Le polyvalent auteur et comédien Maxime Brillon dénonce l’appât du gain des promoteurs de billets de spectacle dans sa pièce Tony vend des billets.

Parfois, la fiction peut tenir lieu d’horizon pour contempler le vertige de l’humanité. Deux ans avant la pandémie, à l’époque où il travaillait dans des billetteries, Maxime Brillon a écrit Nous allons cirer nos canons numériques dans un sweatshop portugais. Une dystopie dans laquelle un groupe d’adolescents appréhende l’effondrement de l’ère technologique. Quatre ans plus tard, le diplômé de la cohorte 2016 de l’Option-Théâtre du collège Lionel-Groulx revient sur son expérience derrière le comptoir de vente pour son texte Tony vend des billets.

Sous-titrée « Une comédie pour guichetier·ère·s et leurs imprimantes chantantes », cette courte pièce de 45 minutes est mise en scène par Marie-Ève Groulx. Elle prend l’affiche cette semaine dans les coulisses de Duceppe, en formule 5 à 7, avec Justin Laramée, Joanie Martel, Fabiola Nyrva Aladin et Dominick Rustam.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Maxime Brillon

L’auteur s’est inspiré d’un ex-collègue et gérant au travail. « Un certain Tony ; est-ce son vrai nom, peut-être ? », dit-il, énigmatique. Le personnage sera joué par trois interprètes différents. Plus qu’un collègue, Tony a été à la fois « un grand frère, un parent, un mentor, un camarade et un maître », dit-il. « C’est aussi un gars qui a toujours des projets et des histoires incroyables ! Et doté d’une grande intelligence émotionnelle, avec un côté geek, comme moi », résume le jeune auteur, aussi adepte de jeux vidéo et de codage informatique.

Le monopole du billet

Tony vend des billets décrit l’avidité du monde des promoteurs de billets, « mi-entrepreneurs, mi-rock stars », qui carburent uniquement aux profits. Et se fichent des artistes comme du public. « Il faut les voir s’exciter à l’idée de descendre et de monter les prix, selon la demande, comme des courtiers à la Bourse », illustre Maxime Brillon.

La pièce critique donc la situation de monopole d’une entreprise comme Ticketmaster qui, depuis sa fusion avec le promoteur de spectacles Live Nation, fait la pluie et le beau temps dans l’industrie. L’auteur les nomme dans son texte : « Ticketfaster et Live Ovation ».

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Maxime Brillon

Tony dit littéralement que les artistes se font “fourrer” ! Ce n’est pas nouveau. Tous les 10, 15 ans, il y a un scandale à propos de la billetterie. Les promoteurs récoltent tout l’argent et les artistes se font avoir. Les réseaux de vente indépendants ferment ou se font racheter par le gros concurrent.

Maxime Brillon, auteur et comédien

Le sacrifice humain

Toutefois, le message de la pièce est ailleurs. Dans le sacrifice humain derrière la grosse machine, la pression qu’on se met pour être toujours plus efficace, sous prétexte de progrès. « On veut nous faire oublier que la technologie est une extension de notre cerveau, dit Brillon. Tout système – informatique, bureaucratique, électronique – est organisé pour qu’on ne voie pas les humains derrière la machine. Si l’humain arrête de nourrir la machine, la machine s’écroule. Et elle ne sert plus à rien. »

Maxime Brillon se souvient d’un spectacle annulé à 48 heures d’avis, parce qu’un rappeur avait été arrêté à la douane pour une affaire de drogue. « Le guichetier est comme un premier répondant. Tout le monde nous appelle. Tout le monde est fâché. Et on ne peut même pas rembourser les gens, parce que le concert est reporté à une date... indéterminée. »

Quelle est la morale à tirer de sa pièce ? « Les machines comme les personnes sont imparfaites. Mieux vaut accepter nos imperfections », dit-il.

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