignent les directives du fabricant.

Par ailleurs, un couple de Canadiens qui s'est vu refuser à plusieurs reprises le droit d'acheter une voiture auprès de concessionnaires américains a déposé une plainte devant la commission des droits de l'homme du Maine.

Le couple soutient que plus de 80 concessionnaires de la Nouvelle-Angleterre, dont 61 au Maine, ont refusé de leur vendre une voiture neuve.

Ils allèguent dans leur requête que General Motors, Ford, Chrysler, Jeep et Dodge cherchent à accroître leurs profits en refusant de laisser aux Canadiens la possibilité d'acheter des voitures neuves aux États-Unis. Ils soutiennent que les constructeurs font de la discrimination fondée sur le pays d'origine. L'avocat du couple qui a déposé la plainte n'écarte pas la possibilité d'inscrire un recours collectif contre les fabricants.