Oprah Winfrey a accroché son microphone hier, lors d'un dernier tour de piste plein d'émotions et d'enseignements spirituels. «Moi qui ai toujours voulu être professeure, je me suis retrouvée dans la plus grande salle de classe du monde», a confié la reine des talk-shows d'après-midi, élégante et chic dans un ensemble rose, pour cette ultime visite dans les salons de ses dizaines de millions de disciples.

Pour sa dernière heure après 25 ans de loyaux services, Oprah a opté pour la sobriété d'un monologue en tête-à-tête avec son vaste public. Une finale historique, dont chaque messagge publicitaire de 30 secondes valait 1 million de dollars US. En 60 minutes, la star du talk-show a raconté, devant un public attentif et ému, le bilan des grandes leçons à tirer de ces quelque 4500 émissions vouées à la quête du «meilleur de soi-même» (son fameux «best self»).

Pas de «Aha! moments», pas de surprises ni cadeaux extravagants, aucune frasque, mais bien quelques larmes, des flash-backs amusants et plusieurs rappels de ses origines modestes. Pour qu'une jeune journaliste noire au prénom étrange, originaire du Mississippi, se hisse au sommet du palmarès des personnalités les plus influentes de la planète, il y a eu du travail acharné, des moments de télé historiques, un alignement des astres parfait, des lectures inspirantes, des rencontres marquantes avec les Maya Angelou et Nelson Mandela de ce monde. Mais, personne n'étant parfait, l'histoire d'amour entre Oprah et son public a aussi été jalonnée de styles vestimentaires à oublier, d'engueulades déchaînées entre invités, de débuts chaotiques...

«Au début, j'étais juste contente de décrocher le boulot», s'est amusée à dire celle qui a ressorti des images de ses débuts à Chicago au milieu des années 80, à l'époque où elle apparaissait en ondes mal fringuée et coiffée d'un «bad Jhery curl».

«Vous et cette émission ont été le plus grand amour de ma vie», a déclaré dans un élan d'émotion l'animatrice, productrice, philanthrope, amie des Obama, fondatrice du plus grand «Book Club» de la planète et maintenant présidente du réseau Own.

La semaine aura été faste en surprises et éloges pour Oprah, puisque le décompte vers la fin a commencé lundi et mardi, avec deux émissions spéciales tournées au Chicago United Center, devant une foule de 13 000 fans.

Une Oprah extatique y a reçu entre autres des numéros hommages de Beyoncé - entourée d'une troupe de jeunes femmes chantant Girls Will Rule the World -, d'un choeur de fillettes mené par Dakota Fanning, de Madonna, Tom Hanks, Rosie O'Donnell et plusieurs autres de ses intimes. Ses meilleures amies Gayle King et Maria Shriver, à l'instar de plusieurs dizaines d'hommes qui ont bénéficié des bourses d'études accordées par ses programmes d'aide à l'éducation, ont mis en valeur son engagement envers l'éducation et la justice sociale.

Contrastant avec les célébrations du début de la semaine, Oprah a choisi l'introspection et la gratitude, dans son émission finale mettant un terme à une aventure de 25 ans qui, l'a-t-elle rappelé, a été un confessionnal, un véhicule de changements sociaux, un salon de beauté...

Quelles leçons à conserver de toutes ses heures passées avec Ekhart Tollé, Maya Angelou Dr Phil et autres sages contemporains? De ses entretiens avec des femmes battues, trompées ou brûlées? Des confidences des Julia Roberts, John Travolta, Halle Berry, qu'elle a serrés dans ses bras sur son plateau? De sa bataille avec ses kilos en trop? De son engagement pour favoriser l'accès à l'éducation?

«Vous et moi sommes responsables de l'énergie que nous créons et que nous apportons aux autres», a rappelé Oprah, avant de revisiter les débuts de son aventure télévisuelle, à l'époque plus trash où ses invités s'engueulaient sans gêne devant un public emballé par tant d'excès. «Dieu merci, nous sommes passés à autre chose.»

«Quand j'ai commencé cette émission, j'ai pris conscience que plusieurs gens, et pas seulement moi, avaient eu des enfances difficiles», a confié l'animatrice qui, au fil des ans, aura accueilli les confessions d'invités profitant de sa tribune pour révéler leur homosexualité ou qu'ils avaient été violés, agressés, qu'ils souffraient d'alcoolisme ou de dépendance aux drogues.

D'Oprah la journaliste curieuse et disposée à entendre toutes les confidences, elle est devenue Oprah la femme d'affaires déterminée et portée sur un certain mysticisme, qui terminait chacune de ses émissions par une méditation dans une pièce éclairée aux chandelles. «Avec vous, j'ai appris ce qu'est l'amour. Ensemble, nous avons eu des «Aha! moments», nous avons été laids en pleurant, nous avons tenu nos «journaux intimes de gratitude»...»

Lors de ce laïus de départ, dans lequel elle a tenu à remercier son public pour tous les apprentissages que lui ont apporté ce quart de siècle à l'antenne, Oprah a relevé un point commun que partagent tous les «accrocs» de ce monde, qu'ils soient héroïnomanes, workaholic ou dépendants au chocolat: le sentiment de ne pas en valoir la peine.

«Cette émission m'a appris que vous en valez la peine, par le simple fait d'être au monde. Chacun a une mission de vie à accomplir», a proféré la dame, qui a affirmé que son oeuvre télévisuelle était le fruit de son équipe et de Jésus lui-même.

«La main de Dieu a rendu tout cela possible. Et quand je dis Dieu, j'entends l'Alpha et l'Omega, la conscience ultime, tout ce qui est...», a clamé Oprah, qui a affirmé que quelque temps après ses débuts à la télé, elle savait senti qu'un destin exceptionnel s'ouvrait devant elle.

En attendant de retrouver ses fans sur sa chaîne Own, Oprah a donné à ses orphelins d'après-midi sa nouvelle adresse courriel, promettant de répondre personnellement à chacun.

C'est la fin de l'ère O.