Le président de l’Association des écoles de conduite du Québec est de ceux qui portent un regard très critique sur les aptitudes des conducteurs de longue date. Mais André Lamarche est aussi de ceux qui se préoccupent avant tout de l’enseignement de la conduite. Pour lui, les personnes âgées ne sont pas la clientèle cible. «Il y a beaucoup plus de travail à faire avec les 16-17 ans, les débutants», dit-il.

Priorité aux jeunes

Le président de l’Association des écoles de conduite du Québec est de ceux qui portent un regard très critique sur les aptitudes des conducteurs de longue date. Mais André Lamarche est aussi de ceux qui se préoccupent avant tout de l’enseignement de la conduite. Pour lui, les personnes âgées ne sont pas la clientèle cible. «Il y a beaucoup plus de travail à faire avec les 16-17 ans, les débutants», dit-il.

Il rappelle que depuis la déréglementation de 1997, toute personne désireuse de passer son permis n’est plus tenue de suivre des cours de conduite. «Les cours ne sont pas obligatoires pour un débutant. Est-ce qu’un parent peut enseigner quelque chose qu’il ne sait pas? Seulement 40 à 50% des gens prennent aujourd’hui un cours de conduite. L’augmentation des accidents chez les jeunes est fulgurante.»

«Des études ont montré qu’on ne fait pas des conducteurs plus prudents en leur faisant prendre des cours de conduite», estime pour sa part Michel Willett, conseiller en sécurité routière à la SAAQ.

La maîtrise de la conduite touche tout le monde. L’approche manifestée à cet égard laisse perplexe. «Les gens suivent des cours pour réussir un examen et non pour apprendre à conduire», laisse tomber André Lamarche.

La SAAQ et CAA-Québec encouragent régulièrement les personnes âgées à s’adresser à des écoles de conduite pour une remise à niveau pratique. «Mais dès qu’il y a de l’argent à débourser, ça freine les ardeurs», dit Yvon Lapointe. André Lamarche n’a pour sa part quasiment jamais vu quelqu’un se présenter à son école de conduite pour cela: «Les gens ne se présentent jamais d’eux-mêmes. J’ai eu seulement une dame l’an dernier. Et encore, ses enfants l’avaient obligée à venir me voir», témoigne-t-il.

La conduite n’est pas un acte banal: elle requiert de la concentration, une certaine vitesse d’exécution et la maîtrise de la signalisation. Il appartient à chacun d’apprécier ses propres limites et d’en tenir compte. Ces principes concernent tout conducteur, mais méritent que l’on s’y attarde plus attentivement après un très grand nombre d’années derrière le volant.

Plus âgés, donc plus à risque?

Selon les chiffres de la SAAQ, les conducteurs les plus âgés ne sont pas ceux qui sont le plus mêlés à des accidents de la route.

En 2004, 4,8 % des conducteurs mêlés à des accidents avec dommages corporels étaient âgés de 65 à 74 ans. Les 75 ans et plus représentaient 2,7 % de ces conducteurs. Cinq ans plus tôt, les proportions recensées étaient respectivement de l’ordre de 5 % et 2,5 %.

Toujours en 2004, les conducteurs âgés de 65 à 74 ans étaient mêlés à 9 % des accidents mortels. Les 75 ans et plus étaient concernés dans une proportion de 6,8 %. La tendance est à la baisse puisqu’en 1999, les 65-74 ans étaient mêlés à 9,3 % des accidents mortels et les 75 ans et plus à 9 %.

Concernant les accidents avec blessés légers, les 65-74 ans étaient mêlés à 8 % d’entre eux, en 2004 comme en 1999. Les 75 ans et plus l’étaient à 4,5 % d’entre eux il y a deux ans et à 4 % de ces accidents en 1999.

Source: Bilan 2004 de la SAAQ

*Ces chiffres ne sont pas reconnus par l’Association des écoles de conduite du Québec.

Ces séances, qui ne comportent aucun exercice pratique au volant, sont-elles pour autant efficaces? «Je ne dis pas que cela fait des miracles, mais j’y crois», répond M. Willett.

«Il faut essayer de faire saisir à ces personnes le risque que représentent les habitudes qu’elles ont acquises. Il faut leur apprendre à aborder les choses différemment. Et il faut que le formateur soit préparé à aborder cette clientèle», pense M. Lapointe.

Quant à M. Lamarche, il dit tout ignorer de ces conférences.

Démarche de sensibilisation

Après un premier essai à l’automne 2004, CAA-Québec a renouvelé l’automne dernier l’expérience de tenir des séances d’information auprès des conducteurs de longue date. «Les gens expriment leurs difficultés et on voit comment compenser celles-ci, explique M. Lapointe. C’est aussi fait pour les amener à réfléchir aux décisions qu’ils ont à prendre au volant et pour leur faciliter la tâche. On aborde les mauvaises habitudes de conduite et le comportement des piétons, cyclistes et automobilistes.»

Ce genre d’intervention est encore trop sporadique pour rejoindre un large public. À ce jour, à peine 500 personnes au Québec ont bénéficié de ce service. S’il n’y a pas une réelle volonté de la part des personnes concernées, l’opération ne se tient pas. C’est pourquoi la collaboration des Tables de concertation régionales des aînés est essentielle pour les trois personnes de CAA-Québec qui sillonnent la province.

La SAAQ a participé pendant sept ans, jusqu’à il y a peu, à une tournée provinciale sur la sécurité routière et les personnes âgées. Une tournée dont le contenu s’apparente aux séances de CAA-Québec. Selon Michel Willett, 15 000 personnes de 50 ans et plus sont rencontrées chaque année.

«Il n’est jamais trop tard, rétorque Michel Willett, conseiller en sécurité routière à la SAAQ. La mauvaise conduite n’est pas une question d’âge. À la SAAQ, on essaie de trouver des outils pour que les cas à problèmes ne soient plus derrière le volant. Et on sait qu’il n’est pas besoin d’être une personne âgée pour être de ceux-là. Les personnes âgées font peu d’accidents. Elles sont conscientes de certaines de leurs limites.»

Un avis que ne partage pas Yvon Lapointe. Le directeur du service de la sécurité routière chez CAA-Québec fait plutôt le même constat qu’André Lamarche, de la SAAQ. «Les gens âgés ont des comportements parfois à risque. Des fois, ils ne sont pas très ouverts à admettre qu’ils ont des difficultés.»

«C’est une clientèle qui nous préoccupe beaucoup et on connaît leurs difficultés en ce qui a trait à la perte des capacités physiques et cognitives, poursuit M. Lapointe. Ces personnes s’habituent à leurs difficultés et n’ont pas conscience du danger. Les manœuvres deviennent alors complexes.»

Les mauvaises habitudes de conduite et les comportements dangereux sur la route sont-ils exclusifs aux conducteurs de longue date? Sans montrer du doigt uniquement ceux-ci, certains font un constat sévère de leur maîtrise de la conduite. D’autres, plus pragmatiques, encouragent les remises à niveau… avec plus ou moins de succès.

Chaque année, à la demande de la SAAQ, environ 75 000 personnes doivent se soumettre à un examen médical afin d’évaluer leurs aptitudes de conduite. À l’issue d’un processus d’évaluation plus ou moins long, 54% d’entre elles en moyenne voient leur permis de conduire maintenu à certaines conditions et 1% écopent d’une suspension de permis. La première convocation à un examen médical et optométrique est envoyée à l’âge de 75 ans. La deuxième, pour un examen médical seulement, à 80 ans, puis tous les deux ans.

Bien des personnes âgées représentent un danger sur la route, un problème connu et reconnu. Celles-ci sont insuffisamment, ou pas du tout, sensibilisées quant à leurs capacités et leurs limites. Un état de fait auquel il n’y a pas de réelles solutions. Tel est le regard critique que pose André Lamarche. Le président de l’Association des écoles de conduite du Québec juge que «les jeunes et les personnes âgées représentent des risques aussi élevés d’accident mortel». «Les gens ne se voient pas, ils ne voient pas le problème, poursuit-il. C’est très difficile de changer les habitudes de gens qui conduisent depuis 50 ans. Pour les plus âgés, c’est difficile, car il est trop tard.»