L’affirmation est choquante, mais l’automobile redevient petit à petit un produit de luxe. Il y a 10 ans, une berline Civic (DX) s’affichait à 15 690 $. Aujourd’hui, il faut davantage creuser ses poches pour trouver 11 100 $ de plus pour acquérir ce même modèle (LX-B) d’entrée de gamme.

Et nous ne parlons pas encore des frais inhérents (transport, préparation, taxes) ni de son financement. À ce stade-ci, vous n’avez là qu’une Civic qui ne roule pas. Pour la mouvoir, il faut l’entretenir, l’assurer, l’immatriculer, la chausser et l’abreuver. Voilà pour augmenter un peu plus la facture de l’automobiliste. La réparer ? Ça viendra. Le sujet sera d’actualité, mais seulement une fois la garantie du constructeur terminée.

Selon une étude publiée l’été dernier par AutoTrader, le prix moyen d’un véhicule neuf au Canada était, toutes catégories confondues, de 66 288 $. Conséquence, les consommateurs se reportent massivement sur les véhicules de « seconde main » et de préférence sur des modèles plus très jeunes.

Paradoxalement, les véhicules de luxe semblent échapper à cette crise.

L’année dernière, les ventes des plus coûteuses sportives, des berlines et des utilitaires les mieux habillés ont toutes connu de spectaculaires hausses. Signe d’un creusement des inégalités ?

Depuis la pandémie, la somme des montants liés à la possession d’un véhicule neuf — et d’occasion également — a pris de l’altitude. À un point tel que beaucoup de ménages réclament plus que jamais un retour à un « mode de transport » basique. Ford, par exemple, a récemment promis de répondre à cette demande. La marque à l’ovale bleu n’écarte pas l’idée de produire des véhicules financièrement plus accessibles. Ford reconnaît toutefois que cela ne se matérialisera pas à court terme, contrairement à Tesla, par exemple. La firme d’Elon Musk compte produire un modèle d’entrée de gamme susceptible de concurrencer l’offre des constructeurs automobiles chinois avant que ceux-ci ne débarquent sur le marché nord-américain.

Classe économie

Jusqu’ici, les constructeurs ont fait la sourde oreille à cette revendication. En Amérique du Nord, à tout le moins. L’industrie préfère montrer du doigt ces gouvernements qui ne cessent de durcir les règles ou imposent une électrification complète du parc automobile sans en évaluer les conséquences ni les dangers.

Ce que les constructeurs ne disent pas, c’est qu’ils se sont concentrés sur les modèles à forte rentabilité et ont complètement abandonné le segment des sous-compactes et des autres véhicules à caractère économique. Sous quels prétextes ? Ces véhicules ne rapportent (presque) rien, mais surtout le client exige désormais plus de confort et plus de sécurité. La responsabilité des constructeurs n’est plus de motoriser l’ensemble de la planète, mais de satisfaire leurs actionnaires. D’ailleurs, au cours de la pandémie, la pénurie de matières premières et de semi-conducteurs a fait comprendre à l’industrie que de produire moins lui permettait de vendre plus cher.