Des tonnes de séries policières montrent des situations explosives ou des agents tenter de recoller les morceaux du puzzle après une agression ou un meurtre. Police avant-gardiste, présentée à compter de jeudi sur ICI RDI, fait l’inverse : elle va dans les coulisses du Service de police de l’agglomération de Longueuil pour raconter la mise sur pied d’une brigade axée sur le réseautage psychosocial et la prévention.

Éteindre des feux, c’est le quotidien de bien des policiers de Longueuil et sans doute d'ailleurs. Plus des trois quarts des appels au 911 dans cette municipalité concernent des cas de santé mentale et de détresse humaine : personnes intoxiquées sur la voie publique, crises suicidaires, chicanes de famille ou entre voisins… Des cas plus « sociaux » que criminels.

« Souvent, les gens me disent : Fady, ce ne sont pas des travailleurs sociaux, vos policiers. Je comprends. Mais si 80 % des appels sont sociaux, je fais quoi ? », demande Fady Dagher, directeur du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL), à la caméra d’Amélie Dussault, réalisatrice de Police avant-gardiste.

PHOTO ERIC MYRE, FOURNIE PAR ICI RDI

Fady Dagher, directeur du Service de police de l’agglomération de Longueuil

Ce n’est pas d’hier qu’il réfléchit à une police « différente ». Jeune patrouilleur, il allait jouer au soccer avec les jeunes de Saint-Laurent, secteur où il était affecté. Détail qui n’a rien d’anodin : il y allait en uniforme. « Ça faisait une différence », se rappelle-t-il. Un peu plus tard, à Montréal-Nord, il a vu l’impact positif qu’avaient les agents qui connaissent bien leur communauté.

Tisser des liens

Ce lien est au cœur de la transformation en cours au SPAL, que la série Police avant-gardiste montre en étant au cœur de l’action : des mois durant, la réalisatrice Amélie Dussault et son équipe ont eu un accès exceptionnel aux coulisses du développement de l’escouade RÉSO (Réseau d’entraide sociale et organisationnel), dont l’objectif est de mettre sur le terrain des agents qui tissent des liens avec la communauté pour agir « avant que ça pète » et permettre aux autres patrouilleurs de se consacrer aux crimes et à la violence.

Les intervenants le disent souvent dans la série : si on veut des résultats différents, il faut faire les choses différemment.

La réalisatrice Amélie Dussault

Ce qu’elle montre dans Police avant-gardiste, c’est ce quelque chose de différent.

En gros, les « policiers RÉSO » sont des agents qui circulent à pied ou à vélo affectés aux secteurs les plus souvent liés à des appels de crise. Leur boulot : être en contact avec des populations vulnérables qui peuvent même les appeler directement — leur numéro de téléphone professionnel est diffusé — plutôt que d’appeler le 911.

Un choc d’idées

Ce « changement de culture » ne se fait pas sans heurt. L’une des grandes qualités de la série d’Amélie Dussault, c’est qu’elle montre non seulement la remise en question sincère des façons de faire des agents, mais aussi la résistance au sein du SPAL lui-même. Seuls 56 % de ses syndiqués ont voté en faveur de cette approche, il y a un an. Il n’y a pas d’unanimité et personne n’a la langue de bois.

« Ça remet en question les façons de faire actuelles et ça va choquer, pense Gino Iannone, inspecteur au SPAL. Est-ce le rôle de la police ou non ? Ça va soulever des questions. » Le choc des idées, on le voit à l’écran. Comme on voit la bonne volonté des policiers — même les plus sceptiques — de remplir la mission pour laquelle ils se sont engagés : aider et protéger leurs concitoyens.

Police avant-gardiste ne regarde pas la réalité avec des lunettes roses.

Je pense que la police, en 2022, n’a plus le choix d’essayer des approches nouvelles. Ça fait presque un an que les policiers RÉSO sont déployés. Le temps dira si c’est la meilleure approche.

La réalisatrice Amélie Dussault

« Je ne pense pas que RÉSO soit une réponse à tout, convient Fady Dagher. Ça prend toutes sortes de policiers pour toutes sortes d’interventions. » Il souligne cependant que les premiers résultats de l’escouade RÉSO sont prometteurs.

Sans faire du policier un travailleur de rue, il en parle comme d’un « acteur social » dans sa communauté. Ce rôle, les aspirants policiers qui souhaitent travailler à Longueuil devront l’adopter. « Si tu ne veux pas faire de la police sociale, ne postule pas ici, dit-il en songeant aux futurs policiers. Ceux qui s’engagent, s’engagent avec ce mandat-là. »

Police avant-gardiste sera diffusé dès jeudi, 20 h, sur ICI RDI