Tout juste de retour de Bali, où il a animé l'émission de téléréalité Occupation doublepour V, l'humoriste Jay Du Temple prépare son premier spectacle solo, Bien faire, prévu en juin prochain. Discussion avec un animateur et humoriste qui ne regrette rien.

Ton one man show sera une suite logique du Mini tour et du Moyen tour, que tu présentes en ce moment. Et comme pour le reste, tu as choisi de produire le « grand tour » toi-même...

Ce n'est pas contre ni en réaction à quoi que ce soit, mais avec ma soeur, qui est aussi ma gérante, on a décidé de faire les choses nous-mêmes. C'est elle qui envoie les courriels, qui appelle dans les salles et qui se cogne parfois aux portes closes d'une minorité de salles qui ne veulent pas nous recevoir. Le Moyen tour, dans le fond, c'est le rodage de mon premier show, qui sera prêt en juin.

Ça ne m'étonne pas que ton spectacle s'appelle Bien faire...

C'est assez récent pour moi, la vie publique. Mais dans ma vie privée, j'ai toujours voulu bien faire, ne choquer personne, que tout le monde soit de bonne humeur. J'ai grandi avec des filles : ma mère, mes deux soeurs, ma grand-mère. En remarquant qu'elles avaient changé leurs cheveux ou leurs lunettes. Ce n'était pas téteux ! Mais si tu ne le remarquais pas, elles étaient un peu choquées ! [rires] J'ai aiguisé ça, mais c'est un couteau à double tranchant. Ça peut nuire. J'en parle dans mon spectacle. J'aime bien ce titre-là, parce que je ne suis pas toujours le gentil, le bon gars dans le show, malgré l'image que j'ai.

Cette image de « bon gars » m'amène à parler d'Occupation double. Tu t'affiches comme féministe, tu as grandi avec des femmes, tu l'as écrit notamment dans Urbania. Peut-il y avoir pour toi une contradiction à animer une émission qui ne fait pas nécessairement la promotion du respect de la femme ni de ce qu'il y a de plus admirable chez l'être humain ?

Je comprends tes réserves. Je me suis posé les mêmes questions quand on m'a offert d'animer l'émission. Jusqu'à un certain point, j'ai été choqué qu'on me l'offre. Je me suis demandé si je voulais être « ce gars-là ». Mon but n'a jamais été d'être connu, d'être une vedette. Je veux juste faire des projets qui m'allument. Je me suis demandé si j'étais prêt à faire partie d'une « clique ». Les choses allaient bien, je n'étais associé à personne. J'étais autant invité à Radio-Canada qu'à TVA. Puis j'ai entendu Matt Holubowski à La soirée est (encore) jeune critiquer La voix. À un de mes amis, il a dit que pour changer la machine, il ne fallait pas s'en exclure, mais passer dedans. Ça m'a fait du bien de l'entendre dire qu'on pouvait rester soi-même tout en participant à ce genre d'émission.

Tout en gardant son esprit critique...

Exactement. J'ai refusé l'offre d'OD au départ, parce que j'avais peur de ce que les gens allaient penser. Surtout les humoristes ! On est très cyniques comme groupe. C'est bien vu de seulement faire de l'humour. Je suis le premier à dire que je ne veux faire que du stand-up. C'est facile à dire au début, parce qu'on ne t'offre pas autre chose. J'y ai réfléchi : on m'offrait d'animer un gros show de télé à Bali, qui allait aider ma carrière, qu'est-ce que j'avais à perdre ? J'en ai beaucoup discuté avec mes parents. Mon père m'a dit : « Si tu restes toi-même, ça ne pourra jamais te nuire. Et c'est ce que tu vas en faire après qui va démontrer ta vraie nature. » C'est sûr qu'il y a des choses dans Occupation double avec lesquelles je ne suis pas nécessairement d'accord. Mais mon rôle, c'est d'animer au meilleur de mes capacités, et de mettre de l'eau dans mon vin. Ce n'est pas moi qui produis l'émission. Il y a des décisions qui ont été prises ou des choses qui sont arrivées qui m'ont touché, qui m'ont fait de la peine. Mais j'ai beaucoup appris. Je l'ai fait, je suis heureux de l'avoir fait. Est-ce que je vais le refaire ? On verra.

Qu'est-ce qui a pu te faire de la peine ?

Plein de petits trucs.

De ne pas être d'accord avec des décisions qui ont été prises ?

Exactement. Et de réaliser - comme je suis un humoriste qui s'autoproduit et qui est habitué à prendre toutes les décisions - ce que c'est de jouer un rôle précis dans un concept comme OD. Ce qui est très correct. J'ai signé un contrat jusqu'à Noël. Je joue ce rôle avec grand plaisir, en étant honnête avec moi-même le plus possible. Avant, j'étais le premier à dire : OD, je suis au-dessus de ça ! Mais quand tu es dedans, tu réalises que ce sont des êtres humains qui vivent des choses. Chaque fois qu'il y a eu un conflit ou une situation qui m'a affecté, je me suis posé des questions sur ma génération, les milléniaux ou whatever, sur la façon dont on a été élevés, la façon dont je réagirais à la place des candidats. Même si ce ne sont pas tous des gens avec qui je chillerais tous les jours, il y a une partie de moi qui admire leur courage de se mettre à nu 24 heures sur 24, sept jours sur sept, devant tout le Québec. En 2017 ! Jamais je n'aurais été game de faire ça.

Ça prend un peu d'inconscience ou un désir d'exhibitionnisme très fort. C'est difficile à comprendre pour un snob comme moi, qui considère la téléréalité comme les bas-fonds de la télévision ! J'ai dû regarder Occupation double pendant des années, lorsque j'étais coanimateur de C'est juste de la TV. J'ai vraiment l'impression qu'on met des gens dans une cage de verre pour mieux se moquer d'eux. Il y a une méchante de service encore cette année qui s'appelle Joanie. Tu n'as pas peur pour elle, pour la suite ?

C'est la première chose qui m'a inquiété, quand l'émission est entrée en ondes. J'ai fait attention à mon comportement avec les candidats, même si ce n'était pas toujours facile parce que mon rôle était de me moquer de leurs bévues. Je me suis assuré avec la production que les candidats seraient encadrés en sortant. C'est le cas. Il reste que ce sont des adultes consentants qui signent un contrat. Ils savent dans quoi ils s'embarquent : c'est la 11e saison ! Il n'y a pas de surprise. Ce qui est difficile, c'est que c'est un contexte particulier. J'avais parfois des malaises, mais je ne suis pas un des candidats. Personne ne les a forcés à être là. Ce n'est pas une cage de verre, loin de là. La porte est ouverte s'ils veulent partir. Il y en a deux qui sont partis de leur plein gré.

Tu disais au début que tu n'avais rien à perdre, mais il aurait pu y avoir un ressac. D'être associé à ce genre de téléréalité aurait pu te nuire, même si la plupart des dérapages sont contrôlés. L'expérience a été à la hauteur de tes attentes ?

Je suis en train de me faire une tête là-dessus. OD ou pas, j'aurais lancé mon one man show l'été prochain, parce que c'est ce que je fais à la base. J'ai atterri à Montréal jeudi soir à 19 h 30 et le vendredi à 20 h, j'étais sur scène au Bordel. De mon point de vue de producteur de mon show, OD a amené une part de publicité que je n'aurai pas nécessairement à payer. C'est sûr qu'il y a des gens qui vont dire : « Lui, je l'aimais bien, mais je ne l'aime plus depuis qu'il a fait OD. » Peut-être que je n'ai pas besoin d'eux dans mes salles. Peut-être que dans cinq ans, ils vont changer d'idée. Je ne leur en tiendrai pas rigueur. J'aurais peut-être eu le même réflexe. Animer OD ne m'empêche pas d'écrire un livre [un roman collectif avec notamment Patrick Senécal] ni de faire de l'humour où je peux critiquer la société et le comportement humain. Au contraire, j'ai les deux pieds dedans ! Mon expérience, ça va sans doute m'inspirer des observations sur ma génération : notre rapport à l'engagement, au couple, au respect des institutions.

Tu me fais penser un peu à Louis-Jean Cormier, que j'ai interviewé après La voix. Certains l'avaient critiqué, mais il s'est servi de cette plateforme pour mieux se faire connaître du grand public.

C'est la même chose ! Je suis un grand fan de Karkwa et je n'ai pas moins aimé Louis-Jean parce qu'il a fait La voix. Ceux qui l'ont moins aimé à cause de ça sont un peu de mauvaise foi, à mon avis. Je m'intéresse à toutes sortes de choses depuis toujours. J'anime Urbart à MAtv, je coanime Code G. à VRAK et j'anime OD à V. Au secondaire, j'étais dans l'équipe de football et j'animais des ateliers de croissance personnelle ! Je saurai dans les prochains mois quels sont les impacts d'OD et quelle sera la suite, mais je ne le regrette pas du tout.