Il est rare que le titre d'un film devienne le nom d'un phénomène social. Or, Tanguy, réalisé en 2001, l'est devenu. Aujourd'hui, on donne encore ce nom à ces «adulescents» de 25, 30, 35 ans qui habitent chez leurs parents... et ne prévoient pas de partir de sitôt.

D'où l'intérêt du producteur Paul Dupont-Hébert, de la boîte Tandem, d'adapter au théâtre la comédie d'Étienne Chatiliez. Pour la présenter sur scène en tournée au Québec durant un an. Quelle fausse bonne idée...

Tout le monde connaît l'histoire de Tanguy (Christophe Payeur, crédible et comique), l'éternel étudiant et sinophile de 30 ans, ainsi que les manigances de ses parents (Normand d'Amour et Marie-Chantal Perron, tous deux énergiques et comiques) pour que leur fils quitte le nid familial.

Au cinéma, ce récit (assez mince) peut rebondir. Pas au théâtre. L'absence de progression dramatique est problématique, voire désolante. Pour combler cette carence, Normand Chouinard a rempli son spectacle de sketches, dont une scène inutile de karaoké à la fin du premier acte et un procès devant un juge archi ridicule, entre autres. 

Vieux jeu

Avis aux jeunes lecteurs: désolé d'avoir ici recours à de vieux exemples, mais certains numéros de Tanguy sont dignes des Tannants ou de Moi et l'autre. La proposition aurait pu être présentée telle quelle pour un concept de sitcom télévisuel dans les années 70.

De mémoire, la mise en scène de Tanguy est l'une des pires qu'on a vues depuis belle lurette. De calibre mauvais théâtre d'été, mais avec du budget. Les acteurs sont mal dirigés. L'espace scénique est mal utilisé: on utilise trop souvent les côtés d'un immense plateau vide. La scénographie est affreusement réaliste (merci à J.C. Perreault pour le mobilier), avec moult changements de costumes et décors pivotants. Les proverbes chinois tombent à plat. Puis, il y a trop de «noirs» entre les scènes et trop de musique à la Sweet People. Sans parler des personnages caricaturaux. Un décorateur gai, peroxydé et efféminé; une geisha japonaise nymphomane, en 2018, vraiment?

La question critique...

Finalement, le spectacle s'étire sur deux heures trente (incluant l'entracte). Une durée inversement proportionnelle à notre intérêt pour la proposition.

Maintenant, la question du critique honnête et transparent. Est-ce que ça rit dans la salle? Eh oui. Pas constamment, mais assez souvent pour reconnaître le mérite des interprètes qui travaillent fort dans cette galère sans capitaine. Et assez pour constater qu'il existe un public au Québec pour ce genre d'humour (c'est le même producteur qui propose Ladies Night qui a fait plus de 850 représentations depuis sa création!).

Toutefois, comme disaient nos amis du défunt magazine Croc: «C'est pas parce qu'on rit que c'est drôle.»

* 1/2

Tanguy. D'après le scénario d'Étienne Chatiliez et de Laurent Chouchan. Mise en scène: Normand Chouinard. En tournée au Québec et à la salle Pierre-Mercure, en supplémentaires du 13 au 19 mai 2019.

Photo Laurence Labat, fournie par Tandem

Marie-Chantal Perron et Normand d'Amour, qui incarnent les parents de Tanguy, sont tous deux énergiques et comiques.