Appropriation culturelle, mot qui commence par N, parité, privilège de l’homme blanc. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Ulster American – une pièce de David Ireland, traduite par François Archambault et présentée à La Licorne dès mardi – reprend des thèmes chauds de l’actualité. Autant de sujets délicats que l’auteur irlandais qui vit en Écosse, et dont les textes sont couverts de prix, désamorce avec des répliques brillantes et un humour noir.

Ulster American raconte les coulisses de la création d’une pièce présentée à Londres. Avant le début des répétitions, le metteur en scène organise une rencontre entre l’acteur principal et la dramaturge. Cette dernière est une jeune autrice montante et lui, une star américaine dont la carrière est un peu en déclin.

À partir de cette rencontre qui sera frontale, le récit va nous entraîner dans une réflexion sur « les angles morts du patriarcat », selon Maxime Denommée qui signe la mise en scène et dirige un solide trio d’interprètes : David Boutin, Frédéric Blanchette et Lauren Hartley.

« Dans la pièce, les deux personnages masculins ont de beaux discours sur le racisme, le sexisme, l’homophobie… Or, aussitôt que ça ne fait plus leur affaire, leurs beaux discours cessent et ils changent de clan. »

Place aux femmes

En entrevue, Denommée nous explique qu’à travers la confrontation entre la jeune autrice d’Irlande du Nord et l’acteur hollywoodien, David Ireland nous sert une bonne dose de « mansplaining », ce phénomène de domination patriarcale qui désigne une situation où un homme… explique la « vie » aux femmes sur un ton condescendant.

Au point où Maxime Denommée a même envisagé de céder sa place à une femme pour diriger la production d’Ulster American. « Puis je me suis dit non, parce que c’est important que les hommes se questionnent aussi sur leurs contradictions, leurs responsabilités, leur soutien à la cause féministe. »

« Qu’est-ce qu’un véritable allié du mouvement féministe en 2021 ? lance-t-il. C’est d’être sensible à toutes les injustices, de réfléchir à nos propres angles morts en tant qu’hommes, d’être conscients de nos privilèges… Souvent, des hommes ne voient pas leurs contradictions dans une même phrase ! »

David Ireland est né à Belfast dans une famille unioniste. Il s’est toujours considéré comme Anglais jusqu’au jour où il est allé étudier en Angleterre. Là-bas, on considère son identité irlandaise comme une évidence, tandis que lui se sent plus proche des Anglais… « La pièce parle donc de l’étiquette qu’on colle aux gens par rapport à ce qu’on connaît d’eux a priori. Or, si la réalité est différente de l’idée qu’on s’est faite de la personne, au lieu de s’ouvrir à la différence, on se braque. »

Dans la société, il faut appliquer une écoute active, plutôt qu’une surdité défensive. Cesser de se déresponsabiliser en répétant que ce n’est pas de notre faute, s’il y a des injustices, etc. On ne doit pas être furieux, mais curieux.

Maxime Denommée

Les 40 ans de La Manufacture

À la fois comme interprète et comme metteur en scène, le parcours théâtral de Maxime Denommée est lié au Théâtre de La Manufacture depuis une quinzaine d’années. Qu’est-ce qui caractérise cette compagnie qui célèbre ses 40 ans en 2021 ? « Sa ligne directrice artistique, héritée du travail colossal de Jean-Denis Leduc, et le développement du public, répond-il. La Manufacture présente des pièces coups de poing en puisant dans un répertoire peu connu au Québec. »

« Il y a des gens qui vont peut-être penser, en lisant le texte : “Encore un show irlandais ou britannique à La Licorne !” [La compagnie a présenté ces dernières années des pièces de plusieurs auteurs du Royaume-Uni, dont Mark O’Rowe, Duncan McMillan et Dennis Kelly.] Or, ce n’est pas parce que la pièce est irlandaise, mais parce qu’elle est bonne », conclut le metteur en scène.

Ulster American, de David Ireland, traduite par François Archambault. Mise en scène par Maxime Denommée. Une production du Théâtre de La Manufacture. Avec Frédéric Blanchette, David Boutin et Lauren Hartley. À La Licorne du 19 octobre au 13 novembre.

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