Pour ne rien vous cacher, j'avais choisi de m'attaquer dans cette chronique au dispositif de stabilité électronique (DSE). De dénoncer la dictature de ce garde-fou électronique qui prétend agir à notre place pour remettre la voiture sur la bonne trajectoire quand, à cause d'un revêtement trop glissant ou d'un virage abordé trop vite, elle tend à déraper du nez ou du derrière. Je voulais également m'insurger contre le fait que cette fée électronique parvient à suppléer, dans une certaine mesure, l'inexpérience, la maladresse ou le manque d'attention.

Pour ne rien vous cacher, j'avais choisi de m'attaquer dans cette chronique au dispositif de stabilité électronique (DSE). De dénoncer la dictature de ce garde-fou électronique qui prétend agir à notre place pour remettre la voiture sur la bonne trajectoire quand, à cause d'un revêtement trop glissant ou d'un virage abordé trop vite, elle tend à déraper du nez ou du derrière. Je voulais également m'insurger contre le fait que cette fée électronique parvient à suppléer, dans une certaine mesure, l'inexpérience, la maladresse ou le manque d'attention.

Présentée comme la panacée en matière de sécurité, cette aide à la conduite se généralise et n'est plus l'apanage exclusif des Mercedes, BMW, Jaguar et autres marques de prestige. Pour preuve, une Focus peut en être équipée.

À mes yeux, c'est une béquille électronique, un artifice qui sert à masquer surtout le comportement parfois intempestif de certaines propulsions (roues arrière motrices), dont la puissance provoque des survirages que bien peu d'entre nous savent maîtriser. Idem pour les utilitaires qui profitent des bienfaits de ce système pour nous faire croire que les lois de la physique peuvent être transgressées, que la répartition des masses ou le centre de gravité n'a aucune importance. Dans une certaine mesure, c'est vrai que le DSE procure une sécurité appréciable - mais souvent fausse. Le comportement des véhicules s'en trouve aseptisé; plus question de jouer à contrôler un dérapage qui, à moins de vouloir sciemment faire grimper votre taux d'adrénaline ou épater votre passager, reflète généralement une piètre technique de conduite.

Pas une assurance tous risques

Je voulais donc vous mettre en garde contre ce dispositif qui, contrairement aux idées reçues, n'est pas une assurance tous risques. Nombre d'entre nous comptons à ce point sur cette nouvelle technologie que nous en oublions les lois élémentaires de la physique. D'ailleurs, les experts de la conduite automobile vous répéteront que ce dispositif ne justifie en aucun cas un relâchement de notre vigilance au volant. Très efficace lors d'une manoeuvre d'évitement, le contrôle de stabilisation électronique ne peut rien contre les lois de la nature. Il permet tout au plus de conserver une stabilité satisfaisante à l'approche des limites d'adhérence. Limites qui dépendent de la définition du châssis et de ses réglages. En fait, tout comme l'ABS, le dispositif à rouage intégral (quatre roues motrices), les ESP (Electronic Stability Program) qui équipent nos véhicules ne naissent pas tous égaux.

J'aurais également voulu dénoncer l'impossibilité sur certains véhicules de le désactiver. Ou encore accuser certains de ces dispositifs de réagir trop promptement, de manière trop agressive. J'aurais souhaité aussi partager ma crainte qu'un jour les ingénieurs en arrivent à dessiner le châssis des autos en fonction de l'électronique. Seront-ils tentés de créer un châssis à bon marché, quitte à le contrôler de façon électronique? Bref, je voulais monter aux barricades pour m'insurger contre la méthode infantilisante des constructeurs qui, bon an mal an, proposent des dispositifs de plus en plus sophistiqués destinés à pallier nos faiblesses et même, à la limite, à endormir la méfiance légitime qui doit habiter tout automobiliste. Comment peut-on apprendre de ses erreurs lorsque l'électronique embarquée dans nos véhicules est programmée pour les camoufler?

Je pensais tout cela jusqu'au jour où j'ai eu l'occasion de conduire dans la même journée deux Renault: une 17 Gordini de 1976 (que je souhaitais ramener au Canada lors de mon passage au Mondial) et une Mégane de l'année. D'un côté, un engin un peu rustre (avant-gardiste toutefois pour son époque, avec l'injection d'essence) dépourvu de toute aide à la conduite. Pas de direction assistée, freinage dur, tenue de cap aléatoire, boîte de vitesses aux enclenchements imprécis. De l'autre, un vaisseau spatial doté de perfectionnements électroniques dont vous ne soupçonnez même pas l'existence, virant toujours à plat dans un confort absolu grâce à sa suspension pilotée électroniquement, freinant sans temps de réaction ni remontées parasites dans la pédale, corrigeant le plus minime écart de trajectoire. Un pur délice.

Avec la première, j'ai pris un plaisir fou à sentir vivre la mécanique, prévoir les incorrections de comportement, ménager à coups de doubles débrayages des pignons bruyants et fragiles. Avec la seconde, je me suis surpris à enchaîner les virages à une cadence démoniaque, faisant confiance à toute cette électronique du futur qui, je dois l'admettre, conduit autrement mieux que moi.

Avec la 17 Gordini, j'ai vécu la route à 80 km/h, prenant le temps d'admirer les paysages et de caresser les pétales (nom donné aux baquets de cette voiture) défraîchis des sièges. Au volant de la Mégane, j'attaquais les courbes les plus serrées comme un Alonso, survolant le bitume des autoroutes, fasciné par tant de facilité et d'efficacité.

Si c'est cela que nous promettent les miracles de l'électronique, une fois passé le temps de la mise au point nécessaire à tout progrès, alors vive les ESP, ABS, AFU et autres assistantes divines au nom barbare. Et à bas les vieux nostalgiques comme moi, qui prétendent faire corps avec la route et dompter les imperfections de leur voiture. Mais l'homme est un paradoxe ambulant: si vous aviez les moyens de vous offrir une antique Renault 17 Gordini, je parie (et ne me faites pas mentir s'il vous plaît) que vous n'hésiteriez pas une seconde. Juste pour le plaisir!

Pour joindre notre chroniqueur: eric.lefrançois@lapresse.ca