Dans notre prochaine chronique: la Renault Alpine, la Porsche française.

Un plaisir renouvelé

Démontage, décapage, dépeçage des tôles pourries, soudage, apprêtage, ponçage, ajustage, peinture, remontage, le tout assorti de patience, de courage et, à l’occasion de quelque «sacrage», bref, le cabriolet Chrysler Newport 1968, drapé dans sa robe vert givré, a retrouvé il y a quelques mois sa splendeur d’antan.

Cinq ans et quelque 1500 heures de travail «largement récompensées par le plaisir renouvelé chaque fois que je prends le volant de cette voiture. Et de voir le sourire des gens que je croise dans la rue me réjouit encore plus. Et si je recommence un jour cette expérience, je veillerai à trouver un atelier spacieux, bien équipé, où il fait au minimum 10°C en hiver».

Si vous passez devant le 1525, rue Notre-Dame, et que vous voyez une Newport verte garée dans la rue, ce sera sûrement elle. Allez voir Pierre Heneman. C’est lui qui bricole les maquettes au 1/18e et d’autres grandeur nature.

Le supplice de la goutte

C’est alors que commence une restauration en règle qui dure cinq ans dans des conditions pas tout à fait idéales: «Mes restaurations précédentes s’étaient déroulées dans d’excellentes conditions. Habitant maintenant le Plateau, à Montréal, je n’ai trouvé qu’un petit local, cher à louer et à chauffer, en état très moyen et très mal isolé. Froid et humidité ont été mes compagnons pendant cette aventure. Imaginez une fuite d’eau au milieu du plafond et tombant sur la voiture fraîchement repeinte! C’est arrivé deux fois et ce fut dur à supporter.»

Malgré le froid et le «supplice» de la goutte d’eau, les travaux avancent. «Le moteur ne tournait pas rond; le châssis avait déjà été ressoudé en plusieurs endroits; le pont arrière avait un jeu latéral inquiétant; les multiples couches de peinture couvraient tant bien que mal l’ignoble «body filler»; les portes fermaient difficilement; les sièges étaient déchirés, affaissés et lessivés; les freins à tambour ressemblaient plutôt à des ralentisseurs, tandis que la direction présentait un jeu d’au moins un quart de tour. Enfin, le circuit électrique sentait encore le feu qui s’était déclaré dans le tableau de bord sur la route 66. Mais heureusement, j’avais le tas de pièces arrachées à la carrosserie envoyée à la ferraille. J’ai gardé les portes et le capot, le moteur qui tournait comme une horloge, le pont arrière et la transmission, les freins à disque avant, tout l’intérieur et une foule de pièces chromées ainsi que le précieux circuit électrique. D’ailleurs, cette deuxième voiture fut en quelque sorte un cadeau du ciel, car j’avais commencé à chercher, par exemple, une banquette avant qui m’aurait coûté 1000 US plus 800  pour le transport depuis l’Arizona.

«Pour en finir avec ce chapitre, laissez-moi vous raconter une anecdote concernant l’aile avant gauche. Celle qui était sur la voiture était plâtrée parce que complètement pliée à la suite d’un bel accrochage mal réparé. Par chance, j’en ai trouvé une autre par pur hasard sur Internet, chez un monsieur de Québec qui avait placé une petite annonce pour justement vendre une aile avant gauche de Newport 1968. C’était le jour de mes 40 ans! Amusante coïncidence, n’est-ce pas? Et cinq fois moins cher que celle qu’on me proposait dans une cour de recyclage.»

Vous verrez Pierre Heneman derrière le comptoir chez Bibliauto, le haut lieu du livre et de la maquette automobile de la rue Notre-Dame, à Montréal. Pendant ses heures creuses, il bricole des maquettes qu’il modifie pour leur donner une allure usée ou «custom». Il peut même vous construire une maquette sur commande pour reproduire fidèlement votre joujou d’adolescent.

Nous le connaissons depuis quelques années, ce passionné d’automobile à l’accent français. Il a vécu 10 ans au Québec, de 4 à 14 ans. L’enfant d’alors est tombé éperdument amoureux des belles américaines des années 60. En 1996, après un long séjour en Europe, il nous est revenu «et c’est là que j’ai vu cette Chrysler Newport 1968 décapotable de couleur blanche, au fond d’une ruelle, dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal. Et comme je devenais difficile à calmer lors du passage d’une voiture américaine des années 60, j’ai craqué quand j’ai vu la Newport. Malgré son état assez défraîchi, je l’ai achetée, avec comme principal argument que ce serait la voiture parfaite pour la route 66, que je projetais de parcourir dans les mois suivants.

«Après un voyage de 14 000 km en Amérique du Nord et quelques années sur les routes du Québec, je commençais à m’attacher sérieusement à ce tas de tôle. Comble de chance, au moment où je pensais sérieusement à l’imaginer dans un état proche du neuf, j’en ai trouvé une autre, complète, mais dont la carrosserie était bonne pour la casse. J’en ai conservé les pièces utiles qui m’ont permis de donner à ma Newport une cure de jouvence.»