Il n’aura fallu que 14 minutes pour que l’Empress of Ireland ne sombre dans les eaux froides du Saint-Laurent en 1914. Une fois les opérations d’urgence terminées, son épave a été perdue pendant 50 ans. Le documentaire À la conquête de l’Empress of Ireland, présenté samedi à Historia, raconte l’histoire étonnante de sa redécouverte par des plongeurs québécois.

La partie la plus connue de l’histoire de l’Empress of Ireland est la suivante : durant la nuit du 29 mai 1914, le paquebot est enfoncé sur son flanc droit par le charbonnier norvégien Storstad. L’eau s’engouffre à une vitesse folle dans le navire qui compte 1477 passagers et membres d’équipage. Il se renverse rapidement et entraîne avec lui plus de 1000 femmes, hommes et enfants, pour la plupart restés emprisonnés dans leur cabine.

La pire tragédie maritime de l’histoire du Canada a fait le tour du monde à l’époque. Des scaphandriers d’ici et même des États-Unis ont participé aux opérations de récupération des corps, du coffre-fort, des lingots d’argent et des sacs postaux. Le naufrage a toutefois été tassé de l’actualité par le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Surtout, des années plus tard, la position exacte de l’épave n’était plus connue…

Il est fréquent, selon le documentariste et historien maritime Samuel Côté, qu’on ne sache pas où retrouver les épaves. Le Titanic n’a été localisé qu’en 1985, soit 73 ans après avoir sombré.

Il a fallu 50 ans – et une série d’heureux hasards – pour que des plongeurs québécois retrouvent enfin l’Empress of Ireland. Samuel Côté doit d’ailleurs une partie de son film À la conquête de l’Empress of Ireland à l’un d’eux, Claude Villeneuve, avec lequel il s’est lié d’amitié.

« Il a partagé avec moi des artéfacts, mais surtout des images tournées en 1964 que personne n’avait vues, raconte le documentariste. Quand je les ai vues, je me suis dit qu’il fallait que je raconte cette histoire-là, qui est une aventure. »

À la conquête de l’Empress of Ireland revient bien sûr sur la tragédie et ses suites immédiates. Il se concentre toutefois sur un aspect moins connu de l’histoire : les recherches pour localiser l’épave. Il évoque quelques tentatives infructueuses ou inabouties, puis s’attarde au groupe de plongeurs dont faisait partie Claude Villeneuve, qui l’ont finalement retrouvée en juillet 1964.

Ces derniers sont arrivés à Rimouski avec bien de l’audace, mais munis d’une embarcation pas du tout adaptée à la navigation sur le fleuve. C’est par hasard qu’ils ont croisé Aubert Brillant, un riche homme d’affaires né à Rimouski qui s’intéresse à l’Empress of Ireland depuis l’enfance et qui met à leur disposition son propre bateau, La Canadienne. « Deux jours plus tôt, ce yacht n’était pas ici. C’est loin d’être un détail pour des gens qui espèrent trouver un bateau adéquat pour aller en mer », souligne le documentariste.

PHOTO FOURNIE PAR HISTORIA

Fernand Bergeron, Claude Villeneuve et André Ménard font partie des découvreurs de l’épave de l’Empress of Ireland en juillet 1964. Ils posent ici avec une cloche récupérée sur le paquebot qui a fait naufrage le 29 mai 1914.

Comme d’autres, Claude Villeneuve et ses camarades cherchent au mauvais endroit en se fiant aux données indiquant la position « présumée » de l’épave. Il leur a fallu un deuxième coup de chance pour atteindre le but, soit une rencontre avec Donald Tremblay, de l’Institut maritime du Québec, qui savait notamment se servir d’un sextant, et possédait des documents anciens indiquant une position qu’il était possible de trouver à l’aide de trois repères : le phare de Pointe-au-Père et les clochers de deux églises de la région.

Le 16 juillet, les aventuriers posent une bouée. Le 17 juillet, ils tournent autour de la position pendant six heures avant d’accrocher quelque chose. C’est là que les hommes sautent à l’eau. Trente minutes plus tard, un mystère vieux d’un demi-siècle était élucidé. « On n’était pas sûrs que c’était le bon bateau », précise toutefois Jean-Paul Fournier, l’un des découvreurs. Ce n’est qu’après avoir remonté quelques objets, dont une plaque identifiant le secteur des premières classes et une cloche, qu’ils en ont eu le cœur net.

Samuel Côté, aussi auteur d’un livre à paraître intitulé Éloi Fortier, chasseurs d’épaves, voulait rendre hommage à ces plongeurs avec À la conquête de l’Empress of Ireland, qui fera aussi l’objet d’un ouvrage papier. « Tant les plongeurs de 1914 que de 1964 ont risqué leur vie. Mieux connaître l’épave a coûté la vie à des plongeurs », ajoute-t-il, en faisant notamment référence à un scaphandrier mort lors des opérations de sauvetage et à cinq explorateurs sous-marins morts noyés entre 1980 et 2002. « Je veux qu’on se souvienne de leur exploit. »

À la conquête de l’Empress of Ireland, samedi, 21 h, à Historia