La Citroën C-Métisse vous fait rêver d'un éventuel retour de la marque française au pays? Oubliez ça. La marque aux chevrons, tout comme Peugeot et Renault, n'entendent pas nous revisiter.

La Citroën C-Métisse vous fait rêver d'un éventuel retour de la marque française au pays? Oubliez ça. La marque aux chevrons, tout comme Peugeot et Renault, n'entendent pas nous revisiter.

Michel Dubois, commis aux pièces de la concession Citroën Saint-Lazare, dans le 8e arrondissement, a peine à le croire. «Comment, vous n'avez pas de Citroën au Canada? Mais vous en avez déjà eu, non?» Bien sûr, mais il y a longtemps. Très longtemps. Trop longtemps. Depuis la DS et la SM (un coupé sport à moteur Maserati dont Robert Charlebois était, dit-on, l'heureux propriétaire), plus rien. Il en reste bien quelques-unes. Que des vieilles. On raconte que le populaire animateur Jacques Proulx (le frère de l'autre) a déjà été aperçu au volant d'une CX dans la métropole. On rapporte aussi que non loin de Delson se trouve un cimetière remplie de DS. Et je peux vous assurer que ma boulangère roule toujours au volant de sa 2 CV qu'elle a amené dans ses bagages au Canada.

Bien entendu, à l'occasion du Mondial de l'automobile de Paris, la sempiternelle question revient : Renault, Peugeot et Citroën rêvent-elles toujours de l'Amérique? Sans détour, la réponse est non. Pour bien comprendre pourquoi, un retour en arrière s'impose.

Culture américaine quand tu nous tiens

Chevrolet, Ford, Cadillac, Lincoln et peut-être trois ou quatre autres noms. Voilà à quoi se limitait le vocabulaire automobile nord-américain jusqu'à la fin des années 70. Dans certaines universités, on osait l'exotisme avec Volkswagen (pour les étudiants) et Volvo (pour les profs), pendant que les stars se pavanaient en Mercedes ou en Jaguar. Partout ailleurs, sur notre continent, nous trouvions le bonheur (du moins le pensait-on) en choisissant entre une marque américaine et... une autre marque américaine.

La première crise du pétrole et la déferlante japonaise allaient bouleverser la donne. Toyota, Honda et Datsun proposant des autos de qualité supérieure à la norme américaine. Une perception encore bien vivante, 30 ans plus tard. Aujourd'hui, pratiquement tous les constructeurs japonais produisent sur les terres d'Amérique et font partie du paysage automobile local. Ils font ainsi mentir ceux qui réclamaient, et réclament toujours, des mesures protectionnistes accrues pour préserver ce qu'il reste (des emplois surtout) des Trois Grands (GM, Ford et, dans une moindre mesure, DaimlerChrysler, déjà bien germanisé). Peine perdue. Même les Sud-Coréens plantent des usines.

Qu'ils soient généralistes ou spécialistes, tous ces constructeurs souhaitent une part du marché nord-américain, le plus important de la planète, avec près de 17 millions d'immatriculations annuelles. Tous, y compris les constructeurs français. C'est ce que colporte depuis toujours la rumeur. Mais au dernier Mondial de l'automobile, les dirigeants de ces entreprises françaises avaient visiblement d'autres préoccupations que l'Amérique du Nord.

Les pays émergents ciblés

Jean-Marie Folz, numéro un du groupe PSA (Peugeot-Citroën), veillait à mettre un peu d'ordre dans la maison avant son départ à la retraite, le printemps prochain. Donc, pas question d'évoquer un éventuel retour de la marque au Lion sur nos terres. À son successeur de s'en charger. Et quelle motivation trouvera-t-il? Aucune. La 504 mise à part, le constructeur français n'a jamais remporté de véritables succès au Canada comme aux États-Unis. La 604, la 505, puis finalement la 406 se sont plutôt cassé les dents. Même si, à une certaine époque, Chrysler en assurait la distribution.

L'ennui, c'est que, hormis les Québécois, à peu près personne n'a jamais su que la France construisait des voitures. Les Renault 5, 8, 10, 16, 17 (ma préférée) pour ne nommer que celles-là, avaient huit fois sur 10 une plaque d'immatriculation de la Belle Province. Pourtant, à ses débuts, tout avait l'air d'aller pour Renault. La Dauphine, rappelez-vous, remporta un joli succès d'estime et Renault avait des bureaux à Saint-Bruno, Winnipeg, Boston, Los Angeles et San Francisco. Hélas, le réseau de distribution était épars et la rouille effritait la carrosserie des Dauphine comme une fourchette dans un mille-feuille. Sans pour autant abandonner, l'ancienne Régie s'est vue dans l'obligation de revoir ses ambitions à la baisse pour mieux se remettre à rêver, 20 ans plus tard, en rachetant un constructeur aujourd'hui disparu, American Motors. Cette marque, à qui l'on doit les Gremlin, Pacer, Matador et autres spécimens un peu bizarres, ne détenait pas plus que Renault la combinaison pour s'imposer sur le marché nord-américain. Comme quoi l'alliance entre deux perdants ne donne pas forcément naissance à un gagnant.

Aujourd'hui, il est clair que Carlos Ghosn, ne veut rien entendre d'un retour éventuel des créations frappées d'un losange en Amérique du Nord. Et ce, même si l'Alliance avec Nissan lui donnerait la possibilité de compter sur un réseau de distribution solidement implanté. Pour lui, les Renault reviendront en Amérique du Nord, mais en pièces détachées... On en a déjà la preuve. La boîte manuelle à six rapports qui équipe la Versa porte l'estampille du constructeur français.

Une bien triste réalité pour nous qui avons tant apprécié les produits de ces marques françaises, mais elles n'ont jamais été en mesure de poser des jalons durables de ce côté-ci de l'Atlantique. La page est tournée. L'objectif tant chez PSA que chez Renault est d'éviter les erreurs du passé et de conquérir les pays émergents comme la Chine, l'Inde et la Russie qui, à moyen et long terme, deviendront les plus importants marchés de la planète. Pour l'Amérique du Nord, ce sera une autre fois. Peut-être.

Pour joindre notre chroniqueur: eric.lefrançois@lapresse.ca