Après avoir eu du succès sur la scène francophone et anglophone à Montréal au début des années 2000, le Montréalais Daniel Tirado est parti s'installer à New York en 2010. Il a raconté à La Presse combien la scène humoristique est fascinante à Manhattan. Même si la concurrence y est rude, il ne compte pas rentrer au Québec...

Né d'une mère polonaise et d'un père péruvien, Daniel Tirado a grandi à Montréal. Après des études en littérature anglaise à McGill et des cours de théâtre à New York de 2000 à 2003, ce polyglotte (il parle français, anglais, espagnol et polonais) est rentré à Montréal pour s'orienter vers le stand-up.

Il a fait son apprentissage de monologuiste dans les bars, notamment sur la scène du ComedyWorks. Il a participé à des tournages de films et de pubs. Il a fait de la radio et a été retenu pour des galas Just for Laughs, Grand Rire et Juste pour rire.

Mais à 31 ans, en 2010, Daniel Tirado est retourné à New York. «New York, c'est La Mecque pour tous les artistes, dit-il lors d'un entretien téléphonique. Je savais que pour approfondir mon matériel de stand-up, je devais venir ici. C'est vraiment un autre niveau. Les humoristes sont incroyables. Alors au début, c'était horrible pour moi! Pourtant, je savais que je ne retournerais pas [à Montréal]. Il faut juste s'accrocher.»

La greffe n'a pas été facile pour lui à New York, même s'il parle parfaitement l'anglais. Mais aujourd'hui, cinq ans après son arrivée, Daniel Tirado se produit chaque semaine (même à l'extérieur de Manhattan) et fait des comedy clubs réputés comme le Gotham, le Carolines, le New York, le Broadway ou le Dangerfield's.

«Ce n'est pas si important de jouer dans de grandes salles, dit-il. C'est prestigieux, mais c'est dans les petites salles que tu arrives à tester ton matériel. D'ailleurs, l'industrie ne va plus chercher les talents dans les comedy clubs. Elle va surtout dans les trous, les bars très populaires.»

Un travail mal rémunéré

Ces lieux sont très populaires, mais pas très rentables pour les humoristes qui viennent s'y faire les dents. «Tu ne gagnes quasiment rien dans ces bars, dit Daniel Tirado. C'est comme aller au gym. Tu vas là pour t'entraîner, t'entraîner et t'entraîner. Sinon, il y a les comedy clubs qui te paient 25$ du dimanche au jeudi. Le vendredi et le samedi, c'est de 75 à 85$.»

Pas grand-chose quand on sait que son emménagement à New York lui a coûté 20 000$ pour ses 10 premiers mois. Pour vivre, Daniel Tirado compte sur le salaire de sa femme (qui travaille pour une organisation internationale) et sur les spectacles qu'il fait dans des entreprises et des écoles.

«Tu peux recevoir 1500$ pour un spectacle dans un collège et de 1000 à 2000$ dans une entreprise, dit-il. Les comedy clubs, si tu fais trois apparitions le vendredi et trois le samedi, ça te donne quand même six fois 85$, et ce, quatre fois par mois. Alors, on peut s'en sortir, même si le coût de la vie est élevé. Avec un jeune enfant, c'est quand même tout un défi.»

Sept shows le même soir!

Pour s'en sortir, il faut travailler fort, dit Daniel Tirado. La plupart du temps, l'humoriste fait beaucoup d'apparitions dans de nombreuses salles durant la même soirée.

«Une fois, j'ai fait sept shows de 15 à 20 minutes le même soir, dit-il. À New York, il y a tellement d'endroits où jouer. J'ai déjà joué 50 fois en un mois, l'année dernière! Ce serait impossible à Montréal, Toronto ou même Los Angeles. Il faut jouer beaucoup pour s'améliorer, nouer des amitiés et créer des contacts. C'est très important de sortir de sa bulle.»

Tirado sort tellement de sa bulle qu'il n'écarte aucun marché. Il rentre tout juste d'Haïti où il est allé jouer pour la troisième fois en moins d'un an. Il ajoute qu'il faut quand même trouver le bon dosage. Trop jouer nuit à la qualité. «Quand tu montes sur scène, ça doit valoir quelque chose», dit-il.

À long terme, Daniel Tirado vise un retour dans le milieu du cinéma, comme tous les artistes de la comédie aux États-Unis, dit-il. «J'aimerais en arriver à travailler comme acteur et comme humoriste en même temps. Je vois ça venir, mais il faut être patient. Il faut éviter de se comparer aux autres. Tout le monde a son propre cheminement. Il y a des humoristes, à New York, que je considère comme les plus forts du domaine et pourtant, ils ne sont pas connus. La célébrité n'est pas importante, c'est le niveau de travail qui m'intéresse.»

Les humoristes québécois devraient-ils garder un oeil vers le sud, selon lui? «Il y a de la place pour tout le monde, dit-il. Surtout si on travaille fort et qu'on a du talent. À un moment donné, tout le monde a une chance. Il faut juste s'accrocher, car c'est très facile de tout laisser tomber.»