Depuis quatre semaines, Catherine-Anne Toupin incarne la pulpeuse Shandy dans la deuxième saison d'Unité 9.

Nous avions rendez-vous dans un bistro du quartier Rosemont-La Petite-Patrie. Quand elle est arrivée, j'étais en train de garer ma moto. Je ne la connaissais pas, sinon par l'entremise de la télé et du théâtre. Évidemment, j'avais davantage en tête la nouvelle Shandy d'Unité 9, et probablement aurais-je été moins surpris de la voir se pointer mâchant de la gomme, la jupe trop courte et le maquillage outrancier.

Eh bien, non! Elle est arrivée élégante, souriante et la main tendue, en me disant d'emblée: on se tutoie?

Pendant qu'elle terminait sa séance de photo, je l'ai attendue au fond du café, mais sans essuyer les verres, contrairement à la chanson de Piaf. Elle est entrée, perchée sur ses très jolies bottes, et s'est assise devant moi, prête au face à face.

Pour casser la glace, on a parlé d'un peu de tout, de ses années d'enfance à Ottawa, où son père travaillait comme fonctionnaire fédéral, de son déménagement à Québec, où elle a grandi, de ses études, du Conservatoire à Montréal, du Théâtre Ni plus ni moins, qu'elle a fondé pour se donner du travail, d'un job de prof d'anglais pour mettre du beurre sur son pain. Bref, de tout et de rien.

Q : On ne peut commencer que par Shandy, ce personnage coloré que tu incarnes depuis le départ de Suzanne Clément. Il y avait un risque, non?

R : J'ai toujours cru que dans la vie, il faut oser, et que c'est quand on ose qu'on apprend le plus sur soi-même et qu'on devient meilleur acteur. C'était une belle occasion d'aller au bout de mes limites.

Q : C'était quoi, la limite?

R : La peur de se planter. D'ordinaire, quand on crée un personnage, le spectateur est vierge. Cette fois-ci, le public n'était pas vierge, il était juste un peu en tabarnak. Quelqu'un m'a dit: «Je n'accepterais jamais de me planter devant 2 millions de personnes.» J'ai vraiment tout entendu...

Q : Maintenant, c'est parti. Mais avant, y as-tu beaucoup réfléchi?

R : C'est pendant la promotion que ç'a été le plus intense. Mais sérieusement, non, je n'y ai pas réfléchi pendant quatre jours. Je me suis dit que j'avais une occasion. De beaux rôles, dans une série fantastique, qui marchent aussi bien pour une femme, il n'y en a pas beaucoup.

(Elle a pris ça d'aplomb, après deux auditions, la seconde plus longue que la première. Et comme lui a dit son amoureux: c'est du travail.)

Q : C'est toi qui aurais mangé le coup si ça n'avait pas marché?

R : Oui, c'est vrai. Mais je n'ai pas travaillé l'imitation, ça n'aurait pas fonctionné. Dans une série dramatique comme celle-là, on n'a pas le choix de rendre justice à ce qui était là avant. Mon travail, c'était de m'effacer le plus possible comme comédienne. Dès le début, j'étais là pour poursuivre le travail de quelqu'un.

Q : C'est humble.

R : Je crois que pour être un bon acteur, il faut être humble. Notre boulot, c'est de nous mettre au service de l'histoire, du metteur en scène. Dans ce cas-ci, il fallait aller chercher l'essence de ce qu'avait créé la belle Suzanne, une fille que je connais déjà bien dans la vie.

(C'est vrai qu'elle la connaît bien, Suzanne, pour avoir travaillé pendant des années avec elle sur Sophie Paquin. Ç'a d'ailleurs été l'élément déclencheur de sa carrière.)

Q : Tu es de nature heureuse?

R : Ça dépend, ça se promène. En vieillissant, un peu plus, parce qu'en vieillissant, on veut rendre ça plus simple. Mais je suis quelqu'un qui réfléchit beaucoup, qui se remet beaucoup en question, et j'essaie de garder tout ça dans un certain humour, même s'il est noir, parce que la vie, ça se prend mieux avec humour.

(En la regardant et en l'écoutant, je me demande: est-ce que c'est possible, des comédiens, des acteurs, des créateurs sans angoisse?)

Mon amoureux [Antoine Bertrand] n'est pas pire, mais c'est à peu près le seul.

Q : Et le vedettariat, Catherine-Anne?

R : C'est certainement la notion avec laquelle je suis le moins à l'aise. Moi, ce qui me passionne, c'est raconter des histoires. C'est la plus belle chose que l'humain a inventée: la capacité de partager l'expérience humaine, écouter. Le vedettariat, c'est vraiment un...

Q : ... cadeau?

R : Oui, un cadeau, parce que ça nous permet de travailler, d'avoir accès à d'autres rôles, d'avoir un peu plus de contrôle sur notre carrière. Mais ce qui est important d'abord et avant tout, c'est la gang avec qui je travaille, l'histoire qu'on raconte, l'expérience artistique. Tout ça a mille fois plus d'importance que la célébrité.