Le temps a « ralenti » pour Yan England, vendredi soir dernier, au festival de télévision Séries Mania, en France. Lorsque le président du jury a annoncé que Rematch, sa première série internationale, remportait le prestigieux Grand Prix, le réalisateur et scénariste québécois a senti qu’il entrait dans une autre dimension. « C’était comme dans les films. »

En entrevue téléphonique 48  heures après être rentré au Québec, Yan England décrit avec enthousiasme – et minutie – les secondes précédant sa victoire. Une victoire qu’il n’attendait pas, malgré les critiques élogieuses qu’il avait reçues durant l’évènement, qui reçoit chaque année à Lille des milliers de professionnels du secteur télévisuel. Selon les organisateurs, l’édition 2024 du festival en aurait rassemblé 4200, en plus d’attirer 98 000 visiteurs du public.

Du Figaro (« audacieux ») au Parisien (« un véritable thriller psychologique »), en passant par Télérama (« avec une malice avisée »), Le Temps (« une série qui sera l’un des chocs de l’année »), France Info (« passionnant ») et Ouest-France (« captivant »), les médias européens ont salué la coproduction franco-hongroise destinée au réseau Arte, qui chronique l’affrontement mythique opposant le champion du monde d’échecs russe Garry Kasparov au super ordinateur d’IBM Deep Blue, en 1997.

« J’étais juste heureux de participer au festival », commente Yan England.

La présentation des deux premiers épisodes s’était super bien passée. La salle de 1200 personnes était remplie, les spectateurs avaient super bien réagi, hommes, femmes, jeunes, moins jeunes… J’étais déjà comblé.

Yan England

PHOTO ARNAUD LOOTS, FOURNIE PAR SÉRIES MANIA

Yan England, en recevant le Grand Prix pour Rematch, vendredi dernier au festival Séries Mania, en France

Le jury séduit

La Presse a demandé au festival les raisons pour lesquelles le jury du volet international avait décerné la plus haute récompense à Rematch. Par courriel, nous avons reçu cette déclaration : « Parce que ça ressemble à un conte de fées moderne dont nous avons besoin aujourd’hui. Parce qu’il a du rythme, des tensions et les élans d’un thriller, mais qu’il s’agit d’une histoire simple à propos d’un jeu complexe : les échecs. »

L’organisation a également souligné que « l’ensemble du jury » était sorti du visionnement « le sourire aux lèvres et les mains moites ».

« Quelle belle surprise ! s’exclame Yan England. Quel beau cadeau ! Je suis très, très heureux pour toute l’équipe. On travaille là-dessus depuis tellement longtemps. »

Quelques images de Rematch
  • Dans Rematch, l’acteur britannique Christian Cooke incarne Garry Kasparov, le meilleur joueur d’échecs de tous les temps.

    PHOTO FOURNIE PAR ARTE

    Dans Rematch, l’acteur britannique Christian Cooke incarne Garry Kasparov, le meilleur joueur d’échecs de tous les temps.

  • Trine Dyrholm et Christian Cooke dans Rematch

    PHOTO FOURNIE PAR SÉRIES MANIA

    Trine Dyrholm et Christian Cooke dans Rematch

  • Tom Austen et Sarah Bolger dans Rematch

    PHOTO FOURNIE PAR SÉRIES MANIA

    Tom Austen et Sarah Bolger dans Rematch

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Gage de confiance

Dotée d’une distribution internationale comprenant notamment les Britanniques Christian Cooke et Tom Austen, la Danoise Trice Dyrholm et l’Irlandaise Sarah Bolger, la minisérie Rematch atterrira sur Arte l’automne prochain. Le projet émane d’une rencontre survenue en 2017 entre Yan England et Bruno Nahon (Ainsi soient-ils, Louise Wimmer), son producteur. England, qui s’était illustré quelques années auparavant avec Henry, son court métrage sélectionné aux Oscars, venait de lancer son premier long métrage, 1:54. Le scénariste André Gulluni (Portrait-robot, Sam) s’est rapidement joint au duo, puis, une fois les scénarios complétés, HBO Europe et Disney+ Royaume-Uni ont embarqué dans l’aventure comme partenaires financiers.

Quand tout a commencé, je n’avais pas encore réalisé Les bracelets rouges, je n’avais pas encore réalisé Les pays d’en haut. Mais [le producteur] Bruno Nahon m’a fait confiance. Il m’a dit : “Écoute, j’ai vu tes films. Ce projet, je sais que tu l’as en toi. Let’s go ! Vas-y, lance-toi !”

Yan England

PHOTO ALEXANDRE MAROUZE, FOURNIE PAR SÉRIES MANIA

Le producteur français Bruno Nahon, le scénariste québécois André Gulluni et Yan England à la première de Rematch au festival Séries Mania, à Lille, en France

Tourné en 2022 partiellement à Montréal et majoritairement à Budapest (Hongrie), Rematch compte sur d’autres talents québécois, dont Jérôme Sabourin (direction photo) et Sylvain Lemaitre (direction artistique). La postproduction s’est déroulée entièrement en France.

Quant au choix de l’anglais pour raconter cette histoire, Yan England parle d’une décision organique. « Parce que l’action se passe à New York, et parce que c’est une histoire qui implique une mégacorporation, IBM. Par souci d’authenticité, on s’est dit qu’il fallait la raconter en anglais. »

Après, mais avant The Queen’s Gambit

Yan England s’y attendait : la plupart des articles publiés au cours des derniers jours sur Rematch mentionnent une autre série sur l’univers des échecs, The Queen’s Gambit. Paru en 2020 et mettant en vedette Anya Taylor-Joy, le drame en sept épisodes a remporté un énorme succès sur Netflix en relatant l’ascension d’une prodige de l’échiquier de 64 cases.

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Anya Taylor-Joy dans The Queen’s Gambit

Yan England garde un souvenir précis du moment où l’œuvre de Scott Frank a atterri en ligne. « Jusqu’à ce moment-là, André [Gulluni] et moi, on était en train d’écrire une série sur quelque chose dont personne n’avait jamais parlé, rappelle le scénariste et réalisateur. Donc quand The Queen’s Gambit est sorti, Bruno [Nahon], André et moi, on s’est tous appelés en disant : “Oh non ! Qu’est-ce que c’est ça ?” »

Yan England raconte toutefois qu’après avoir regardé les premiers épisodes, la tension est retombée. « À part les échecs, les deux séries n’ont rien à voir l’une avec l’autre. »

« Aujourd’hui, je trouve ça hyper positif, poursuit le comédien. The Queen’s Gambit a ramené les échecs à l’avant-scène. Les échecs sont redevenus cool. Les gens s’y intéressent de nouveau. Et dans Rematch, ils vont découvrir quelque chose de complètement différent. C’est une vision beaucoup plus brute, beaucoup plus sportive du jeu d’échecs. »

Yan England ignore quand Rematch sortira au Québec. Il sait toutefois qu’une version doublée en français est actuellement en chantier. « L’objectif, c’est que ça sorte partout à l’automne. »