Quand une porte se ferme, une autre s’ouvre. Comme plusieurs comédiens devant faire face aux (parfois dures) réalités du métier, Catherine Trudeau a souvent entendu ce dicton. Elle l’évoque d’ailleurs pour tenter de relativiser l’annulation des Moments parfaits. « Cette porte-là, je n’étais pas prête à ce qu’elle se ferme. »

Cinq mois après avoir tourné ses dernières scènes avec Denis Bernard, Marie-Thérèse Fortin, Émile Proulx-Cloutier et Jean-François Pronovost, Catherine Trudeau n’a toujours pas surmonté son deuil. Pas complètement, du moins. En entrevue, elle évoque son discours de remerciement aux plus récents prix Gémeaux, qu’elle a prononcé sur scène après avoir remporté le trophée du meilleur premier rôle – série dramatique annuelle, en soulignant combien elle aime « entrer dans les maisons » de 720 000 téléspectateurs chaque semaine par l’entremise du personnage de Catherine Thomas, une mère, conjointe, fille, sœur et amie qu’elle voyait comme son alter ego.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Catherine Trudeau aux plus récents prix Gémeaux

Dans trois semaines, TVA diffusera la grande finale de l’œuvre signée Marc Robitaille, une série qu’on croyait partie pour durer longtemps, en septembre 2021, juste avant qu’elle prenne l’antenne. C’était également l’espoir de l’équipe. Mais après deux saisons et demie, les aventures du clan Thomas seront retirées des ondes.

« Ce n’est pas frustrant ; c’est plutôt doux-amer, affirme Catherine Trudeau. Je sentais que l’émission prenait son envol. On a tous ce sentiment de quitter le navire alors qu’on n’a pas tout à fait terminé le voyage. »

« J’étais heureuse, poursuit-elle d’une voix douce, mais résignée. Je n’étais pas rendue au bout. On n’était pas rendus au bout. Il y avait encore beaucoup de belles choses à dire, de belles histoires à raconter. »

PHOTO FOURNIE PAR TVA

Catherine Trudeau avec Jean-François Pronovost, Denis Bernard, Marie-Thérèse Fortin et Émile Proulx-Cloutier dans Les moments parfaits

La déception de Catherine Trudeau est compréhensible. Après avoir marqué les esprits dans plusieurs séries, mais toujours en défendant des personnages en périphérie (Lyne-la-pas-fine dans Les invincibles, Marie Rousseau dans Ruptures, Chantal dans Mirador), elle figurait finalement au sommet du générique d’une série diffusée à heure de grande écoute.

À 48 ans, elle ignore quand – ou encore si – elle pourra répéter l’expérience.

Je dis souvent la même affaire, mais c’est vrai : les acteurs, on existe dans le désir des autres. On n’a pas tous la chance de montrer ce qu’on est capable de faire. Il y a beaucoup de personnes en haut qui décident.

Catherine Trudeau

Besoin de stabilité

En perdant Les moments parfaits, Catherine Trudeau perd également une « prévisibilité » professionnelle qu’elle affectionnait beaucoup, notamment des périodes de tournage prédéfinies et – évidemment – un revenu régulier. Car bien qu’elle ait choisi d’être actrice, et donc d’exercer un métier de pigiste, Catherine Trudeau préfère la stabilité.

Heureusement, elle l’a trouvée loin des projecteurs.

Mon ancrage, mon équilibre, c’est ma maison, c’est mon chum, mes garçons, ma famille, mes amis. Je suis une fille de routine. Quand je suis entre deux chaises, je suis malheureuse, malheureuse, malheureuse.

Catherine Trudeau

Cette quête constante d’équilibre force Catherine Trudeau à cultiver un certain laisser-aller qui l’aide à traverser, sans trop s’en faire, les fluctuations d’une carrière d’interprète qui dure depuis bientôt 25 ans, anniversaire qu’elle fêtera au printemps prochain (elle est sortie du Conservatoire d’art dramatique de Montréal en 1999).

« Je suis privilégiée : je n’ai jamais arrêté de travailler. C’est mon métier, je l’aime. Mais s’il faut que ça s’arrête demain, s’il n’y a plus de place pour moi dans l’industrie, parce qu’il y a plein d’autres gens qui arrivent ou parce qu’il y a moins de rôles pour les filles de mon âge, je vais faire d’autres choses. Ce métier, ce n’est pas toute ma vie. »

Auteure jeunesse

Parmi les avenues qu’elle pourrait explorer à temps plein si jamais l’appel du jeu arrêtait de sonner, Catherine Trudeau cite la littérature jeunesse. Elle vient d’ailleurs de lancer le deuxième tome de Folle école (aux éditions La bagnole), son nouveau roman destiné aux enfants de 6 à 8 ans. Un autre ouvrage est déjà en route.

L’écriture a toujours occupé une grande place dans l’univers de l’actrice. Jeune adolescente, elle pondait des histoires calquées sur Anne… la maison aux pignons verts. « C’était tout le temps des filles avec des chevaux, dans un champ, avec une maison de campagne ! », se rappelle-t-elle en riant.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Catherine Trudeau

Porte-parole du Prix des libraires du Québec de 2006 à 2011, puis du Prix jeunesse des libraires du Québec de 2012 à 2022, Catherine Trudeau est devenue auteure jeunesse de manière très organique, raconte-t-elle. Aujourd’hui, elle parle avec émotion des messages qu’elle reçoit de parents qui voient leur enfant commencer à lire seul avec ses livres.

« Les parents me disent : “Ah, je l’entends rire dans sa chambre !” Et quand leur enfant sort, ils disent : “Est-ce que tout est correct ? Tu ris tout seul ?” Et l’enfant répond : “Non, non, non. C’est bon. J’étais en train de lire Folle école.” »

« Je suis super fière de savoir que, pour une petite génération, peut-être, de petits bonhommes et petites bonnes femmes au Québec, je vais avoir écrit leur première série de livres avec Jean-Philippe Morasse aux dessins. Parce que nos premiers livres qu’on a lus seuls, on s’en souvient tous. Toi, c’est peut-être Tintin. Moi, c’est Martine. »

Retrouvailles

Catherine Trudeau figurera au générique d’une autre série en 2024 : C’est comme ça que je t’aime, qui tirera sa révérence après trois saisons. La comédienne a tourné ses scènes l’été dernier. Elle jouera le rôle d’une prénommée Gysèle, qu’elle décrit succinctement comme « une intervenante du domaine des communications ».

« C’est vraiment un coucou, insiste-t-elle. Je viens faire une petite visite. Vous n’aurez même pas vraiment le temps de vous attacher que je vais être partie ! »

PHOTO ROBERT MAILLOUX, ARCHIVES LA PRESSE

Catherine Trudeau en 2009, en compagnie des comédiens des Invincibles, Pierre-François Legendre, Kathleen Fortin, Patrice Robitaille, Rémi-Pierre Paquin, Amélie Bernard et François Létourneau

Bien qu’il s’agisse d’un petit rôle, Catherine Trudeau a retrouvé ses Invincibles (François Létourneau et Patrice Robitaille, qui réalisent cette ultime couvée de huit épisodes) avec grand plaisir.

Je n’achale jamais le monde. J’attendais sagement à la maison en espérant qu’on pense à moi. Et je sais que quand François [Létourneau] écrit des séries, tout le monde attend en ligne pour jouer dedans.

Catherine Trudeau

Au printemps, Catherine Trudeau foulera les planches du Théâtre du Nouveau Monde aux côtés de Marc Messier dans Le père de Florian Zeller, une pièce qui brosse le portrait d’un homme qui perd ses repères, sa mémoire et son sens du réel. Les répétitions doivent commencer en janvier. « C’est à la fois drôle et troublant, annonce Catherine Trudeau. C’est un super texte. C’est très habile. »

Si ces projets représentent le genre de portes qui s’ouvriront devant l’actrice dans l’ère post-Moments parfaits, la suite ne devrait inquiéter personne.

TVA présente Les moments parfaits les mercredis à 20 h.